Sans parler de lubie, j'observe un certain dogmatisme dans l'ambition d'éliminer complètement les produits phytosanitaires. Certaines substances ont été interdites pour des raisons tout à fait justifiées, car elles présentaient des risques pour la santé des utilisateurs et des consommateurs ou pour l'environnement. Il est donc tout à fait normal de prévoir des restrictions d'usage pour ces molécules. En revanche, il paraît absurde de chercher à interdire des molécules qui ne présentent aucun danger. Appliquée à la médecine, cette logique reviendrait à bannir tous les médicaments, qui sont des substances actives et comportent des risques.
Les agriculteurs doivent être formés pour utiliser ces produits et disposer de matériel performant, afin de limiter les problèmes de fuites et de surdosages. Dans les grandes cultures, nous sommes plutôt bien lotis à cet égard. Le fait est que les nouveaux matériels sont souvent très onéreux. C'est pourquoi les agriculteurs s'associent souvent pour engager ces investissements, qui sont essentiels.
Vous avez aussi fait allusion à l'appauvrissement des sols. C'est un sujet primordial. Personnellement, j'ai hérité des terres de mes parents et grands-parents, et je tiens à transmettre à mes enfants des sols riches. C'est pourquoi je sème tous mes colzas avec des cultures associées. Cela ne permet pas toujours d'utiliser moins d'insecticides, mais c'est très important pour enrichir les sols. Je pense qu'il y a une véritable prise de conscience de ces enjeux par les agriculteurs. Le sol est notre outil de travail. D'ailleurs, notre exploitation est aussi notre lieu de vie et celui de notre famille : nous sommes donc très vigilants dans l'utilisation des produits phytosanitaires et des engrais, car nous sommes les premiers concernés.