Intervention de Joëlle Mélin

Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoëlle Mélin, rapporteure :

Je vous remercie pour l'ensemble de vos questions. Il en ressort d'ailleurs que vous me rejoignez sur la nécessité de diversifier les sources de financement et de chercher des solutions communes. J'en suis ravie. De toute façon, la situation s'impose à nous et il importe que, collectivement, nous trouvions des solutions.

Madame Vidal, vous avez soulevé le problème du fait que ces sources de financement, notamment par la natalité, seraient reportées de vingt ans. À la suite des auditions, qui ont porté surtout sur la thématique, nous avons découverte, de façon plus prégnante que prévu, que la diminution fulgurante de la natalité impacte cent mille naissances par an. Cette dénatalité est extrêmement violente, inédite et durable. Les causes en sont multiples et il conviendra bien sûr de les analyser afin d'identifier des solutions adaptées à chaque cause. Nous avions déploré une diminution de la natalité il y a vingt ans. Donc, mathématiquement, le nombre de femmes actuellement en âge de procréer est plus faible. Toutes ces encoches se retrouvent d'ailleurs sur la pyramide des âges et là, malheureusement, il s'agit d'une encoche importante et durable qui grignote presque tout le pied de la pyramide des âges. Bien sûr, l'effet sera retardé, mais rien n'interdit d'agir aujourd'hui pour demain et de réfléchir à cette natalité.

Madame Lavalette, affirmer que je suis en accord avec vous ne vous surprendra pas.

Monsieur Viry, vous avez évoqué un financement durable ou un déficit durable qu'il vous semble nécessaire de détailler parfaitement. Vous m'interrogez également sur le chiffrage de la part fiscale supplémentaire entière au deuxième enfant. Selon les données dont nous disposons, pour un couple avec un enfant et 45 000 euros de revenus imposables, une pleine part fiscale ferait passer l'impôt de 1 500 à 650 euros par an. Cela représente un coût élevé, certes, mais il importe de raisonner sur le long terme, à savoir que la disposition d'aujourd'hui apportera peut-être plus de possibilités demain puisqu'un plus grand nombre de personnes seraient en activité, cotiseraient et déploieraient de l'énergie au service de notre société.

Vous m'avez également interrogée sur la suffisance de la revalorisation des retraites. Bien sûr qu'elle n'est pas suffisante. Un vote positif ne vaut pas obligatoirement acceptation de la totalité du contenu d'un dossier. En tout cas, il ne représente absolument pas un soutien politique. Il apparaît parfois nécessaire de voter pour un dossier sans obligatoirement adhérer à la totalité de son contenu.

Monsieur Falorni, vous avez mentionné un point qui a été très nettement exprimé dans les auditions, à savoir la possibilité de différencier ce qui relève de formes de « subventions » d'un financement classique des retraites. C'est fondamental et un des amendements présentés par M. Mournet soulignera cette distinction entre ce qui relève de « subventions » et ce qui constitue le financement propre parce qu'il s'avèrera nécessaire le faire apparaître avant de présenter des tableaux d'équilibre. Ce point sera débattu. Nous avons à ce propos interrogé plusieurs personnes. Étonnamment, la Caisse des dépôts et consignations nous a indiqué qu'à ce jour, la question n'était pas complètement tranchée et faisait encore l'objet d'une polémique académique. Dont acte. J'espère que l'amendement proposé par M. Mournet, auquel je suis favorable, nous permettra de progresser dans la direction de la clarté des comptes.

Monsieur Califer, vous avez fait apparaître qu'actuellement nous devons régler concomitamment deux problèmes de fond, à savoir le problème de notre système de retraite par répartition auquel nous sommes tous attachés, et celui des régimes spéciaux qui représentent totalement le poids de l'Histoire. Ce poids est très ancien puisque les marins du roi dès le XVIIIe siècle avaient déjà la possibilité de toucher des pensions. Cette construction a commencé à partir de 1830 et elle s'est petit à petit structurée jusque dans les années 1925, en 1946 et jusqu'à nos jours. Il nous appartient de régler la fin de ces régimes spéciaux parce qu'ils concernent des professions qui ont terriblement muté et parce que le régime général rencontre des difficultés. Il convient donc d'atteindre un équilibre entre ces différents régimes.

