Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et concerne la réforme de la police, notamment de la police judiciaire (PJ).
Il y a peu, vous avez affirmé devant la commission des lois que cette réforme ne s'appliquerait pas si l'expérimentation en cours dans plusieurs départements ne se révélait pas probante. Or, le week-end dernier, dans les colonnes du Parisien, vous indiquiez qu'il est maintenant question de simplement l'amender, après discussion avec les organisations syndicales. Pourtant, personne à ce jour ne dispose d'évaluation complète ou synthétique de l'expérimentation.
Elle est pourtant majeure et assez extraordinaire. Dans les faits, il est question de fusionner la police judiciaire avec d'autres services – la police de l'air et des frontières, la sécurité publique, le renseignement territorial –, au niveau de chaque département, sous l'autorité d'un directeur départemental de la police nationale.
Cela signifie tout simplement que la PJ ne sera plus la PJ, que les policiers qui jusqu'ici avaient le temps, les moyens, les compétences territoriales nécessaires pour mener leurs enquêtes, pourront les perdre. Ils pourront être affectés à l'encadrement des manifestations publiques, comme c'est déjà le cas dans les départements tests. Le grand banditisme, l'évasion fiscale, les trafics internationaux, les investigations les plus complexes pourront être délaissés au profit de la petite délinquance de proximité, donc de la politique du chiffre.
Nous nous priverions ainsi volontairement d'un pan entier de l'expertise policière, et non des moindres. Clemenceau doit se retourner dans sa tombe !
Au-delà de l'efficacité des enquêtes, de la résolution des affaires, et même des chiffres, c'est l'indépendance de la justice qui est en cause. En départementalisant la PJ qui, nous le savons tous, traite des dossiers très sensibles, y compris politiquement, vous rendriez beaucoup plus perméables les relations entre acteurs locaux de la sécurité et pouvoir exécutif.
Monsieur le ministre, laissez aux missions d'information le temps de faire leur travail ; permettez aux policiers de s'exprimer ; associez les magistrats…