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Intervention de Laurence Huc

Réunion du jeudi 19 octobre 2023 à 9h05
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Laurence Huc, toxicologue et directrice de recherche de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) :

Je n'ai pas forcément en tête toutes les publications ghostwritées, mais je pense spontanément à une étude épidémiologique financée par Monsanto qui a conduit à minimiser l'impact du glyphosate sur l'incidence des lymphomes hodgkiniens. Je pourrai vous en citer d'autres, si vous y tenez. En tout cas, c'est à partir du moment où Monsanto a été informé que le Circ allait expertiser le glyphosate que ce type de publications est apparu dans la littérature.

Ces études ont pour objectif de semer le doute. Il y a eu notamment un certain nombre de travaux sur la génotoxicité. Charles Benbrook a établi que 95 % des études financées par Monsanto, avec conflits d'intérêts officiels ou cachés, aboutissaient à la conclusion de la non-génotoxicité du glyphosate, tandis que 75 % des études indépendantes vont au contraire dans le sens d'une génotoxicité. Cela a été quantifié par des sociologues des sciences et des toxicologues. D'ailleurs, l'une de ces publications figure dans l'article de Mediapart.

Les publications ghostwritées se cristallisent souvent autour de la cancérogénicité des substances. On en parle beaucoup puisqu'elle constitue un critère d'interdiction. C'est justement sur ce point que l'on constate le plus grand nombre de distorsions entre la science académique et la science réglementaire. Lorsqu'on consulte la littérature scientifique, il faut faire très attention à la source des données et aux intérêts qui sont défendus. Il faut savoir que ces publications sont souvent très bien écrites ; en effet, la capture réglementaire et la production de doutes par la science doivent atteindre la sphère des expertises et des politiques.

Lors de notre formation, on pense à tort que la science est neutre. Lorsqu'on évolue dans le domaine de la toxicologie, je peux vous dire que c'est très déstabilisant. Les protocoles semblent standardisés, mais il existe des études dont les protocoles sont dictés par Monsanto. En l'occurrence, les degrés de purification du glyphosate sont parfois très contestables. Le fait est que les conclusions sont simplement reprises dans le cadre réglementaire.

À titre personnel, je n'ai pas enquêté sur la provenance d'éventuelles études leurres de Phyteis. Pour autant, il y a tout un groupe qui travaille sur ce sujet au Lisis. Il s'intéresse notamment au glyphosate renewal group (GRG), qui s'est formé lors de la réévaluation du glyphosate. Il y a bien évidemment des interpénétrations entre les industriels et des scientifiques qui tentent de construire une science à leur manière. Quoi qu'il en soit, nous sommes sensibles à l'interprétation des données.

J'ajoute que certaines de ces publications figurent dans des journaux dont la réputation n'est pas très bonne, ce qui peut aussi nous alerter. Il existe des critères d'impact, de renommée et de notoriété des publications qui permettent de faire la différence. Il s'agit de regarder de quels journaux il s'agit ainsi que les personnes qui sont derrière les comités éditoriaux qui publient ce type d'articles.

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