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Intervention de Christine Le Nabour

Réunion du mercredi 8 novembre 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Le Nabour, rapporteure pour avis :

J'ai choisi de consacrer la seconde partie de mon avis budgétaire à l'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, mise en œuvre de 2018 à 2023, et au pacte des solidarités qui lui succédera à compter du 1ᵉʳ janvier 2024.

Présentée par le Président de la République le 13 septembre 2018, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté visait l'émancipation de tous grâce à un investissement social majeur poursuivant un double objectif de prévention de la reproduction de la pauvreté et de sortie de la pauvreté par l'emploi. Cette double ambition s'est matérialisée par un budget de 13,5 milliards d'euros sur quatre ans. Alliant une logique préventive et une logique curative, la stratégie comprenait trente-cinq mesures regroupées autour de cinq engagements : égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté ; garantie au quotidien des droits fondamentaux des enfants ; parcours de formation garanti pour tous les jeunes ; droits sociaux plus accessibles, plus équitables et incitant plus à l'activité ; et accompagnement de tous vers l'emploi.

La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a montré ses limites en matière de logement et de lutte contre la très grande pauvreté, notamment dans les territoires ultramarins. Elle a néanmoins montré des résultats probants dans de nombreux domaines, alors même qu'elle a connu un contexte de crise majeure. Ainsi, en matière de petite enfance, l'accès des familles les plus modestes aux crèches a été amélioré par la mise en place du bonus territoire et du bonus mixité sociale. La création de 441 crèches à vocation d'insertion professionnelle depuis 2018 illustre la volonté du Gouvernement de lever ce frein à l'accès à la formation et à l'emploi, en particulier chez les femmes.

En matière d'insertion professionnelle, l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) a été revu. Plusieurs mesures ont été prises pour l'insertion et l'accompagnement des jeunes les plus éloignés de l'emploi. Je pense notamment à l'obligation de formation des 16-18 ans ainsi qu'aux contrats d'engagement jeune (CEJ), en remplacement de la garantie jeunes, qui intensifient l'accompagnement des jeunes par les missions locales et par Pôle emploi avec un objectif de mobilisation de 15 à 20 heures d'activité par semaine.

En matière d'alimentation, la tarification sociale des cantines, la distribution des petits déjeuners à l'école et le programme Malin ont permis de réduire la précarité alimentaire des enfants. En matière d'hébergement, la crise sanitaire a mis en relief les inégalités liées aux conditions de logement. Quelque 40 000 places en hébergement d'urgence ont été ouvertes depuis mars 2020. Le plan « logement d'abord » a permis à près de 440 000 personnes sans domicile d'accéder à un logement entre 2018 et 2022. Des maraudes axées prioritairement vers la mendicité des enfants ont été organisées par les départements, avec le soutien de l'État. Enfin, en matière d'accès au droit, l'expérimentation Territoires zéro non-recours, d'abord menée dans trois territoires pilotes, a été étendue le 13 juillet dernier à onze autres et le sera à vingt-huit territoires supplémentaires à partir du 1ᵉʳ janvier 2024. Sur le volet santé de la stratégie, la complémentaire santé solidaire, lancée en 2019, présente un bilan positif à la fois en termes de lisibilité et de simplicité, notamment en raison de son attribution automatique pour les bénéficiaires du RSA.

D'un point de vue opérationnel, la stratégie a été l'occasion de mettre en place une nouvelle gouvernance : une gouvernance interministérielle, avec la création du poste de délégué interministériel chargé de piloter la mise en œuvre de la stratégie et dont l'action a été relayée dans les territoires par les commissaires à la lutte contre la pauvreté, placés auprès des préfets de région, et une gouvernance territoriale qui est passée par une contractualisation avec les départements à partir de 2019, étendue en 2020 aux métropoles et aux régions. Ce choix a été salué par l'ensemble des acteurs : 99 départements, l'ensemble des 22 métropoles et 5 régions ont conclu avec l'État une convention d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi.

