Utiliser des produits phytosanitaires ne fait rêver aucun viticulteur ; nous essayons d'en limiter l'emploi depuis longtemps et de plus en plus. Il ne peut s'agir que de sauver nos récoltes : un passage qui ne sert à rien est coûteux pour nous ; la limitation des traitements s'explique aussi par des motivations économiques. À ces facteurs s'ajoute, depuis une dizaine d'années, la pression sociétale.
En ce qui concerne la non-atteinte de l'objectif de 50 % de réduction, il est nécessaire de repréciser la teneur de cet objectif : quels critères, quels indicateurs ? La limitation des traitements avec des produits CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques), de moins en moins utilisés en viticulture, nous amène à traiter plus souvent, les produits étant moins dangereux mais aussi moins efficaces.
Le climat est un autre élément à prendre en compte. En 2023, nous avons été obligés de traiter beaucoup pour sauver les récoltes, ce qui n'a pas suffi à empêcher des destructions massives de récoltes à cause de la limitation du recours aux produits CMR, voire de son interdiction par certaines structures, et du passage au bio – près de 25 % du vignoble français est bio ou en conversion. Depuis quelques années, les viticulteurs prennent en considération la nécessité de changer, mais les indicateurs peuvent être faussés par ce changement. En 2022, on sauvait une récolte avec quatre à cinq traitements ; cette année, dix à douze traitements étaient nécessaires en conventionnel, plus de vingt en bio. Les changements climatiques, ou les aléas du climat selon les années, doivent être pris en compte alors que les indicateurs portent sur le très court terme.
La forte baisse du recours aux CMR et la forte hausse des surfaces cultivées en bio font augmenter le Nodu (nombre de doses unités). Peut-être faudra-t-il revoir cet indicateur, qui n'est probablement pas le plus stratégique pour savoir si l'utilisation de produits phytosanitaires diminue ou non.