Le rapport pour avis de notre collègue, Mme Joëlle Mélin, confirme l'essentiel de ce que nous avons avancé lors du court débat sur la réforme des retraites et sur le financement du système : la copie est à revoir. Si la réforme Dussopt porte son lot de déséquilibres financiers, que le Gouvernement a semblé découvrir et qui l'ont poussé à envisager la ponction des caisses complémentaires du privé, elle ne répond pas aux enjeux de pérennité qui frappent le régime par répartition auquel les Français restent majoritairement attachés.
Le Gouvernement a en effet préféré ignorer les recommandations et conseils de tous les spécialistes pour se concentrer sur une augmentation de l'âge légal d'ouverture des droits et de la durée de cotisation. Les réformes paramétriques se succèdent. Certains collègues envisagent d'ailleurs la prochaine, si l'on en croit les propos du « dauphin Philippe », qui rêve d'ores et déjà d'une retraite à 67 ans. Au moins, les Français sont prévenus.
En éludant les enjeux de productivité et de natalité, vous coupez ainsi les deux jambes sur lesquelles repose le financement des plus de 13 points du PIB que représente l'ensemble des dépenses de retraites. Nous l'avons exprimé au mois de février ; nous continuerons de le répéter. Aucune des avancées sociales majeures dont la France a pu se targuer dans la seconde partie du XXe siècle n'aurait pu se concrétiser sans une démographie soutenue et maîtrisée. Ceci n'en déplaise aux collègues de la NUPES – qui ne sont pas très présents – dont les torsions idéologiques ne leur permettent plus aujourd'hui de comprendre les enjeux sociaux de demain. Si « gouverner, c'est prévoir », chaque année perdue obscurcit un peu plus l'avenir des régimes de retraite. En 2021, le COR avait d'ailleurs revu à la baisse ses hypothèses de fécondité de 1,95 à 1,8 enfant par couple, soit un impact budgétaire concret 0,7 point de PIB à l'horizon 2070. La même année, le haut-commissaire au plan, M. François Bayrou, tirait la sonnette d'alarme.
Le 17 janvier 2023, la publication du rapport démographique de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) soulignait à son tour la baisse de l'indicateur conjoncturel de fécondité à 1,8 enfant alors même que le désir moyen d'enfants par femme s'élevait à 2,38. Quelques mois plus tard, l'Insee confirmait ses projections avec l'effrayante statistique de 1 816 naissances pour le mois de mars 2023. La situation inquiète à présent même le Président de la République, dont on connaît maintenant le cynisme à toute épreuve quand il s'agit de critiquer publiquement sa propre politique, parce que les bébés de 2023 seront les cotisants de 2053.
Mesures fiscales incitatives, congé parental, garde d'enfants pour les mamans qui travaillent, part fiscale pleine des enfants, quotient familial, universalité des allocations familiales : les propositions du Rassemblement National ne manquent pas. Si la majorité souhaite engager le chantier de la soutenabilité de notre système de retraite et plus globalement de l'ensemble de la sécurité sociale pour les prochaines décennies, nous sommes évidemment prêts à en discuter pour peu que le Gouvernement choisisse une autre voie que celle du passage en force, comme sur cette loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS). Si le pouvoir en place ne change pas de logiciel, la chute de la natalité s'aggravera pour ressembler toujours plus à la catastrophe que nous observons dans d'autres pays européens – et qui devrait, mes chers collègues, évidemment vous alerter –, entraînant avec elle son lot de malheur social en condamnant définitivement ceux qui n'auront pas les moyens de s'assurer une capitalisation suffisante pour leurs vieux jours.
L'Histoire retiendra que notre famille politique fut longtemps la seule, sous les moqueries et les injures, à avoir alerté sur cette situation comme sur bien d'autres. Cependant, il est encore temps d'agir.