Intervention de Sébastien Peytavie

Séance en hémicycle du mercredi 29 novembre 2023 à 14h00
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Peytavie :

L'examen des PLFSS et des PLF – projets de loi de finances – est devenu, avec l'avènement du règne d'Emmanuel Macron, une messe où tout est joué d'avance et soigneusement minuté à l'amendement près, pour que le Gouvernement puisse tranquillement envoyer valser toute tentative de débat. Cette petite comptine du 49.3, qu'il chantonne maintenant toutes les semaines, sème chez nos concitoyens les graines d'un profond désarroi sur la capacité de notre démocratie à améliorer effectivement leurs conditions de vie.

Pour la première fois, les Restos du Cœur alertent sur le risque très sérieux de devoir refuser du monde cet hiver. Il y a quelques jours, le Secours catholique évoquait la féminisation croissante de la pauvreté, qui touche de plein fouet les mères isolées. Par cet usage outrageusement banalisé du 49.3, votre gouvernement envoie un signal politique terrible : celui que, chaque jour, la promesse républicaine de vivre dignement s'affaisse à mesure que vous vous asseyez sur la démocratie lorsqu'elle ne suit plus vos intérêts.

Pire : ce qui devrait plus que tout alerter cette assemblée, c'est que votre mépris encourage le rejet massif des institutions d'un régime de plus en plus défaillant. Cette situation dramatique, symbole d'une démocratie malade et vidée de son sens, crée un précédent dans l'histoire de notre Ve République ; ce boulevard que vous ouvrez au Rassemblement national crée un précédent ; ces ratonnades auxquelles se livrent, dans plusieurs villes de France, des néonazis dont certains disposaient de données confidentielles de la police, créent un précédent.

Là réside toute votre irresponsabilité : à vouloir toujours avoir le dernier mot, vous finirez par nous mener au pire, lorsque nous passerons d'une démocratie défaillante à une république fascisante. Alors, face à votre aveuglement volontaire à l'égard de la détresse de nos concitoyens et de notre modèle de solidarité, qui faisait autrefois notre fierté, face à votre complaisance à l'égard de l'extrême droite de cet hémicycle, qui s'est encore habilement manifestée avec le projet de loi « immigration », nous avons appelé et nous appellerons autant qu'il le faudra à la censure de votre gouvernement.

Comme le rappelle la philosophe Cynthia Fleury, « la dignité est la garante ultime des conditions matérielles du soin ». Alors, à quoi sert ce PLFSS s'il n'est même pas capable de pourvoir suffisamment notre système de santé pour lui permettre de réaliser cette promesse de rendre de la dignité par le soin ? À quoi sert ce PLFSS au rabais s'il n'apporte aucune perspective aux infirmières rappelées sur leurs jours de repos pour remplacer des collègues, aux médecins retraités de 70 ans forcés de revenir travailler pour ne pas laisser tout un territoire sans accès aux soins, aux psychiatres et psychologues qui portent à bout de bras des centres médico-psychologiques aux listes d'attente interminables ? À quoi sert ce PLFSS s'il est incapable de donner au personnel soignant des moyens suffisants pour répondre aux enjeux du vieillissement, de l'accroissement des maladies chroniques et de la désertification médicale ?

Si nous avons tant insisté pour mettre au cœur de nos préoccupations la santé environnementale, c'est bien parce que la première menace sur la résilience de notre système de santé, c'est le changement climatique ; c'est l'absence de considération des hommes pour le vivant, c'est la négation du principe même selon lequel nous devons tout faire pour garantir une existence saine sur une planète respirable. J'en viens donc à poser cette question : devons-nous nous résigner face à la banalisation de l'indignité ?

Cette motion de censure n'est pas seulement un appel au respect de notre institution et du débat démocratique. C'est d'abord un cri d'appel à la réhabilitation de la dignité. C'est un cri d'espoir, car au-delà de vos discours technocratiques qui ne connaissent pas l'empathie, il existe une autre possibilité. C'est un cri de résistance pour une démocratie vivante, résiliente et émancipatrice. Alors entendez-le !

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