Il paraît évident que la réforme des retraites, qui a été adoptée en avril dernier par la procédure législative de l'article 49.3 de la Constitution, aura à terme pour effet d'amoindrir l'importance de la mission que nous examinons actuellement.
Si, dans son ensemble, la mission accuse une faible augmentation de 1,5 %, la suppression des régimes spéciaux, de par l'article 1er de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, conduira ne serait-ce que par l'objectif qu'elle s'est fixé, à dépecer progressivement la présente mission de nouveaux crédits.
Le groupe Socialistes et apparentés s'est ardemment battu pour le maintien des régimes spéciaux et regrette un tel choix politique. Si certains régimes de retraite sont dits « spéciaux », ce n'est pas parce qu'ils seraient le lieu de privilèges, mais bien parce qu'ils représentent l'héritage de régimes fonctionnant sur la base d'une solidarité intraprofessionnelle ou propre à une entreprise. Ces régimes prévoient des règles de départ à la retraite spécifiques, car ils prennent en compte une pénibilité spécifique pour des travailleurs et cotisants, notamment les horaires atypiques, la fréquence des astreintes et l'usure physique. Or en supprimant purement et simplement les régimes spéciaux, le Gouvernement n'a pas reconnu l'ensemble de ses particularités.
J'ai lu attentivement votre rapport, madame la rapporteure. Quelques lignes m'ont interpellé. À la page 20 notamment, vous écrivez qu'à l'avenir, le niveau de vie des retraités devrait se dégrader et c'est là que réside le problème. Nous sommes en accord avec cette prédiction dessinant un système moins protecteur et le groupe Socialistes et apparentés avait largement en son temps alerté le Gouvernement sur ce point.
Cependant, à cet élément, il convient d'ajouter une analyse qui, à mon sens, fait défaut dans ce rapport. Depuis la « loi Pacte » du 22 mai 2019, le Gouvernement ne cesse d'inciter les Français à se constituer une retraite par capitalisation, notamment via le plan d'épargne retraite. Clairement affichée, cette facilitation d'une retraite par capitalisation met en difficulté notre engagement pour une retraite par répartition. Si ce désengagement de l'État lui permet de faire quelques économies, il est à craindre que les foyers qui n'ont pas la possibilité de se constituer une retraite n'aient pas d'autre choix que de subir de plein fouet la dégradation des pensions. C'est demain ; c'est déjà aujourd'hui.
Vous avez raison, nous accélérons la précarité. La natalité s'effondre ; notre pays s'engouffre dans la précarité. Un seul combat s'impose à nous, au-delà de nos convictions, le combat pour le maintien du système de retraite par répartition.