Plusieurs d'entre vous ont fait allusion à l'existence d'une boucle prix/salaires et répété qu'indexer les salaires sur l'inflation ferait mécaniquement augmenter les prix. Non. Aucun des acteurs auditionnés n'a évoqué ce scénario, y compris la Dares et l'Insee. Une étude du Fonds monétaire international (FMI) démontre même que, contrairement à ce que vous dites depuis un an, la boucle prix/salaires n'existe pas, se fondant en cela sur l'analyse de soixante-dix ans de vie économique dans différents pays. Il n'y a quasiment jamais eu d'épisode de boucle prix/salaire dans le monde. C'est un mythe. Écoutez donc les experts et les économistes du FMI !
Par ailleurs, l'indexation n'a pas été supprimée en 1983 parce qu'elle aurait nourri l'inflation. Comme aujourd'hui, l'inflation à l'époque était provoquée par un choc de l'offre – notamment par l'augmentation extrêmement forte du prix du pétrole. En réalité, les marges des entreprises ont diminué et, comme les salaires étaient indexés sur l'inflation, leur part dans la répartition de la valeur ajoutée a augmenté par rapport à celle versée aux actionnaires et au patronat. Il s'agissait d'un conflit politique autour de la répartition de la valeur ajoutée produite par les entreprises, comme actuellement. Selon l'ensemble des acteurs auditionnés, seuls les salariés paient aujourd'hui le prix de l'inflation en France parce que les marges des entreprises augmentent en moyenne – y compris celles des TPE et PME, bien qu'elles restent inférieures à celles des grands groupes. Je rejoins à cet égard nombre des observations faites à leur sujet et c'est la raison pour laquelle notre proposition de loi prévoit une caisse de péréquation.
Vous dites qu'il faut lutter contre l'inflation et que nous ne proposons pas de solution. Soyons clairs : ce texte vise, non pas à lutter contre l'inflation, mais à corriger ses effets et à éviter que les gens sombrent dans la pauvreté. En effet, ce que vous avez mis en place ne fonctionne pas puisqu'au deuxième trimestre 2023, la consommation globale est en recul en France. Cela va finir par une récession. Vos coups de pouce ne suffisent pas. Il faut apporter une véritable correction et lutter contre les causes de l'inflation. D'abord, la crise énergétique, qui suppose que l'on accélère franchement la transition énergétique ce que, projet de loi de finances après projet de loi de finances, nous ne faisons pas. Puis, lutter contre les superprofits, car quasiment la moitié de l'augmentation des prix est due à la spéculation et à l'explosion des marges dans certains secteurs. Là encore, ce n'est pas La France insoumise qui le dit, mais le FMI !
Vous ne pouvez pas, d'un côté, appeler à la lutte contre l'inflation et, de l'autre, refuser toutes les mesures que nous avons proposées pour limiter la casse, qu'il s'agisse d'investissements supplémentaires ou du blocage des prix, notamment dans l'énergie.
Les TPE et les PME constituent effectivement un sujet et un problème. Mme Janvier objecte que 99 % des entreprises françaises sont des TPE et PME. Attention à l'effet d'optique ! Nous sommes dans une économie très concentrée : 257 grands groupes captent 31 % de la valeur ajoutée produite par l'économie française. La part du Smic et des bas salaires est plus importante parmi les salariés des TPE et PME que parmi ceux des grands groupes : elles sont de fait déjà affectées par l'indexation du Smic. C'est précisément pour cela que nous proposons une caisse de péréquation. Nous sommes en effet convaincus que la taille d'une entreprise participe grandement à sa capacité à s'en sortir dans l'économie nationale et mondialisée. L'Insee nous a d'ailleurs alertés sur le fait qu'il manquait de données pour analyser l'effet de la taille des entreprises sur les comportements économiques.
Je vous remercie pour vos interventions même si je suis navrée de toujours entendre les mêmes arguments éculés, alors que la situation empire et qu'un nouveau choc inflationniste nous attend peut-être.