Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Marielle Vicet

Réunion du jeudi 12 octobre 2023 à 9h20
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Marielle Vicet, présidente de l'association Stop aux violences sexuelles (SVS) :

Je me présente devant vous en tant que professionnelle puisque je suis docteur en psychopathologie et en psychanalyse. Je suis formée en psycho-criminologie et en victimologie. Je suis consultante, superviseure et victimologue en cabinet. Je pourrai donc également parler à ce titre-là en ce qui concerne ma pratique. J'ai fait une thèse de doctorat sur la thématique des violences sexuelles en institution. En avril 2019, j'ai été auditionnée en tant que spécialiste de ces questions par la mission commune d'information du Sénat sur les politiques de lutte contre les infractions sexuelles sur les mineurs dans les institutions.

Nous sommes très honorés d'être auditionnés à l'Assemblée nationale dans le cadre de cette commission dont nous saluons la mise en place. L'association nationale Stop aux violences sexuelles (SVS) créée en 2013 porte un projet de santé publique qui se décline selon quatre modes opératoires : informer, former, prévenir et guérir.

Nous informons par voie de presse et par conférence. Nous formons tous les professionnels, les victimes et les proches. Nous préconisons un travail en réseau et la pratique de la pluridisciplinarité. Au sein du même dispositif SVS, nous formons des acteurs de structures juridiques et de signalement, des brigades de police et de gendarmerie, des acteurs de justice, des avocats, des médecins, des sages-femmes, des thérapeutes, du personnel de santé, du personnel éducatif, des assistants sociaux, des enseignants, etc.

Nous faisons de la prévention en milieu scolaire et en périnatalité afin de prévenir les enfants de l'existence de comportements anormaux de la part de certains adultes. Il s'agit de repérer tous modes d'action qui vont empêcher la survenue d'un comportement problématique. Et ce, afin de diminuer la réitération des faits. Enfin, nous cherchons à guérir les personnes victimes, mais aussi les auteurs de violences sexuelles afin de lutter contre ce fléau.

Il s'agit avant tout d'orienter les personnes qui en font la demande vers des conseils juridiques et des soins. Il s'agit de former les soignants et les professionnels à l'accompagnement des personnes victimes, mais aussi des auteurs de ces violences. L'ambition de notre association est de créer une plate-forme SVS dans chaque département. Environ 25 départements sont dotés de plates-formes aujourd'hui. Des médecins, des sages-femmes, des infirmières, des thérapeutes, des éducateurs, des avocats et d'anciens cadres de police s'impliquent bénévolement dans ce mouvement. Car il y a des milliers de victimes. SVS organise par ailleurs des assises internationales sur la question des violences sexuelles.

Je souhaiterais maintenant situer le cadre sociétal. Nous vivons dans une société qui est gangrenée par les violences sexuelles. Il y a tout un système qui favorise les violences sexuelles, qui pervertit et qui souille à tous les niveaux et dans tous les domaines au sein de la société. Lorsque la tête est malade, c'est toute l'institution qui en pâtit. La pédocriminalité et le trafic d'enfants sont le fait de réseaux internationaux avec des implications et des complicités au plus haut niveau, et en particulier au niveau politique et institutionnel. Le monde sportif n'en est bien évidemment pas épargné puisque c'est quelque chose de tentaculaire.

S'il y avait une véritable volonté politique, je pense que des mesures concrètes auraient été prises depuis longtemps pour supprimer l'accès aux films pornographiques pour les mineurs. En l'absence de lutte énergique, l'industrie du porno, le trafic d'enfants et les réseaux pédophiles se développent en toute impunité. L'impulsion doit bien évidemment venir de nos dirigeants au plus haut niveau.

Au sein de mon cabinet, j'accompagne des enfants, des adolescents et des adultes qui ont été exposés précocement à des films pornographiques, voire à des ébats de leurs parents ou d'autres adultes. On mesure insuffisamment les dégâts psychiques que ce type d'exposition entraîne chez les enfants. Il y a une véritable omerta qui s'explique par un système. Ce sont des processus complexes et systémiques. Cette problématique suinte de partout.

Les prédateurs savent repérer parmi leurs proies un enfant qui a parfois été victime de maltraitance et d'abus d'autorité dans le milieu familial ou de harcèlement scolaire. Ce dernier a honte et ne peut rien dire. En ce qui concerne le sport, les lieux des agressions se trouvent au niveau de l'Éducation nationale, mais aussi des sport-études, dans les clubs sportifs, les vestiaires. Dans les piscines, ce sont les bassins et les vestiaires. On le retrouve lors de séjours au ski ou à la campagne, lors de la pratique sportive ou scolaire, lors de déplacements ou rencontres interclubs avec l'animateur sportif ou l'entraîneur. On le retrouve dans toutes les pratiques sportives ou artistiques : la danse, la musique, etc.

Le problème, c'est que les recherches sur cette problématique sont encore beaucoup trop rares aujourd'hui. Dans la majorité des cas de viol et de pédophilie, il y a une absence de réponse judiciaire. La position de certains magistrats n'est pas à la hauteur. Par exemple, je cite : « Ce n'est pas parce que votre fille a été agressée sexuellement qu'elle doit aller voir un psy. Ma fille a été agressée, mais elle n'a pas consulté un psy ». Ce magistrat dénigrait la demande d'une mère quant à ses deux filles agressées sexuellement.

Ce sont des agressions des plus vulnérables, chez certains enfants qui sont le plus souvent physiquement et moralement incapables de poser des limites, incapables de se protéger des personnes dont les agissements sont pervers. Les enfants sont en quête de la reconnaissance de l'adulte, dont ils dépendent psychiquement. C'est ce dernier qui l'autorise à passer des étapes, l'évalue, analyse ses compétences, ses progrès et pointe ses limites. Néanmoins, la contrainte peut s'exercer bien au-delà des prérogatives de l'entraîneur.

Le prédateur va utiliser la pratique sportive pour arriver à ses fins. