Il n'est pas simple de répondre à ces questions-là. On a parfois tendance à dire qu'il faudrait se passer des pesticides de synthèse, mais il est évident que des pesticides naturels présentent des propriétés toxiques, y compris de perturbation endocrinienne. Au sein de mon laboratoire, nous avons notamment travaillé sur des perturbateurs endocriniens qui s'accumulent dans le soja. Il s'agit pourtant de composés qui y sont présents naturellement. Les toxicologues ne font pas de différence. Il existe effectivement des substances naturelles qui peuvent poser problème.
Je n'ai pas de solution par rapport à vos questionnements et vos états d'âme. D'après mes échanges avec différents agriculteurs, le problème provient du système actuel. L'utilisation de produits de synthèse ou naturels peut également nuire à votre propre santé, sachant que les équipements de protection individuelle ne sont pas infaillibles, ou à celle de votre famille.
D'ailleurs, cela donne le vertige. La médecine du travail révèle que, dans un modèle d'agriculture intensive chimique, un agriculteur est en contact avec plus de 900 substances actives tout au long de sa carrière. Il s'agit selon moi de revenir au bon sens. Il faudrait peut-être engager la transition agro-écologique, avec toutes les difficultés et les chamboulements que cela implique. Le système nous échappe et il faut réagir. Il faut mettre en place des accompagnements forts pour qu'Écophyto fonctionne. Il faut inciter les agriculteurs à se passer de ces techniques, même si elles ont donné des résultats.
Cela protégera à la fois votre propre santé en tant que professionnel, les riverains et les consommateurs. C'est tout un cercle vertueux à activer. Je précise que l'Inrae travaille sur des plans « zéro pesticide ». Les scientifiques produisent des choses, mais il faudrait vraiment passer à la phase d'application. Il y a trop de substances toxiques mises sur le marché, il faut changer de modèle agricole.