Madame Laernoes, je comprends qu'il ne soit pas simple de prendre connaissance d'un rapport qui n'a été consultable que mardi, mercredi matin et jeudi. Mais, manifestement, il va falloir pousser la lecture un peu plus loin.
Concernant l'ultradroite, aux pages 45 à 47, je ne fais que reprendre les seuls éléments qui nous ont été communiqués. Ce n'est pas faute d'avoir investigué, non seulement lors des auditions mais aussi par nos questions écrites, qui ont suscité des centaines de pages de réponses. Il s'agit bien des seuls actes commis par l'ultradroite en France durant les manifestations de la séquence considérée. Il n'y en a ni plus, ni moins. Des procédures judiciaires ont été engagées lorsque cela était possible. Je n'édulcore pas, je ne gomme pas ; je suis simplement objectif.
Concernant l'« écoterrorisme », je l'ai dit au ministre : ce n'est absolument pas une réalité matérialisée ; cela n'existe pas. Il en a parlé ; je dis le contraire. C'est écrit dans le rapport. En revanche, la définition du périmètre de la non-violence est un enjeu. Peut-on ne qualifier de violences que celles qui visent les personnes ? Peut-on accepter l'explication des violences matérielles, parfois leur légitimation – qui n'est pas le propre d'un mouvement politique en particulier – ou leur minimisation ? C'est un problème que cette acceptation, parfois, d'une forme de glissement. C'est en tout cas mon point de vue, présenté comme tel dans le rapport. Les causes de ce phénomène sont multiples et je n'incrimine personne en particulier ; il m'arrive dans le rapport de pointer quelques responsabilités, toujours en précisant qu'il s'agit de mon point de vue.
En revanche, l'« écoterrorisme » est un risque pour l'avenir aux yeux de la direction générale de la sécurité intérieure et du service central du renseignement territorial, à l'image de ce que nous avons connu avec des mouvements d'ultragauche ou autonomistes des années 1970 et 1980. Vous lirez l'introduction : j'y cite Monica Sabolo, qui rappelle comment ces groupes venus de l'après-Mai 68, et appartenant à des organisations tout à fait structurées, se sont petit à petit détachés de ce cadre pour entrer dans la vie clandestine et assumer un glissement vers des actes violents envers les individus. Cela a abouti en 1986 à l'assassinat de Georges Besse, PDG de Renault.
Je ne dis pas que c'est ce qui va se passer demain. Je n'en sais rien. Mais il existe des analyses en ce sens qui ne sont pas les miennes, mais celles de spécialistes appartenant au service public et dont nous avons bien besoin. Et puis il y a des responsables politiques de votre sensibilité, madame Laernoes, qui, quand ils en discutent avec moi, considèrent aussi qu'il y a là un risque ; c'est pourquoi ils ne sont pas allés à Sainte-Soline.
Je prends d'ailleurs la responsabilité de dire qu'un élu local ou national peut participer à une manifestation interdite. Je ne suis pas sûr qu'Edwige Diaz sera d'accord, ni même certains membres de mon groupe comme Sandra Marsaud. Je partage à ce sujet le point de vue que l'ancien ministre de l'intérieur Christophe Castaner a exprimé devant la commission d'enquête : mon problème n'est pas qu'un élu aille à une manifestation interdite, mais qu'il y aille en connaissant les risques. À Sainte-Soline, les risques étaient là, tout le monde le savait. Cela, c'est un problème.
J'essaie de faire des constats et d'émettre des propositions. J'espère que certaines d'entre elles seront entendues. Nous aurons très rapidement l'occasion d'en parler avec le ministre de l'intérieur.