Je constate que pour ce qui est de la pomme, l'Europe a franchi un cap que la France n'a pas encore atteint. Le puceron cendré est l'un des principaux ravageurs du pommier. Il peut causer la perte de 30 % d'une récolte, en l'espace d'une dizaine de jours. Il se trouve que l'acétamipride est homologué chez nos principaux concurrents européens – la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, la Pologne et l'Espagne – mais pas en France. Quant à l'azadirachtine, antipuceron utilisé en agriculture biologique, il est également homologué dans tous les pays susmentionnés, mais placé sous dérogation en France. Le flonicamide est à la fois homologué dans les autres pays européens et en France. Cependant, le recours accru à cette molécule entraînera rapidement des résistances. Le flupyradifurone est une nouvelle molécule, qui a été homologuée en Europe, mais pas en France. Elle est assimilée aux néonicotinoïdes. Le pirimicarbe est une molécule ancienne, homologuée sur le puceron, mais elle est peu efficace. Le spirotétramate est la deuxième molécule de base contre le puceron, mais elle devrait disparaître en Europe en 2025. Il nous resterait donc pour seule solution le flonicamide. Pour sa part, le sulfoxaflor est aussi une nouvelle molécule, non encore homologuée en France. Il existe aussi des pyréthrinoïdes, mais à titre personnel, je préfère éviter d'y recourir, car ils sont néfastes pour la faune auxiliaire. À terme, les seules solutions de lutte contre le puceron disponibles en France devraient donc être le flonicamide et les pyréthrinoïdes.
S'agissant des solutions alternatives efficaces, le procédé de la confusion sexuelle fonctionne très bien sur une population et un risque faibles. Le principe est le suivant : des phéromones femelles sont diffusées dans le verger. Le mâle ne trouve pas la femelle et ne peut donc pas se reproduire, ce qui empêche la formation de la larve. Toutefois, si les papillons sont nombreux dans le verger, ils parviendront tout de même à se reproduire. Les producteurs ont donc besoin d'outils pour limiter les populations, et les insecticides sont donc indispensables. Il existe des insecticides bio mais ils ont pour inconvénient d'entraîner des résistances. Quelles que soient les techniques utilisées, les ravageurs finissent par trouver des solutions de contournement. C'est pourquoi il est essentiel de poursuivre les travaux de recherche.
Pour lutter contre la punaise, il existe un auxiliaire qui est déjà présent naturellement en France. Il s'agit de le multiplier, mais ce besoin se heurte encore à des blocages. Il en est de même pour le carpocapse : des auxiliaires ont été identifiés, et il ne reste plus qu'à les introduire. Or, ces recherches intéressent peu les firmes.
Au sein du CTIFL, nous privilégions les solutions susceptibles de bénéficier au plus grand nombre de filières, en recourant à la prophylaxie – réduction des populations de spores et des inocula – et en graduant les techniques.
Contrairement à ce que vous affirmez, je ne pense pas que les pesticides soient une assurance pour garantir une récolte. Ils sont utilisés pour garantir une production équilibrée sur le plan économique. Chaque année, nous perdons 2 à 3 % de notre production pour différents problèmes.