Pourtant, ce que vous sous-entendez sous le vernis des mots policés, c'est que les privés d'emploi sont des coquins, des resquilleurs. L'assurance chômage, dites-vous, est trop généreuse, elle n'est pas assez incitative. Même si un tiers des personnes éligibles ne font pas valoir leurs droits, pour vous, c'est elle qui empêche de gagner la bataille de l'emploi. C'est la faute de l'assurance chômage s'il y a du chômage. Il faudrait donc la dégrader pour forcer celles et ceux qui se complairaient dans sa ouate à ne pas être trop regardants et à prendre le premier emploi qui passe sans en discuter les conditions. Il faudrait rendre le chômage plus terrible encore.
Or, le chômage est toujours une épreuve ; il vous plonge dans l'incertitude, abîme l'estime de soi, détruit des vies. L'assurance chômage est un droit créé par le travail pour l'affronter. Le droit à être protégé grâce à sa cotisation, à recevoir un revenu de remplacement lorsqu'on est privé d'emploi, le temps de trouver un autre travail qui vous corresponde. Parce que le travail change, il faudrait sécuriser les parcours professionnels entre emploi et formation.
Vous vous trompez sur toute la ligne. Votre réforme est injuste, bancale et inefficace pour remédier aux tensions observées dans certains secteurs du « marché de l'emploi », comme on dit.
L'assurance chômage n'est pas un levier de la politique de l'emploi ; c'est un droit. Ce droit ne doit pas être flou et flottant, variable au gré de la conjoncture, il doit être stable. Pour imposer cette régression, vous nous demandez de vous signer une décharge afin de court-circuiter à nouveau les acteurs sociaux. Après une mauvaise réforme qui a dégradé la vie d'un bon million de personnes, vous poursuivez l'étatisation de la protection sociale et sa transformation en assistance publique.
Votre allergie à la protection sociale vous emporte. Vous annoncez une réforme de la gouvernance de l'Unedic, une réforme du service public de l'emploi, une réforme du RSA !
Vous avez cédé au Medef et aux Républicains sur les abandons de poste sans vous interroger plus avant sur ces situations, au demeurant déjà prévues, et sur leurs causes. Et vous leur en promettez davantage, à eux et à d'autres – je pense à l'obligation d'accepter un CDI. Il faut mettre les gens dans des cases, ne leur en déplaise. Vous jouez à Tetris avec les vies : il faut empiler tout ça pour remplir des lignes et des colonnes. Vous vous trompez sur toutes les lignes et sur toutes les colonnes.
Comme une provocation supplémentaire, vous avez choisi de produire à la sauvage une réforme d'ensemble de la validation des acquis de l'expérience. Ce droit des salariés, nous le défendons. Mais vous n'avez vraiment discuté de tout cela avec personne, et il est à craindre que cette réforme ne concoure à la volonté de décréter au plus vite les gens utilisables, employables et rentables. La reconnaissance de leur expérience et de leur expertise, si difficile dans un trop grand nombre d'endroits, devrait s'articuler avec la formation professionnelle qualifiante et les métiers, pour qu'ils puissent s'épanouir dans un travail, et non pas devenir un outil supplémentaire de contournement des diplômes et des salaires.
Pendant des décennies, le système a prospéré sur un chômage de masse – et nous n'en sommes pas sortis. Il pesait sur les salaires, les conditions de travail et les droits. Aujourd'hui, le rapport de forces semble un peu plus favorable aux salariés, mais vous ne l'acceptez pas, comme on peut le constater à l'occasion des mouvements pour les salaires dans les raffineries.
Ce texte est un geste de classe. Je ne veux pas dire par là que c'est un beau geste, mais qu'il relève de la lutte des classes.
Interrogez-vous plutôt sur les conséquences de l'insécurité sociale.
Interrogez-vous sur les causes des tensions sur le marché de l'emploi.
Interrogez-vous sur la reconnaissance.
Interrogez-vous sur la casse des métiers.
Interrogez-vous sur la crise de sens.
Interrogez-vous sur l'instrumentalisation des humains pour des profits dont ils ne voient pas la couleur.
Interrogez-vous sur le travail, sur la crise du travail qui mine notre société.
Vous allez encore alimenter cette machine, puis vous viendrez nous expliquer que vous ne comprenez pas que des gens éprouvent du mal-être au travail. Nous, nous croyons au travail comme à une contribution de chacune et de chacun à la satisfaction des besoins, comme à un geste d'accomplissement, un geste de partage. Encore faut-il le respecter.
Par cette réforme, vous vous attaquez encore à celles et ceux qui travaillent et, les traitant comme des enfants turbulents, à celles et ceux qui voudraient travailler encore, travailler encore. Ce sont les mêmes. Pour les députés communistes et le groupe GDR, c'est non !