Il faut avouer que nous ne sommes pas dans les meilleures dispositions pour parler de solidarité : les articles 49, alinéa 3, s'enchaînent et nous découvrons ce matin les amendements qui ont été retenus, de manière arbitraire, sans respecter le vote des parlementaires. Plus largement, on ne compte plus le nombre de mesures antisociales que vous avez prises depuis 2017 : vous êtes en train d'adopter le projet de loi pour le plein emploi qui va appauvrir les plus pauvres, renforcer les préjugés à l'égard des personnes sans emploi et accroître la pression sur les travailleurs sociaux. Vraiment, qui aurait pu prédire que baisser l'aide personnalisée au logement, casser le code du travail, durcir les règles de l'assurance chômage et prévoir des peines pour les loyers impayés, dans un contexte d'inflation record, allait aboutir à davantage de précarité ?
Au fond, votre vision de la solidarité, c'est la charité. On ne construit plus de logements sociaux ou très sociaux depuis six ans, on va priver les gens du RSA, mais comme on a un peu d'humanité, on va quand même un peu accroître le nombre de places en hébergement d'urgence et faire un petit chèque pour les distributions alimentaires ! En revanche, on ne va pas pousser l'effort jusqu'à mettre à l'abri les 2 822 enfants qui dorment dans les rues de notre pays. À coups d'articles 49, alinéa 3, votre gouvernement refuse les amendements que nous avons votés en commission des finances pour créer plus de places d'hébergement d'urgence – parce que ça coûte trop cher. Dans ce pays, on refuse de mettre à l'abri des enfants qui dorment dehors parce que cela coûte trop cher ! Très franchement, je suis en colère. Chaque groupe politique devrait remuer ciel et terre pour éviter cette situation ! À quoi servons-nous si nous ne sommes pas en capacité d'offrir à nos enfants le strict minimum de la dignité ? Nous en sommes à supplier le ministre des comptes publics pour mettre à l'abri des gamins qui dorment dehors, nous supplions pour des miettes de dignité, et vous les balayez d'un revers de main !
Je ne me résous pas à accepter que 200 enfants dorment dans les rues de Lyon aujourd'hui ; je ne me résous pas à expliquer à des parents d'élèves et à des professeurs qu'ils vont devoir continuer à mettre à l'abri eux-mêmes des familles parce que votre gouvernement refuse la création de 10 000 places d'hébergement d'urgence, parce que cela coûterait trop cher. Toutes les associations partagent ce constat. C'est une honte que 2 822 enfants dorment dehors en France, c'est une honte que vous trouviez que cela coûte trop cher.
Enfin, je veux aussi appeler votre attention sur les violences faites aux enfants et sur la Ciivise. Nous sommes plus de deux cents parlementaires à avoir écrit à la Première ministre pour lui demander que cette instance puisse perdurer et que ses propositions soient mises en œuvre. Cela passera par un effort budgétaire considérable : il va falloir des professionnels formés, qui aient du temps. Dans ces conditions, nous ne comprenons pas la suppression des moyens qui lui sont alloués.
Nous sommes dans une période de régression sociale inquiétante – et je pèse mes mots. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Défenseure des droits. Nous avons une vision radicalement différente de ce que doit être la solidarité, et ce budget l'illustre parfaitement.