. – Il se trouve que je m'intéresse à la question de l'uranium naturel au titre de mes fonctions extérieures à la commission. Il y a une dizaine d'années, je pouvais dire à mes élèves que le pétrole générait des problèmes géopolitiques. Je pouvais les inviter à superposer la carte des producteurs de pétrole et celle des endroits dans le monde où se produisaient des crises politiques voire militaires. Nous ne pouvons pas tenir le même discours au sujet de l'uranium car ses réserves sont plus dispersées et localisées dans des pays réputés stables.
Par conséquent, j'ai révisé ce type de discours, y compris devant mes élèves. Les sources d'énergie peuvent se situer dans des pays plus ou moins stables ou dans des pays qui relèvent de sphères d'influence qui peuvent être mouvantes. Des questions de souveraineté peuvent alors se poser, nous en avons abondamment parlé aujourd'hui. Je ne dis pas que des problèmes n'existent pas aujourd'hui. Il me semble toutefois pertinent d'appréhender ces questions de manière globale et de ne pas se mettre en position de dépendre de certains pays.
La question se complique par ailleurs puisque la consommation d'uranium est susceptible d'augmenter très significativement dans les 20 ans qui viennent. Il suffit d'examiner les projets en cours en Chine et en Russie. En les étudiant, on peut supposer que la consommation d'uranium augmentera de 30 % dans les vingt prochaines années.
Concernant le coût du réenrichissement, nous avons dit tout à l'heure que l'uranium appauvri était une matière au sens où il peut être utilisé pour les RNR. C'est également une matière au sens où il peut être réenrichi. On peut donc le voir de deux manières. Certaines sociétés utilisent déjà le réenrichissement de l'uranium appauvri en fonction des conditions du marché. En fonction du prix du réenrichissement, il est donc déjà rentable aujourd'hui de réenrichir l'uranium appauvri. Orano n'exerce pas cette activité et préfère stocker son uranium appauvri. Toutefois, il est clair que le coût du réenrichissement n'est pas dramatiquement élevé. Il est quasi identique au prix du marché et, à vrai dire, parfois même économiquement rentable. Côté bilan énergétique, le contenu énergétique de l'uranium est tellement gigantesque que le rendement énergétique sera toujours très efficace.
La question concerne donc l'approvisionnement en uranium naturel et, plus que la disponibilité de l'uranium, la recomposition des flux du marché à l'échelle mondiale sous différentes pressions : modification significative de la consommation par certains pays ou des recompositions dépendant plus de considérations géopolitiques.
Sur le renouvellement des installations du cycle, la durée de 15 ans correspond au temps nécessaire à l'instruction des dossiers par les opérateurs pour prendre leurs décisions d'investissement et à la construction, de manière à disposer des installations en 2040.
2025 nous paraît une date raisonnable pour prendre la décision. Si l'on choisit une autre échéance, on risque de se trouver dans la même situation que celle des Anglais, qui doivent faire face aux conséquences d'une absence de décision.