Cette mission fait apparaître les premiers effets pernicieux et dévastateurs de la réforme des retraites qui a été imposée aux Françaises et aux Français.
Dans la feuille de route qu'il s'est fixée pour élaborer sa réforme, le Gouvernement a délibérément opté pour la convention comptable dite « équilibre permanent des régimes », un scénario dans lequel l'État équilibre chaque année sa participation au régime de la fonction publique et de certains régimes spéciaux et dans lequel, par conséquent, il choisirait de réduire sa participation au régime des retraites. Le Gouvernement aurait pu opter pour la convention comptable dite « effort de l'État constant » dans laquelle la contribution de l'État à ces régimes dans le PIB reste constante. D'une approche comptable à l'autre, le déficit prévu dans les vingt-cinq prochaines années passe du simple au double, de 0,2 % à 0,5 % du PIB. S'il s'agissait de sauver le système par répartition, le Gouvernement pouvait choisir de maintenir son effort de contribution. En réalité, pour ce Gouvernement, il semble plus approprié de faire payer deux fois cette réforme aux Français.
La LFRSS 2023 a ainsi décidé de fermer cinq régimes spéciaux, parmi lesquels le régime spécial de retraite de la RATP pour les nouveaux embauchés à partir du 1er septembre 2023. Pour ce faire, le Gouvernement a avancé l'argument du coût supporté par les Françaises et les Français. Ces fermetures ont pour première conséquence d'accélérer le vieillissement de la population du régime et d'augmenter le déficit de ce régime qui, avec moins de cotisants, doit néanmoins continuer à verser les pensions des retraités actuels et de ceux à venir. L'étude d'impact du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale indiquait bien que le ratio démographique de ces régimes serait dégradé, compte tenu de la réduction du nombre de cotisants et que leurs besoins de financement s'en trouveraient accrus sans toutefois aborder les moyens de répondre à ce nouveau besoin de financement pour 2024.
Ce surcoût semble se traduire par une augmentation des autorisations d'engagement pour la RATP, à hauteur de 9,35 % par rapport à 2023. Le schéma de financement de ces fermetures trouve sa traduction dans l'alinéa 22 de l'article 9 du PLFSS 2024. Contrairement à la rumeur, et qui d'ailleurs n'a pas été clarifiée hier, rien n'a évolué. Cet article 9 vise en effet à assurer « la bascule à compter de 2025 de l'équilibrage de ces régimes vers le régime général ainsi que la mise en place d'une convention prévoyant la participation de l'Agirc-Arrco à cet équilibrage ».
Concrètement, afin d'assurer le financement de ces régimes, différentes ressources seront affectées, notamment les cotisations et contributions sociales, mais nous savons qu'elles se réduisent d'année en année en raison de l'accroissement exponentiel des exonérations. À défaut de recettes propres suffisantes pour couvrir la dépense, les régimes mobiliseront en premier lieu les réserves qu'ils ont, le cas échéant, constituées. À défaut de fonds propres suffisants pour couvrir les dépenses, les régimes intégrés bénéficieront d'une dotation d'équilibre du régime général, comme pour l'ensemble des régimes déjà intégrés.
Enfin, outrepassant la gestion paritaire du régime, le texte prévoit que l'Agirc-Arrco participe durablement au financement des régimes spéciaux fermés par la dernière réforme à compter de 2025, au plus tard. L'alinéa 22 de l'article 9 du PLFSS prévoit en effet que la contribution de l'Agirc-Arrco sera fixée dans une convention approuvée par les ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget « au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite ».
Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails qui expliqueraient à quel point cette réforme produit un impact qu'il appartiendra aux partenaires sociaux d'assumer dans l'Agirc-Arrco. À défaut d'une telle convention, un décret fixera le montant de cette contribution. Autrement dit, aucune marge de négociation n'est laissée à l'Agirc-Arrco et ce Gouvernement compte bien détourner les cotisations des salariés du privé pour répondre à des conséquences financières de la réforme des retraites.