Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du mercredi 29 novembre 2023 à 14h00
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Le diagnostic est sévère et connu de longue date : notre système de santé dépérit petit à petit. Nous connaissons tous l'engorgement de nos hôpitaux. Les images d'embouteillages de brancards dans les services d'urgence ont fait le tour des télévisions. Nous vous avons pourtant alertés sur les fermetures des services d'urgence dans certains territoires. C'est ce que j'ai fait lors d'une question au Gouvernement le 3 octobre dernier, qui concernait la fermeture des urgences de l'hôpital de Redon – à la lisière de ma circonscription – mais également, rien que pour la Bretagne, de ceux de Carhaix, Pontivy ou Guingamp.

Selon le syndicat Samu-Urgences de France, au moins 163 structures ont fermé – au moins ponctuellement – cet été. Les investissements dans nombre de nos hôpitaux se font toujours cruellement attendre, comme à Bastia, à Ploërmel où à Redon, où nous attendons un nouvel hôpital, tant l'actuel est vétuste et impropre à la réhabilitation. Des collectifs de citoyens, infirmiers, aides-soignants, anciens médecins et élus des territoires inquiets pour l'avenir de leur hôpital local se sont constitués. Certains d'entre eux ont été à l'origine de manifestations.

Des efforts ont été accomplis dans le cadre du Ségur de la santé, mais ils demeurent insuffisants. Fin novembre 2021, lors de la répartition des crédits par le ministre des solidarités et de la santé, la dotation annoncée pour certains départements s'est révélée tout à fait insuffisante au regard des besoins, notamment ceux des hôpitaux cités à l'instant.

Les soignants souffrent. Le délégué CFDT du centre hospitalier de Ploërmel affirme ainsi que tout le monde s'investit à 200 %, mais que les incertitudes autour des plannings et de l'organisation sont permanentes. Selon lui, la fermeture de lits de l'hôpital – vingt-six cet été – et de l'Ehpad – entre vingt et vingt-cinq depuis le printemps – est difficile à vivre pour le personnel et constitue une source d'inquiétude. Malheureusement, la situation est parfois pire ailleurs.

Les citoyens nous disent aussi leur grande difficulté à trouver un médecin traitant ou un dentiste. Nous voyons les déserts médicaux s'étendre, malgré les mesures que vous prenez, dont certaines sont bonnes – la question n'est pas là. Il nous faut plus de futurs médecins et futurs dentistes en formation.

Depuis environ dix ans, je n'ai cessé d'alerter les gouvernements successifs. Cela me gêne un peu, mais j'ai eu raison bien avant certains : en 2012, on me disait de ne pas m'inquiéter, que tout était sous contrôle et que les problèmes seraient résolus dans les années à venir ; or force est de constater qu'en 2023, c'est pire qu'en 2012.

Les annonces ne sont pas à la hauteur de l'enjeu national qu'est la question de l'accès aux soins, que ce soit à l'hôpital, auprès de généralistes ou de spécialistes.

Enfin, les Français nous disent avoir été profondément choqués par les scandales touchant certains Ehpad révélés ces dernières années, et nous somment de trouver des solutions. Celles issues de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, que nous avons votée la semaine dernière, sont clairement insuffisantes. La ministre des solidarités et des familles a promis une loi de programmation ; c'est une demande ancienne du groupe LIOT.

Néanmoins, elle a annoncé renoncer à l'engagement du Président de la République de recruter 50 000 personnels supplémentaires dans les Ehpad en cinq ans. Cet objectif est repoussé, au mieux, de 2027 à 2030. Dans les territoires ultramarins, la situation est encore plus dégradée que dans l'Hexagone.

Revenons à la sécurité sociale. À l'échelle du pays, la situation financière, toutes branches confondues, dépasse la cote d'alerte. En 2022, le déficit global s'établissait à 6,9 milliards d'euros. Nous nous attendions à ce qu'il se creuse à 8,8 milliards d'euros en 2023. Nous avons appris qu'il se creuserait plus encore, pour atteindre 11,2 milliards en 2024. Vous mettez en avant une politique d'économies, pour un montant de 3,5 milliards dans le texte initial, mais cela n'empêche pas le déficit de se creuser.

Dans le même temps, il y a consensus pour considérer que la hausse de l'Ondam est insuffisante pour faire face à l'inflation. L'augmentation des coûts affecte aussi bien le fonctionnement que les projets d'investissement. En d'autres termes, il manque entre 1,5 et 2 milliards d'euros pour que les hôpitaux fonctionnent de manière satisfaisante.

J'appelle votre attention sur un autre problème de financement, propre aux territoires insulaires et ultramarins. Pour compenser les surcoûts structurels, nous demandons une revalorisation des coefficients géographiques et leur réévaluation annuelle. Sans cette revalorisation et une grande réforme structurelle, la situation ne s'améliorera pas : les praticiens continueront à délaisser l'hôpital, les tensions à s'accroître et les femmes à accoucher parfois dans les couloirs.

Face à l'urgence de la situation, le débat sur le 49.3 peut sembler dérisoire. Vous êtes parvenus à votre objectif : banaliser totalement le recours au 49.3 et l'examen des motions de censure. Nous le savons, cette motion subira le même sort que les précédentes : elle ne sera pas adoptée. Les membres de mon groupe ont déjà eu l'occasion de le dire à cette tribune : le 49.3 affaiblit la pratique démocratique, et finalement le Gouvernement.

Il est devenu automatique sur les textes budgétaires – ce que permet la Constitution – et son utilisation dès le début de l'examen des textes est désormais habituelle. Au moins, vous n'aurez pas à balayer des amendements que nous, représentants élus démocratiquement, aurions votés. Je ne peux cependant m'empêcher de penser que cette pratique du pouvoir a des effets néfastes sur nos institutions. Où sont passées les promesses de juin 2022 ? Il est à cet égard cruel de relire les engagements pris il y a dix-huit mois.

Dans votre déclaration de politique générale, madame la Première ministre, vous présentiez en effet une nouvelle méthode de gouvernance, rendue nécessaire par la configuration politique et votre absence de majorité absolue. « Nous mènerons pour chaque sujet une concertation dense. Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue, de compromis et d'ouverture », indiquiez-vous. Vous me répondrez que vous avez instauré une ébauche de concertation en amont : les comptes de Ségur.

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