Il importe en effet de maintenir le système par répartition et d'identifier des solutions en préservant non seulement les spécificités auxquelles chaque professionnel est attaché, mais également l'équilibre des comptes. Nous avons parfaitement conscience qu'il est nécessaire de trouver des solutions médianes lorsque des régimes sont « subventionnés » jusqu'à 95 %.

L'évocation d'une capitalisation collective relevait d'une réflexion uniquement sous la forme attachée au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), c'est-à-dire un dispositif parfaitement contrôlé par l'État, mais qui ne se situait absolument pas dans un système privé. Il s'agissait réellement d'une réflexion, sachant que les montants requis pour abonder le FRR et constituer une sorte de « matelas de sécurité » sur lequel compter ne sont pas accessibles en ce moment.

Monsieur Christophe, vous évoquez le poids du déséquilibre. Il reflète le poids de l'Histoire sur les régimes sociaux. Il convient d'identifier la moins mauvaise des solutions parce que rien n'est aisé avec les paramètres dont nous disposons. C'est pourquoi nous proposons d'aborder le problème en amont grâce à une prise en charge de la natalité de sorte à gommer un peu ce déséquilibre d'ici vingt ans et à limiter les dégâts.

Monsieur Dharréville, vous avez évoqué les débats liés à la réforme des retraites qui se sont déroulés en début d'année. Vous avez également soulevé le problème de l'Agirc-Arrco pour lequel hier soir, quand nous nous sommes quittés, nous n'avions pas trouvé de réponse. Je suis d'accord avec vous, mais comme vous, nous attendrons d'y voir plus clair puisque, bien évidemment, ce régime doit être protégé dans sa totalité.

Monsieur Frei, votre propos concernait la situation de l'Enim. Comme dirait M. Alauzet, une de mes « marottes » – j'en ai plusieurs – consiste à lire scrupuleusement, chaque mois de septembre depuis 1996, les rapports publiés par la Cour des comptes. Il est absolument stupéfiant de constater que la Cour pointe sans discontinuer jusqu'en 2023 des problèmes de contrôle interne. Cela se conçoit éventuellement pour ces caisses qui ont subi des mutations parce qu'elles étaient davantage centrées sur les aspects professionnels que sur l'aspect comptable. Il faut espérer que tout cela rentre dans l'ordre en générant le moins de désagréments possible pour les agents qui bénéficient de ces caisses.

Monsieur Bazin, il convient en effet de corriger des retards. Vous m'interrogez spécifiquement sur les mines. Nous avons mené une audition sur la partie thématique, mais quasiment pas sur la partie budgétaire pure. Je ne peux donc pas répondre à votre question et j'en suis désolée. De plus, il appartiendrait à monsieur le ministre de préciser la réponse.

Monsieur Alauzet, nous partageons le même constat, à savoir que nos retraites ne sont pas assurées dans le temps. S'agissant de notre position sur l'immigration, il s'agira probablement de mener une analyse approfondie à la suite du rapport de la mission de MM. Guedj et Ferracci sur les exonérations de cotisations sociales. Je ne partage absolument pas leurs conclusions concernant les bas salaires. Les rapporteurs prétendent en effet qu'il n'existe pas de trappe à bas salaires. Il apparaît malheureusement que la conjonction, d'une part, de bas salaires qui peuvent recevoir énormément d'exonérations et, d'autre part, de dispositifs tels que la prime d'activité risque de bloquer complètement le système, ni l'employeur, ni l'employé n'ayant intérêt à augmenter les salaires. Force est de constater que cela concerne les cinq ou six domaines dans lesquels se retrouvent des métiers dits « en tension » et où l'immigration veut nous être proposée comme une solution. Il nous appartient donc d'examiner ces domaines et de déterminer si ce sont des trappes à bas salaires. En effet, si nous nous trompons, de facto, nous continuerons à laisser des salaires en tendance à la baisse, ce qui serait tout à fait insupportable.

Monsieur Le Gac, vous avez évoqué la crise que traversent les pêcheurs que, comme vous, nous respectons profondément. Notre groupe se bat à l'échelon des institutions européennes afin de préserver la pêche française et nous serons très attentifs à la suite. Vous pouvez compter sur nous.

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