Effectivement, nous devons revoir en profondeur la manière dont nous écrivons les budgets de la santé. Il nous faut d'abord rompre avec cette logique de silos qui dissocie le PLFSS du volet santé du PLF, alors que ces deux lois sont intimement liées. Cette logique nous empêche par exemple de mener une politique ambitieuse dans le domaine de la santé environnementale, assurant un logement sain ou un air et une eau de qualité. Elle nous interdit d'avoir une vision à moyen et long terme, ce qui est un lourd handicap, et nous soumet aux difficultés de coopération entre les ministères.
Il nous faut aussi revoir les indicateurs, car le PIB est pratique, mais insuffisant. Nous avons besoin d'indicateurs notamment sur l'espérance de vie en bonne santé. Nos auditions ont montré qu'il est possible de collecter facilement des mesures à l'échelon des territoires, ce qui se fait d'ailleurs au Royaume-Uni, où l'on peut mesurer l'incidence de la présence de pesticides ou de la proximité d'une autoroute sur l'espérance de vie. Nous manquons aujourd'hui d'indicateurs permettant de mesurer l'impact sur la santé de tel ou tel dispositif. L'Insee peut pourtant nous fournir de nombreux outils. Peut-être pourrions-nous nous en emparer pour en débattre annuellement.
Enfin, ce qui s'est passé hier au Sénat nous déshonore. C'est une défaite humaniste – il est question de préférence nationale en matière de santé ! C'est aussi une défaite collective et sociétale, du point de vue de la santé publique et des finances. Prendre pour argument le coût élevé de notre système de santé et l'état dans lequel il se trouve, quand on sait que les gouvernements successifs n'ont fait qu'organiser le manque de recettes, est abject, tout comme agiter le fantasme du tourisme médical quand on connaît la trajectoire douloureuse des migrants et leur état de santé.