Notre association lutte contre les discriminations, et en particulier contre l'homophobie dans le milieu du sport et notamment du football car nous sommes tous footballeurs au sein de l'association. Nous nous inscrivons dans une démarche globale de citoyenneté. On parle des discriminations, du racisme, de l'homophobie et du sexisme. On prend également des cours avec des théologiens parce que les traditions, les cultures et les religions dans le sport amènent parfois beaucoup d'homophobie et de sexisme.
Nous sommes partenaires de la Ligue de football professionnel (LFP) et de la fédération française de football (FFF). Dans la mesure où c'est très compliqué et difficile avec la FFF, il me serait difficile de vous dire exactement où nous en sommes aujourd'hui. Nous essayons d'intervenir au sein des clubs professionnels, tant auprès des joueurs professionnels que des jeunes dans les centres de formation. Nous intervenons également dans le milieu amateur afin de parler de ces sujets avec les jeunes, les éducateurs et les dirigeants.
Il s'agit notamment de briser le tabou de l'homosexualité et de l'homophobie dans le sport. Si ce dernier est facteur d'inclusion, il génère aussi de l'exclusion sociale. Lorsqu'un homosexuel annonce son homosexualité, quelle que soit la taille du club, ça entraîne forcément des problèmes, que ce soit avec les adversaires, le public ou les coéquipiers. C'est donc un sujet très compliqué.
Ça fait plusieurs années que nous sommes une association experte sur l'homophobie auprès de la FFF. La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) joue ce rôle pour tout ce qui est racisme. Nous essayons de faire des outils pédagogiques pour eux : des livrets à distribuer, des serious games, des formations pour les coachs et les éducateurs, des ateliers à distance, etc. Il s'agit de repérer l'homophobie et le harcèlement dans une équipe.
Malgré le nombre d'outils que nous pouvons leur fournir, on se rend compte qu'ils ne parviennent pas à les diffuser assez largement dans le milieu amateur. Ça signifie qu'un joueur, un coach ou un président de club au fin fond de la France sera difficilement informé de l'existence de ces outils pour essayer d'avancer sur ce sujet et d'en parler. Beaucoup d'éducateurs nous disent qu'ils ne sont pas aptes à parler d'homophobie. En sachant qu'il n'y a pas de formation pour les entraîneurs. Ça constitue un vrai problème.
Nous avons des retours sur des cas d'homophobie. Ça concerne surtout de jeunes homosexuels en difficulté et qui ne veulent pas que ça se sache. Pour autant, ils ne sont pas forcément nombreux. Ce serait un mensonge de dire que des milliers de jeunes nous contactent ou contactent les autres associations. Je précise que nous sommes en lien avec d'autres associations, qui disposent également de plates-formes. Soit les garçons et les filles arrêtent la pratique du sport, soit ils le cachent et en parleront beaucoup plus tard.
Dans un centre de formation, il se dit qu'un joueur est homosexuel car un entraîneur le sait et quelqu'un a vu des choses. Pourtant, lorsque j'ai fait un atelier avec son équipe pour évoquer la lutte contre l'homophobie, le garçon en question a tenu des propos homophobes. C'était sans doute pour lui une manière de prouver aux autres qu'il ne l'était pas.
En ce qui concerne la FFF, je pense que le départ de Noël Le Graët était sans doute la meilleure chose qui puisse se produire ; du moins, sur le sujet de la lutte contre l'homophobie et les discriminations. Il ne s'y intéressait absolument pas. Ses équipes devaient avoir de grandes difficultés à mettre en place des actions. Nous allons voir ce que le changement va apporter, même si ça me paraît un peu long. Leur plan sur la lutte contre les violences sexuelles et les discriminations devrait être présenté dans quelques jours. Quoi qu'il en soit, ils auraient tout à gagner en étant plus sérieux sur le sujet.
Nous travaillons davantage avec la LFP, auprès de laquelle nous menons un grand nombre d'actions. Nous intervenons notamment au sein des centres de formation dans le cadre de l'Open football club, le Fondaction du football, qui fait l'objet de nombreuses demandes depuis plusieurs années. Les clubs professionnels savent qu'il y a en particulier beaucoup de problèmes d'homophobie et de sexisme. Il nous est même compliqué de répondre à la demande. Il y a également une demande importante au niveau des joueurs professionnels. Nous parlons avec eux de la nécessité de lutter contre l'homophobie, des enjeux et des axes d'amélioration. Il n'y a qu'en France que ça existe.
Nous formons également le top management, c'est-à-dire la direction du club. Ils comprennent eux aussi qu'il y a des choses à faire sur ce sujet complexe. Il n'y a toujours pas de coming out dans le milieu du football professionnel. Il y en a très peu dans le milieu amateur. Toujours est-il que le milieu du football professionnel essaie de comprendre et nous ouvre les portes des clubs même s'il y a un déficit d'investissement notamment en personnes ressource dans les clubs pour gérer ces problématiques. Il faut beaucoup d'actions. Il faut une exemplarité du milieu professionnel.
Vous avez mentionné tout à l'heure le documentaire que j'ai pu réaliser avec Michel Royer. Nous avons souffert pour concrétiser ce projet. Personne ne souhaitait parler. C'était très tabou. Les clubs ne nous répondaient pas. On était alors en 2017-2018. Antoine Griezmann a finalement accepté, mais compte tenu de la difficulté pour des professionnels de parler de ce sujet, il a simplement dit que l'homophobie n'était pas bien et qu'il fallait être ouvert d'esprit.
J'ai été très déçu de ma rencontre avec les joueurs de l'équipe de France à Clairefontaine avant la Coupe du monde au Qatar. C'était un projet de trois ans afin de montrer l'exemplarité des Bleus et qu'ils disent « non à l'homophobie ! » En l'occurrence, seuls trois joueurs ont accepté. Nous y sommes donc allés pour rien. Hugo Lloris a notamment tenu des propos très surprenants lors de cette interview. Il n'en est rien sorti de bon. D'ailleurs, la FFF n'a jamais diffusé ce petit clip. C'est terrible ! Le but était pourtant d'en faire un objet pédagogique et nécessaire afin d'aider les jeunes en souffrance et montrer l'exemple à ceux dont le comportement est parfois homophobe.
Il y a également un réel besoin d'apporter du soutien aux victimes. Il s'agit tout d'abord d'intervenir pour essayer de décrypter l'homophobie et repérer de potentielles victimes. Je pense qu'il faut absolument démultiplier les actions de terrain. Il faut pour cela que la FFF intervienne davantage auprès des districts, des ligues et des petits clubs amateurs. Il est nécessaire d'avoir du concret, c'est-à-dire des outils pour mieux former et en parler avec les jeunes.
À titre personnel, je pense que ça fonctionne. Depuis trois ans, nous menons une enquête pour la LFP au sein des centres de formation avec le Fondaction du football. On mesure ainsi l'acceptabilité de l'homosexualité chez des jeunes de 12 à 18 ans. On recense à peu près 1 600 participants. On se rend compte qu'il est crucial d'en parler. L'âge charnière où l'homophobie est la plus présente se situe entre 15 et 16 ans. Les jeunes de 13 à 14 ans sont beaucoup plus réceptifs. J'en déduis qu'il faut commencer très tôt, c'est-à-dire dès les centres de pré-formation ou chez les catégories U13 dans le milieu amateur. Ça a forcément un lien avec des formes de bizutage et de harcèlement.