Nous examinons une proposition de loi visant à proroger le régime dérogatoire qui permet aux 5,5 millions de salariés bénéficiaires de titres-restaurants de les utiliser dans les grandes et moyennes surfaces, en sus des restaurants et des commerces de bouche.
Cette mesure a été votée par le Sénat et définitivement adoptée dans la loi du 16 août 2022, qui prévoyait son extinction fin 2023. À la suite des auditions que nous avons menées, je vous propose de prolonger cette mesure pour l'année 2024.
Tout d'abord, il s'agit de conserver à ces millions de Français une facilité d'utilisation pour leur alimentation du quotidien, dans un contexte d'inflation élevée. En effet, si l'inflation ralentit, que les prix de certaines matières premières commencent à baisser et que nous entrevoyons une baisse potentielle des prix en rayons, l'inflation cumulée depuis plus de deux ans pèse lourdement sur leur pouvoir d'achat.
L'extension du périmètre du titre-restaurant n'est qu'un des outils utilisés pour soutenir ce dernier, avec notamment l'instauration d'une prime de partage de la valeur (PPV), la revalorisation des prestations et minima sociaux et une hausse du Smic.
J'insiste sur l'aspect conjoncturel de la mesure, également liée au renforcement du télétravail. Lors des auditions, tous les acteurs se sont accordés à dire qu'il ne fallait pas dénaturer l'objet social du titre-restaurant. Cofinancé par l'employeur et le salarié, il a pour seul objet de réduire le coût de l'alimentation quotidienne du salarié sur son temps de travail, en palliant l'absence de restauration collective. En aucun cas il ne s'agit d'un chèque alimentaire ou d'une aide à la consommation.
Par conséquent, cette proposition de loi vise à proroger la dérogation, non à réformer partiellement le titre-restaurant. Elle doit nous donner le temps d'examiner, au cours de l'année 2024, les questions du périmètre et de l'évolution du dispositif. Je pense notamment à la simplification des procédures par la dématérialisation et à la faculté de soutenir les associations par des dons de titres.
Par ailleurs, la Commission nationale des titres-restaurants (CNTR) estime que la mesure aurait détourné 500 millions d'euros des restaurants et des commerces de bouche vers la grande distribution, sur un volume global de 9 milliards. Cet effet de bord va à l'encontre de notre volonté commune de défendre les très petites, les petites et les moyennes entreprises (TPE et PME). Il ne serait donc pas opportun de pérenniser le dispositif.
Nous devons prendre le temps de débattre par ailleurs du soutien alimentaire, parce que les Françaises et les Français les plus modestes en ont besoin, pour privilégier une alimentation de qualité pour tous, saine pour la santé et pour l'environnement. Cela concerne également l'agriculture : le changement des modes de consommation permettra d'entamer la transition agroécologique. Le Gouvernement a déjà créé des dispositifs en ce sens.