Le taux de pauvreté n'a que très légèrement diminué entre 2018 et 2020, passant de 14,8 % à 14,6 % mais je rappelle que la stratégie a été mise en œuvre dans le contexte d'une crise sanitaire sans précédent et d'une forte inflation des coûts de l'énergie et de l'alimentation. Le taux de pauvreté n'a pourtant pas connu l'explosion tant redoutée, grâce aux mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement.

Présenté comme un acte deux, le pacte des solidarités a été construit en concertation avec les acteurs, à partir des forces et des faiblesses de notre modèle social et des enseignements de la stratégie 2018-2022. Il a vocation à poursuivre l'action engagée et à déployer des mesures nouvelles. Il se décline en quatre axes : prévention de la pauvreté et lutte contre les inégalités dès l'enfance, amplification de la politique d'accès à l'emploi pour tous, lutte contre la grande exclusion, et enfin construction d'une transition écologique solidaire.

Certaines mesures sont renforcées, concernant par exemple la tarification des cantines ou les crèches à vocation d'insertion professionnelle. J'en profite pour appeler de mes vœux la reconduction des appels à projets « 100 % Inclusion » et « Repérage des invisibles » lancés dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences.

Le pacte des solidarités comporte vingt-cinq mesures, ce qui fait de nombreux défis à relever – amplifier la politique d'emploi pour tous, lutter contre la très grande exclusion grâce à l'accès aux droits, construire une transition écologique solidaire. Le pacte devra pour cela s'appuyer sur les grands chantiers sociaux que sont France Travail, le service public de la petite enfance, la solidarité à la source, le maillage des espaces France Services, le plan « logement d'abord 2 » et la planification écologique. Il devra s'adapter à la diversité des territoires, dans le cadre d'un partenariat étroit entre l'État et les collectivités et d'un plan d'action en faveur des territoires ultramarins.

Visant à mobiliser l'ensemble de la société, le pacte des solidarités a pour ambition de réduire la pauvreté des familles monoparentales, de renforcer le soutien à la parentalité, de lutter contre la malnutrition infantile, de faire vivre le programme Mieux manger pour tous et de développer les alliances locales de solidarité alimentaire. Il doit permettre de lutter contre le décrochage scolaire, de repérer 50 000 jeunes dits invisibles supplémentaires dans le cadre du contrat d'engagement jeune « jeunes en rupture », de soigner les personnes à la rue. Il doit garantir à chaque enfant l'accès à des loisirs de qualité, prévenir les expulsions locatives pour éviter la bascule dans la grande pauvreté, être le cadre d'un plan d'action en faveur des femmes précaires. Enfin, il intégrera de manière transversale les enjeux de la transition écologique, notamment dans les mesures d'accès au logement et de lutte contre la hausse des dépenses contraintes en matière d'eau et d'énergie. Des plateformes de lutte contre la précarité énergétique seront créées dans tous les territoires.

S'agissant de la contractualisation avec les collectivités territoriales, les pactes locaux des solidarités remplaceront les conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi. Ils seront conclus après un diagnostic qui permettra d'identifier les besoins prioritaires de chaque territoire. Le pilotage du pacte des solidarités continuera d'être assuré par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté ainsi que par les commissaires en région, dont je tiens tout particulièrement à saluer le travail. Ils constituent en effet un maillon essentiel pour construire le premier et le dernier kilomètre. Les enveloppes d'alliances locales qui permettaient jusqu'à présent aux commissaires de soutenir des initiatives et projets locaux n'avaient pas été reconduites, mais j'ai déposé un amendement, qui a été adopté, visant à les réintroduire dans le PLF.

Oui, le pacte des solidarités doit relever de nombreux défis. Il nous engage tous. En tant que parlementaires, il est de notre devoir de suivre son évolution et d'en évaluer les impacts, pour enfin éradiquer la pauvreté dans notre pays. Je vous invite d'ailleurs à rencontrer le commissaire de votre région, qui pourra vous renseigner sur les initiatives engagées et sur leur suivi.

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