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Intervention de Alban Vandekerkove

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Alban Vandekerkove, président du club de rugby Les Coqs festifs :

Les choses sont un peu plus simples du côté du rugby. La ligue et la fédération nous ont vraiment ouvert les bras, notamment dans le cadre de la Coupe du monde. Notre association existe depuis 2006. Notre club est constitué de joueurs qui viennent jouer au rugby le samedi matin. Il a la particularité d'être inclusif, c'est-à-dire LGBT-friendly. Jusqu'à présent, il n'y avait que des hommes qui venaient, mais les choses ont changé il y a quelques années avec l'arrivée de femmes au sein du club. Nous nous ouvrons donc à la mixité. Le problème, c'est que nous ne pouvons pas jouer en équipe mixte.

Il y a huit ans, nous nous sommes demandé comment porter la parole des Coqs festifs à une échelle un peu plus large. Il n'y a par définition pas de discriminations au sein du club. Nous sommes un espace de protection pour les personnes qui nous rejoignent. Nous avons modestement développé une marque : « Rugby is my pride », qui avait pour but de promouvoir nos actions et nos luttes contre les discriminations.

Nous n'avons pas de moyens, mis à part les petites subventions de sponsors ou les cotisations de nos joueurs. Nous nous sommes donc rapprochés de la Ligue nationale de rugby (LNR) il y a quelques années. Elle gère notamment le Top 14, la Pro D2 et le Supersevens, qui est le tournoi de rugby à sept. Ils développaient justement un programme intitulé « Célébrons la diversité ! ». Ce projet reposait sur plusieurs piliers : le racisme, l'égalité femme-homme, le handicap et la lutte contre la LGBT-phobie.

Nous avons donc travaillé ensemble. Ils ont également lancé un programme intitulé « Plaquons l'homophobie ! ». Un sondage anonyme a été effectué auprès de tous les professionnels de la LNR : joueurs, entraîneurs et encadrants. Même s'il date un peu, ce sondage est disponible sur leur site Internet. Il ressort de cette enquête que 75 % des personnes interrogées, quelle que soit leur orientation sexuelle, pensaient qu'il serait effectivement très difficile de faire un coming out dans le rugby français aujourd'hui. Et ce, en raison des peurs, des appréhensions ou de l'homophobie apparente dans les clubs.

La Ligue nationale de rugby a ainsi tracé une ligne arc-en-ciel lors des phases finales du Top 14. Elle a mis le rainbow flag sur les écrans avec la promotion d'un film lors de la finale de 2018. Depuis lors, ils font des ateliers de sensibilisation au sein des clubs professionnels. Ça concerne essentiellement le Top 14 et la Pro D2. Il s'agit simplement d'ouvrir le débat. Il convient de rappeler qu'il n'y a à ce jour qu'un seul joueur qui ait fait son coming out au sein du rugby professionnel. Il s'agit de Jérémy Clamy-Edroux.

Au sein des équipes féminines, ce sujet n'est pas forcément tabou. Ça semble ne pas être un problème. Certaines joueuses qui s'assument complètement ne souhaitent pas forcément être médiatisées pour ce motif. C'est donc un sujet sur lequel nous travaillons en lien avec la LNR. En ce qui concerne la Fédération française de rugby, qui gère notamment les équipes féminines et masculines ainsi que les clubs de loisirs, ils ont créé la CADET, une commission chargée de la lutte contre les discriminations, il y a deux ans.

Cette commission s'est immédiatement attaquée à un autre problème : la transphobie. Il faut savoir que World Rugby, l'instance qui gère les règles de ce sport à l'échelle mondiale, a préconisé de ne pas faire jouer les joueurs et joueuses trans. Autrement dit, un joueur homme devenu femme ne pouvait pas jouer dans une équipe féminine. Certains pays tels que l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande ont décidé d'appliquer cette réglementation.

La FFR, via la CADET, s'est penchée sur le sujet en interrogeant des médecins et des scientifiques. A priori, ça ne constituerait pas un problème puisque ça ne concerne que 0,5 % de personnes. Ils ont donc décidé de faire des tests. Ils conduisent une expérimentation depuis quelques années avec une joueuse ambassadrice : Alexia Cérénys, qui joue en équipe féminine au niveau élite. A priori, ça ne pose absolument aucun problème.

Nous avons ensuite travaillé avec la FFR et la CADET sur un petit tournoi pour la lutte contre les discriminations. C'était à Marcoussis, sur les terrains de l'équipe de France. La résonance ayant été positive, ils ont proposé de s'associer avec la LNR, la FFR, World Rugby et la Coupe du monde autour du programme « Rugby is my pride » et de développer un programme plus important à l'occasion de la Coupe du monde.

Nous avons obtenu des moyens en provenance des sponsors officiels de la Coupe du monde : Société Générale, MasterCard et Education First. Ça nous a permis de produire un film de sensibilisation contre l'homophobie en mai dernier. Un symposium a été organisé hier en présence de madame la ministre des sports ainsi que des présidents de la FFR et de la LNR, le président français de World Rugby et celui de la Coupe du monde.

Des ateliers et des échanges se sont tenus pendant toute la journée sur les sujets de discriminations, de lutte contre l'homophobie et la transphobie, et de l'égalité femme-homme au sein du rugby. Ces échanges ont été extrêmement positifs. World Rugby est toujours un peu hésitant et fermé sur la question des joueurs et joueuses trans, mais a accepté d'entrer dans les négociations.

Par ailleurs, le nouveau président de la FFR, Florian Grill, a annoncé hier que les matchs seraient systématiquement arrêtés en cas de racisme ou de chants homophobes. Il a notamment briefé les arbitres, qui ne peuvent pas forcément avoir conscience de tout ce qui se passe dans les tribunes. Quoi qu'il en soit, les matchs seront systématiquement interrompus le cas échéant. C'est donc un point extrêmement positif. D'ailleurs, sa position est unanimement suivie au sein de la LNR puisque ce genre de chose n'a absolument pas sa place dans les stades de rugby.

Nous allons également organiser ce week-end un tournoi intitulé « Pride Rugby Cup », qui va se tenir une nouvelle fois sur les terrains de l'équipe de France. Dix équipes, dont huit masculines et deux féminines, vont promouvoir la mixité. Comme je l'indiquais, il ne nous est toujours pas possible de jouer en mixte en rugby loisirs. C'est l'occasion de passer ce message en présence de toutes les instances de ce sport.

La question s'est également posée de savoir ce qu'il convenait de faire par la suite. Un programme dit Héritage va débuter au terme de la Coupe du monde. Il s'agit de faire bouger les choses progressivement afin que les mentalités évoluent et qu'on ne voie plus dans le rugby des comportements qui n'y ont pas leur place.

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