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Intervention de Christophe Bentz

Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2023 à 10h30
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bentz :

Nous voilà à nouveau réunis à la suite du 49.3 déclenché par la Première ministre, après un examen partiel du PLFSS martyrisé par les recours multiples au 49.3 et la menace constante de son déclenchement, qui empêchent les débats de se dérouler sereinement. Le texte en devient illisible voire incompréhensible, alors même qu'il engage toute la nation quant à son système de santé et qu'il y va de la solidarité nationale, donc de la protection et de la cohésion sociales.

Madame la Première ministre, vous avez dégainé un vingtième 49.3 vendredi dernier : vingtième passage en force, vingtième marque de mépris de la représentation nationale et donc des Français. Vous l'avez déclenché avant même que ne débutent le débat et la discussion générale sur la dernière lecture du texte. Ce n'est pas neutre : vous n'avez même pas voulu écouter une seule seconde les arguments des groupes politiques qui composent l'Assemblée nationale, l'assemblée du peuple.

Nous refusons de nous habituer à ces salves de 49.3 car nous considérons que vous faites un usage abusif de cet outil constitutionnel en le dévoyant de sa vocation d'origine. En plus d'être méprisante envers la démocratie représentative, vous avez, tout comme l'an dernier, profité des 49.3 pour retirer des amendements adoptés en commission ou, au contraire, ajouter des dispositions qui n'ont pas été discutées par le Parlement. Vous avez fait votre petit tri, votre petite cuisine à la sauce gouvernementale qui laisse un goût amer aux Français.

Ce passage en force, au mépris des parlementaires et donc des millions de Français qu'ils représentent, dissimule très mal les limites de votre politique, vos choix contestables, vos erreurs et votre absence de maîtrise comptable en matière de santé.

Pire encore, en recourant au 49.3, vous avez, vous, gouvernement d'Emmanuel Macron, supprimé un amendement important et de bon sens, pourtant adopté par les sénateurs du Rassemblement national, qui prévoyait la possibilité, pour les employeurs et les travailleurs indépendants ultramarins, de conclure avec les organismes de recouvrement des plans d'apurement de leurs dettes de cotisations et de contributions sociales. Cette suppression est inacceptable pour nos compatriotes d'outre-mer.

Grâce au 49.3, votre gouvernement a également réintroduit les dispositions prévoyant une contribution de l'Agirc-Arrco au titre de la solidarité financière du système de retraite ; la compensation intégrale par l'État des conséquences de l'adossement des régimes spéciaux fermés pour le régime général ; ainsi que les dispositions permettant au Gouvernement de geler les taux de la contribution tarifaire d'acheminement (CTA). Ces dispositions obèrent le pouvoir d'achat des Français.

En outre, le Gouvernement a supprimé l'extension aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de l'exonération patronale pour l'emploi des aides à domicile, dont bénéficient les centres intercommunaux d'action sociale ; l'exonération de cotisations patronales pour les entreprises de la filière vitivinicole ; ou encore l'extension aux employeurs publics du dispositif de réduction des cotisations patronales en contrepartie de la mise à disposition de salariés engagés en tant que sapeurs-pompiers volontaires – autant de mesures que nous avions soutenues car elles auraient renforcé nos entreprises, nos collectivités et le pouvoir d'achat des Français.

Enfin, grâce au 49.3, vous avez supprimé la création d'une somme forfaitaire versée à l'assurance maladie par les assurés n'honorant par un rendez-vous médical. Nous avions déposé un amendement en ce sens lors de la discussion de la proposition de loi dite Valletoux, afin de compenser ces désistements qui équivalent à l'activité à temps plein de 4 000 médecins chaque année.

Par ailleurs, la revalorisation des revenus et honoraires de tous les professionnels de santé par le biais des discussions conventionnelles, tout comme le prix du médicament, restent, semble-t-il, les variables d'ajustement de votre incapacité à établir un prévisionnel juste et réaliste.

Au-delà de ces suppressions, que nous déplorons – c'est-à-dire de vos mauvais choix au moment de la construction du PLFSS –, votre budget demeure financièrement déséquilibré. Tous les paramètres économiques qui ont permis de le bâtir sont erronés et totalement irréalistes par rapport aux données de croissance et d'inflation retenues par la Banque centrale européenne (BCE) et la majorité des économistes français.

En définitive, le budget retenu dans la version finale du texte ne tient pas compte de la majorité des observations votées par les parlementaires, députés comme sénateurs : vous vous asseyez sur le travail des parlementaires.

J'ajouterai qu'une partie des dépenses sont très mal ciblées : les grands enjeux de santé publique dans les territoires, comme la désertification médicale accélérée, la grave dégradation – voire la tiers-mondisation – de l'hôpital public ou le recul général des services de santé de proximité, ont été sous-estimés sinon oubliés. Nous déplorons l'absence de solutions pertinentes, adaptées, durables et donc efficaces aux crises dont les Français sont victimes.

En résumé, nous n'avons pas davantage confiance dans votre gouvernement que dans votre texte, car il manque de crédibilité et aggrave encore une dérive : la financiarisation de la santé. Ce PLFSS – comme le PLF et la plupart de vos textes – nous fait douter de votre sincérité, tout en étant convaincus de votre opacité.

Pour finir, le temps du bilan de cette séquence budgétaire est venu. Comme l'année dernière, elle aura été chaotique, car vous n'avez ni voulu ni su composer avec l'opposition. Se pose une question de fond, madame la Première ministre : combien de temps allez-vous encore gouverner sans la représentation nationale, c'est-à-dire gouverner sans les Français, voire contre leur volonté ?

À propos de la santé de nos compatriotes, vous êtes aveugle, déconnectée et sans vision. Malheureusement, vous êtes encore aux responsabilités, à la tête des destinées de la nation française. Aveugle, car à aucun moment vous ne vous remettez en cause, ne remettez en question votre politique ou n'acceptez de voir la réalité. Déconnectée, car votre budget est hors sol : il ne correspond pas aux besoins cruciaux et aux réalités des territoires. Il n'est pas à la hauteur des véritables enjeux de santé, de solidarité et de cohésion sociale. Sans vision, enfin, car vous ne fixez aucun cap à long terme : vous gérez péniblement, à la petite semaine, le budget de la sécurité sociale.

Les députés du Rassemblement national, premier groupe d'opposition à la Macronie, souhaitent sincèrement à la France un gouvernement qui soit doté à la fois d'une vision, d'un sérieux budgétaire et, surtout, d'un pragmatisme politique qui permettent d'apporter aux Français des solutions concrètes et durables aux difficultés qu'ils rencontrent au quotidien depuis trop longtemps.

J'en viens à présent à la motion de censure elle-même. Chers collègues de l'extrême gauche, vous aussi, à votre manière, vous dévoyez les outils institutionnels en les détournant de leur mission d'origine. Certes, comme vous, nous rejetons le projet de loi de financement de la sécurité sociale du Gouvernement, car, sur le fond, il n'est pas à la hauteur des enjeux et, sur la forme, il n'est pas acceptable, étant donné les 49.3 à répétition.

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