C'est trop d'honneur, vraiment, que de pouvoir discuter – pas voter, bien sûr – le budget de la santé pour 2024 !
Ce budget de la mission Santé, dont la légère hausse est fictive puisqu'elle ne prend pas en compte l'inflation, manque singulièrement d'ambition face aux enjeux démographiques et écologiques. Le changement climatique est en effet directement responsable de la détérioration de la santé de la population, en particulier des plus précaires. Ainsi, seulement 3,5 millions d'euros sont mobilisés pour le volet environnement et santé alors que la pollution de l'air représente un coût de 100 milliards.
Ce budget aveugle aux enjeux de prévention ne semble pas avoir retenu la leçon de la crise du coronavirus, qui a montré que les maladies ne choisissent pas selon la nationalité ou le titre de séjour. L'AME n'est ni une faveur ni de la charité : elle est un droit et une nécessité pour préserver la santé de l'intégralité de la population. Au-delà des lubies xénophobes, sa remise en cause par la droite et par l'extrême droite, en plus d'être d'un déni flagrant d'humanité, relève d'une totale inconscience sanitaire. L'absence de prise en charge médicale conduit irrémédiablement à des risques d'aggravation des pathologies existantes et donc à une pression supplémentaire sur des services d'accueil d'urgence déjà sursollicités.
Nous appelons à mettre fin aux fausses informations qui circulent, et que le Gouvernement entretient, sur la prise en charge médicale des personnes sans titre de séjour. La réalité est que celle-ci est déjà beaucoup trop restreinte et que l'AME est une des aides sociales dont le taux de non-recours est le plus élevé. La moitié des personnes sans titre de séjour atteintes de diabète ou de maladies infectieuses n'en bénéficient même pas. Avec une offre de soins ridicule et une condition de ressources à 800 euros par mois, les fantasmes racistes de tourisme médical sont outrageusement mensongers. Loin d'un débat hystérisé par une extrême droite rongée par la haine des étrangers, faisons preuve de sérieux : l'AME ne représente aujourd'hui que 0,47 % des dépenses publiques de santé et seuls trente-huit cas de fraude ont été recensés en 2018, à rapporter aux 8 milliards par an de fraudes à la sécurité sociale commises par des professionnels de santé. Alors n'ajoutons pas de l'exclusion à l'exclusion !
Vous refusez d'accorder 2 milliards d'euros supplémentaires à l'hôpital public, pourtant au bord de l'implosion, vous sanctuarisez 140 milliards d'exonérations fiscales pour les multinationales, mais vous faites la chasse aux arrêts maladie et souhaitez supprimer l'unique sécurité médicale pour les personnes sans titre de séjour. Posons-nous la bonne question : à qui profite le crime ? Aux personnes étrangères, dont la moitié ne peuvent même pas soigner leur diabète, ou à Novartis, qui facture à la sécurité sociale 2 millions d'euros une seule dose de médicament pour les bébés atteints d'amyotrophie musculaire spinale ?
Ce n'est pas en excluant les plus vulnérables de l'accès aux soins que nous pourrons affronter les enjeux colossaux que sont l'accroissement des maladies chroniques, le vieillissement de la population et la crise de la démographie médicale. Aller vers une société de la pleine santé qui remet l'accès aux soins et la prévention au cœur de ses priorités ne pourra se faire qu'en prenant soin de toutes les personnes vivant sur notre territoire. L'AME ne pose aujourd'hui qu'un seul problème, celui de la couverture insuffisante des besoins de santé. Nous sommes contre l'instrumentalisation raciste de cette aide, et pour nous le budget est sous-doté. Face au défi d'humanité, nous proclamons le devoir de protéger.