Cette position s'explique autant par le contenu de la réforme que vous proposez que par la méthode que vous privilégiez. Les engagements du mois de juillet en faveur de l'écoute, de la concertation et de la coconstruction n'ont pas fait long feu : la nouvelle méthode promise semble avoir été remisée en contournant allègrement partenaires sociaux et parlementaires.
Quel signal envoyez-vous pour les cinq prochaines années quand, sur un sujet crucial comme la politique du travail, le Gouvernement décide de fixer les règles par décret, autrement dit de les fixer seul ?
Surtout, les débats qui ont eu lieu ces dernières semaines ne nous ont pas convaincus de la pertinence de lier les règles d'indemnisation à la conjoncture économique. Nous le sommes d'autant moins qu'au moment de voter ce texte, nous ne savons toujours pas quels indicateurs seront utilisés. Retiendra-t-on le taux de chômage ou le taux de vacance d'emploi ? Nous ne savons pas non plus à quelle fréquence les règles seront modifiées.
Notre groupe n'a finalement obtenu qu'une seule garantie : que ces futures règles tiennent compte des spécificités des territoires d'outre-mer, où le taux de chômage est bien plus important tandis que les opportunités d'emploi sont moins nombreuses. C'était le minimum.
Monsieur le ministre, nous avons pu échanger et vous vous êtes engagé à réaliser ces adaptations et à instaurer des règles plus protectrices dans ces territoires plus fragiles. Nous y veillerons, tout comme nous serons attentifs à l'impact de votre réforme sur le taux de non-recours – on sait qu'actuellement 25 à 42 % des personnes éligibles à l'indemnisation chômage ne la touchent pas.
De façon plus générale, je crois qu'un compromis était possible sur ce texte : choisir une solution d'équilibre aurait permis de prendre le temps de débattre d'une réforme plus ambitieuse. Notre groupe a proposé cette solution dès le départ : proroger le régime actuel, de six mois par exemple, le temps que les partenaires sociaux négocient de nouvelles règles et que nous prenions un peu de recul sur la dernière réforme de l'assurance chômage, qui n'est entrée en vigueur que l'an dernier, dans la douleur déjà, contre l'avis des partenaires sociaux.
Du reste, je pense que ce projet de loi est né d'une erreur : croire qu'il suffit de restreindre l'indemnisation chômage pour lutter contre les difficultés de recrutement des entreprises.
Le chômage est un risque économique et social, auquel chacun d'entre nous peut être confronté au cours de sa carrière et que chacun doit assumer. Être demandeur d'emploi, ce n'est pas un état permanent, mais une situation temporaire. L'indemnisation chômage permet justement d'en sortir sans tomber dans la pauvreté. Ne tenons pas de discours réducteurs : n'opposons pas travailleurs et demandeurs d'emploi.
Nous regrettons donc que ce projet de loi se soit concentré presque exclusivement sur l'assurance chômage, alors qu'il aurait fallu mener une réflexion globale sur l'emploi et sur le travail.