Le projet de loi traite d'une question sensible, économique et sociale qui fait souvent l'objet d'une instrumentalisation idéologique. Je partage votre position selon laquelle le projet de loi n'évoque pas assez l'articulation avec le droit européen. Toutefois, je ne partage pas toutes les analysées proposées par le rapport.
Comme le rapporteur, je considère que la situation migratoire actuelle en France et dans les autres États membres est mauvaise. En effet, on dénombrait 330 000 arrivées irrégulières en Europe en 2022, soit une augmentation de 100 000 arrivées. De plus, seulement 16 % des décisions de retour dans les États membres sont suivies de demande de réadmission dans les pays tiers dans lesquels ils devraient retourner.
Mon analyse diverge de celle du rapporteur pour trois raisons. Premièrement, cette crise migratoire se prolonge depuis l'annonce de la fin du règlement de Dublin par la présidence de la Commission, et le Pacte sur la migration et l'asile censé le remplacer a tardé à voir le jour. Cette crise empêche également l'Europe d'examiner sereinement les sujets d'élargissement qui ont pourtant une portée stratégique et pourrait même remettre en cause les règles de la liberté de circulation au sein de l'Union. Enfin, cette crise conduit les États membres à traiter séparément les questions migratoires. À partir de ce constat, il aurait été utile d'évoquer dans le rapport la situation des demandes d'asile et d'accueil des personnes de nationalité ukrainienne.
Il faut également insister sur l'annonce par l'Allemagne d'une loi assouplissant les conditions d'entrée des étrangers sur le territoire allemand. En effet, il ne sera à terme plus nécessaire de parler la langue ou de présenter un contrat de travail pour s'installer dans le pays.
L'Espagne, l'Italie, la Bulgarie ou encore la Roumanie ont besoin du soutien du reste de l'Europe pour contenir les flux migratoires irréguliers alimentés par le trafic des êtres humains. Ces États d'entrée sont donc la source des mouvements internes à l'Union. Ainsi, ce qui se passe dans nos frontières à des effets dans notre pays.
Aujourd'hui, la solidarité entre les États membres est faible et l'effort d'accueil mal réparti entre eux. De plus, les procédures nationales sont longues et complexes, pouvant parfois créer des étrangers en situation irrégulière tandis que les pays tiers refusent d'accueillir leurs ressortissants. Faute d'orientation commune, les Européens laissent s'accumuler des situations problématiques au regard des droits fondamentaux. La majorité des États s'accorde à formuler une réponse visant l'augmentation des retours de migrants plutôt que la recherche d'une solution globale, ce que le groupe socialiste regrette. Votre proposition appelle à un regain de souveraineté alors qu'il nous faut un grand débat européen sur le sujet, puisque ce dernier ne peut être traité efficacement qu'à l'échelle européenne.