Devant ce constat alarmant, il convient d'agir. La sauvegarde des salles de cinéma constitue un enjeu économique en outre-mer ; la préservation de l'accès à la culture, un enjeu social et culturel.
Le rapport de force entre les deux parties est asymétrique, notamment en raison d'une différence d'échelle de marché. Le taux de location perçu en outre-mer ne constitue qu'une modique partie du chiffre d'affaires des distributeurs, qui sont le plus souvent en mesure de développer leur activité dans d'autres territoires où les marchés sont plus importants et la rentabilité économique plus forte. En revanche, ce taux a une incidence significative sur les recettes des exploitants.
Or, notre rapport le souligne, ceux-ci sont économiquement fragilisés : depuis la crise liée au covid-19, la fréquentation baisse et l'inflation s'ajoute à une situation de vie chère structurelle. Au mépris de ces difficultés singulières et des efforts des exploitants de salles obscures ultramarines pour faire aboutir les négociations relatives à l'augmentation du taux de location, les distributeurs restent inflexibles.
Les exploitants ont déjà accepté la remise en cause du maillon de sous-distribution permettant aux distributeurs d'assurer une gestion directe, donc de percevoir 35 % des recettes, contre 17 % avec sous-distribution. Dans une logique de transparence et d'harmonisation, ils ont également consenti à l'application, à partir de 2015, de la taxe sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques (TSA), dont ils étaient exonérés.
Enfin, les distributeurs bénéficient d'une fiscalité avantageuse en outre-mer, où les taux de TVA et de TSA sont réduits, ce qui augmente mathématiquement l'assiette de leur prélèvement. Ainsi, en appliquant en outre-mer un taux de location de 35 %, ils perçoivent des recettes comparables à celles perçues dans l'Hexagone en appliquant un taux de 46 %.
Nous en sommes convaincus : augmenter le taux de location créerait un déséquilibre important et affecterait la filière cinématographique ultramarine. Puisque le dialogue entre les exploitants ultramarins et les distributeurs est interrompu, l'intervention du législateur est indispensable pour sortir de l'impasse et réguler leurs relations. Nous ne pouvons courir le risque, réel, que les exploitants, privés de toute autre marge manœuvre, n'augmentent le prix du billet d'entrée. Si nous ne garantissons pas le taux historique de 35 %, de nombreux établissements seront menacés : leur fermeture entraînerait des conséquences économiques et culturelles inacceptables – chômage et réduction de l'accès à un loisir familial.
Il y va de l'équité et de la justice sociale : les Français des outre-mer ne doivent pas être des citoyens de seconde zone. Notre devoir de parlementaires est de leur garantir un accès équitable, à un prix équitable, aux films et aux salles de cinéma. Cela relève d'un choix de politique publique.
Puisque nous légiférons dans un contexte de blocage, nous devrons veiller à l'application de la loi et à l'évolution des conditions de distribution, pour prévenir une situation d'éviction. Si l'ensemble des distributeurs décidaient d'arrêter leur activité dans ces territoires à la suite du plafonnement, cela pourrait s'apparenter à une entente anticoncurrentielle, sanctionnée par le code de commerce. Le législateur pourrait alors envisager d'instaurer des engagements de diffusion, pour garantir un accès équitable au cinéma partout et pour tous.
Le 15 juin dernier, le Sénat a adopté ce texte à l'unanimité et sans modification.
Nos concitoyens ultramarins ont droit à une offre cinématographique de qualité, variée, équivalente à celle de l'Hexagone. Dans cette perspective, notre rôle est de garantir aux exploitants une relation contractuelle équitable avec leurs interlocuteurs. Tel est le sens de cette proposition de loi, issue d'un travail transpartisan ; nous vous invitons à la voter dans des termes identiques, afin que son entrée en vigueur puisse intervenir dans les meilleurs délais, dans l'intérêt commun.