C'est effectivement un des risques de tout travail sur les aspects organiques. Cela dit, la rationalisation limitée de la loi Elan a eu le mérite de consolider les situations financières et de réduire l'accroissement des charges, ce qui a aujourd'hui des effets bénéfiques sur les capacités d'investissement.
Le groupe Caisse des dépôts joue un rôle central pour le logement. Ainsi, le plan de rachat de logements vendus en l'état futur d'achèvement, réalisé par sa filiale CDC Habitat, avance à un rythme très satisfaisant avec l'engagement de racheter dix-sept mille logements. De façon générale, la Caisse des dépôts investit des fonds propres, déploie ses différentes composantes et offre ses expertises aux acteurs du monde du logement. L'aspect contracyclique de ces actions, qui s'inscrivent dans une dynamique pluriannuelle, est très appréciable. Pour autant, sont-elles suffisantes ?
Perspectives souligne le changement radical du contexte macroéconomique : il y a cinq ans, personne n'aurait tiré la sonnette d'alarme si les investissements avaient été au niveau d'aujourd'hui pour atteindre les mêmes objectifs de politiques publiques. Les taux courts et les taux longs semblent aujourd'hui stabilisés, mais ils devraient se maintenir à un niveau élevé pendant assez longtemps, ce qui aura forcément une incidence sur les acteurs du logement, dont le modèle économique est fondé sur la dette. Heureusement, les bailleurs sociaux ne connaissent pas les mêmes difficultés que le monde de la promotion privée, qui se finance à des taux tels que tous les programmes ne sont pas réalisables.
Le travail pour résoudre l'équation évoquée par le rapporteur doit bien sûr se poursuivre. Les quelques pistes dont j'ai parlé tout à l'heure sont limitées, mais, conjuguées les unes avec les autres, elles permettent d'apporter un début de réponse solide. J'ai mentionné la diversification des recettes, mais il en existe d'autres. La seconde vie des bâtiments en est une : les immeubles R + 4 des années soixante-dix en entrée de ville possèdent un potentiel important de transformation et de reconventionnement. Des travaux montrent qu'il est également possible de recycler des zones commerciales, notamment avec des partenariats public-privé qui, dans ce cas, peuvent être encouragés.
Le foncier est une composante majeure du prix du logement. Le foncier public offre donc également une piste. Une politique volontariste de mise à disposition de foncier pour les bailleurs sociaux me semble nécessaire, pourvu qu'elle s'accompagne d'une collaboration entre les aménageurs et les bailleurs sociaux sans recours à la promotion privée, contrairement à ce qui arrive souvent. La dépendance des bailleurs sociaux vis-à-vis de la promotion privée est d'ailleurs dommageable : quand celle-ci connaît des difficultés, comme c'est le cas aujourd'hui, les bailleurs sociaux construisent moins de logements, alors que leur importante capacité de maîtrise d'ouvrage devrait leur permettre de jouer un rôle contracyclique. Nous devons les aider en ce sens, mais cela dépend probablement d'un réajustement des prix du foncier en entrée de chaîne.
Les projets de réindustrialisation sont de plus en plus nombreux – la Banque des territoires les soutient. Nous devons anticiper au mieux les besoins de logement qu'ils créent. Le logement des salariés à proximité des usines peut, dans un premier temps, être assuré par des constructions temporaires, dont la bonne qualité permet d'attendre la construction de logements sociaux, intermédiaires ou libres.
Madame la députée, je partage votre analyse sur l'adaptation des logements au vieillissement. Nous nous sommes d'ailleurs donné pour objectif en 2024 d'y travailler davantage. Nous cofinançons d'ores et déjà des études sur ce sujet avec l'Union sociale pour l'habitat (USH). Jusqu'à présent, nous sommes peu intervenus dans le financement, puisque l'adaptation au vieillissement demande surtout de petits aménagements à l'intérieur du logement, qui n'ont pas vocation à être financés par la dette ; mais cette adaptation est amenée à concerner massivement le parc social et nous devons réfléchir à son accompagnement, probablement par des financements concessifs. Certains bailleurs ont déjà pris cette question à bras-le-corps.
La loi « Climat et résilience » impose de mettre aux normes les logements classés F et G avant de les relouer. Le projet de loi de finances soutient le modèle d'acquisition-amélioration des logements, qui permet aux bailleurs sociaux de reprendre des biens délaissés par les investisseurs privés en raison de la détérioration de l'équilibre économique, afin de les remettre en location, comme logements intermédiaires dans les zones tendues et comme logements sociaux dans les autres.
Il est étonnant que les collectivités locales, malgré leur proximité avec les bailleurs sociaux, fassent rarement appel à eux pour des opérations de maîtrise d'ouvrage dans le parc public, alors que beaucoup seraient sans doute disposés à mettre leurs compétences au service de leur territoire. Cela dépend avant tout des collectivités locales, mais nous pourrions encourager la démarche en dissipant les doutes, infondés, sur sa possibilité juridique.
De nombreux bailleurs sociaux sont déjà très actifs pour aider les copropriétés, particulièrement celles en difficulté. Il s'agit d'un travail long et difficile, qu'il faut saluer. Les discussions que vous aurez prochainement sur ce sujet aboutiront, je l'espère, à un dispositif à même de faciliter ce travail, car les bailleurs sociaux disposent de nombreux atouts pour redresser des copropriétés fragiles.