Tout d'abord, je constate que nous pouvons avancer ensemble en matière d'ouverture des allocations familiales au premier enfant ou d'égalité salariale car nous posons ces débats dans les mêmes termes. Ne cherchons pas des clivages quand nous pouvons nous mettre d'accord.
Notre proposition de loi concerne 1,3 million d'enfants bénéficiaires de l'ASF, sachant que 40 % d'entre eux ont un parent insolvable ou ne reçoivent pas de pension alimentaire fixe. Il me semble que certaines oppositions sont un peu forcées. S'agissant de la responsabilité, je maintiens que la conjugalisation substitue le beau-parent au parent absent et je m'en inquiète. La responsabilité du parent absent passe par le paiement de la pension alimentaire. Comme vous, madame Le Nabour, je pense qu'il faut améliorer le recouvrement des pensions et des impayés. À mon avis, la déconjugalisation de l'ASF donne une motivation supplémentaire pour essayer de recouvrer les pensions alimentaires non payées : le versement d'un substitut incite à des vérifications.
Il existe certes des solidarités familiales, mais les revenus varient. Quand vous vous mettez en couple avec quelqu'un, vous ne pouvez pas tout prévoir. Ne parlons pas des prestations non contributives qui visent à répondre à des situations de pauvreté ou d'isolement. Ce n'est pas le sujet. Parlons du seul à perdre le bénéfice d'une prestation, y compris si le revenu du ménage baisse : l'enfant dans le cadre de l'ASF. C'est la seule situation où il y a perte nette même si la famille s'appauvrit, ce qui n'est pas normal.
Je partage votre intérêt pour le sujet du non-recours aux droits, madame Le Nabour. J'y trouve même un argument supplémentaire en faveur de l'adoption de ce texte : l'une des causes du non-recours, qui atteint près de 50 % pour l'ASF, c'est la crainte du contrôle sur pièces par la CAF. Il existe diverses méthodes pour effectuer ce contrôle qui tend à vérifier que la personne n'est pas en couple. Les contrôleurs de la CAF disposent d'un manuel et ils doivent prêter serment, mais ni le manuel ni le contenu du serment ne sont communiqués au grand public. Je profite de l'occasion pour réitérer la demande que j'avais faite à Mme Aurore Bergé, par le biais d'une question écrite, à propos de l'accès à ces documents. Le contrôleur peut, par exemple, vérifier que le nombre de brosses à dents correspond au nombre de personnes supposées vivre sous le même toit. La crainte de tels contrôles, qui peuvent prendre une tournure vexatoire et intrusive, conduit à du non-recours.
Vous avez évoqué les parcours de la CAF, madame Le Nabour. Il en existe un pour les cas de séparation, qui prend en charge les personnes tout au long de leur cheminement. Le problème est qu'il invite la personne à entrer dans une démarche de médiation avec son ancien partenaire alors qu'elle doit passer devant le juge si elle veut conserver le bénéfice de l'allocation. Les membres de la majorité devraient réserver un accueil enthousiaste à notre texte qui, en définitive, contribue aux réflexions du Gouvernement, et saisir l'occasion.
Enfin, s'agissant des comparaisons internationales, monsieur Turquois a retenu des pourcentages du PIB alors que j'ai raisonné en niveau de prestations et parité de pouvoir d'achat. Il faut bien sûr distinguer les pays où les prestations sociales sont plus généreuses en général – Norvège, Suède, Danemark, Autriche, Allemagne – et ceux qui versent une allocation comparable à l'ASF sans imposer un critère d'isolement.