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Intervention de Johnny Hajjar

Réunion du mardi 28 novembre 2023 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJohnny Hajjar, rapporteur :

Je suis honoré de défendre cette proposition de loi qui revêt des enjeux multiples, à la fois économiques, sociaux et culturels, pour les collectivités d'outre-mer qui relèvent de l'article 73 de la Constitution.

En effet, elle vise à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques, à préserver l'emploi dans ce secteur et à protéger les populations ultramarines d'une augmentation des tarifs du cinéma, tout en garantissant la distribution d'une offre culturelle large et l'accès de tous à la culture.

Septième art, expression du génie humain, le cinéma est un élément de bien-être incontournable particulièrement apprécié dans les outre-mer, où l'offre culturelle reste malheureusement historiquement et structurellement restreinte.

Le cinéma joue un rôle essentiel dans l'enrichissement culturel des populations. Une société démocratique doit garantir la diffusion de la culture et son accessibilité, notamment par un tarif abordable. Or dans les outre-mer, il s'agit d'un défi majeur, encore aujourd'hui.

En raison de leurs singularités, notamment l'éloignement géographique, l'insularité et le contexte de vie chère exacerbée, nos territoires offrent au cinéma un marché économique restreint. Les exploitants dits ultramarins se trouvent donc confrontés à des charges d'exploitation et d'investissement très élevées, encore renchéries par une inflation plus forte que dans l'Hexagone, dans un contexte de niveau de vie inférieur et de coût de la vie déjà structurellement et conjoncturellement écrasant. La situation, connue de tous, a été objectivée par le rapport de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et par le rapport de 2018 de M. Grégoire Tirot pour l'Inspection générale des finances.

La diffusion des œuvres cinématographiques suppose la coopération de trois acteurs : le producteur, à l'origine du film ; le distributeur, chargé de sa commercialisation ; et l'exploitant de salles de cinéma, qui en assure la programmation.

L'exploitant reverse au distributeur une participation proportionnelle, calculée en appliquant un taux de location aux recettes hors taxes des ventes de billets. Historiquement et traditionnellement, pour tenir compte des contraintes et des spécificités des territoires d'outre-mer, le taux de location s'y négociait autour de 35 %.

Cependant, depuis la crise liée au covid-19, les grands distributeurs, soucieux de maximiser la rentabilité économique en uniformisant les taux de location appliqués en outre-mer et dans l'Hexagone, réclament très régulièrement de s'approcher du plafond légal de 50 %. Pour des raisons évidentes de survie, les exploitants ultramarins soumis à un rapport de force très inégal se retrouvent obligés d'accepter les lourdes exigences de grandes multinationales américaines, comme Warner Bros, dont le chiffre d'affaires atteignait 34 milliards de dollars en 2022.

Cette situation est intolérable : l'uniformité ne peut pas être la norme.

Vous le savez, l'équité consiste à ne pas appliquer le même traitement à des situations différentes. Il est indispensable de tenir compte des réalités et des contraintes ultramarines, de la vie chère au quotidien en général, comme des charges de fonctionnement et d'investissement pesant sur des exploitants déjà limités par la taille du marché local.

La hausse des taux de location imposée par les distributeurs ferait baisser mécaniquement leurs recettes, déjà soumises à des charges croissantes. Laisser faire mettrait en péril la viabilité économique d'une très grande majorité d'exploitants diffuseurs de culture et fragiliserait gravement la filière. L'enjeu économique est en outre très relatif pour les distributeurs : selon le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée), l'outre-mer ne représente que 2 % des entrées nationales. De plus, contrairement aux exploitants, ils sont en mesure de développer leur activité dans d'autres territoires où les marchés sont plus importants et la rentabilité économique supérieure.

Pour être clair, les petits cinémas vont disparaître ; ceux qui survivront n'auront d'autre choix que d'augmenter leurs tarifs, jusqu'à 18 euros par ticket, dans un contexte économique et social déjà gravement dégradé. Sur le plan social, le recul de l'activité provoquerait une augmentation du chômage et de la précarité. À cause d'un tarif insoutenable, les personnes et familles dites ultramarines ne pourraient plus accéder à cette activité de bien-être. Sur le plan culturel, une grande partie de l'offre cinématographique disparaîtrait, appauvrissant la diversité culturelle en outre-mer. La conséquence serait une discrimination desdits ultramarins et une rupture de l'accès de tous au septième art.

En augmentant les inégalités de niveau de vie et d'accès à la culture entre les Français de l'Hexagone et les Français des outre-mer, cette situation créera donc une discrimination. Elle aura aussi pour effet de renforcer les tensions sociales, car le cinéma est un moyen de se libérer des mal-être collectif et individuel accumulés dans nos quotidiens.

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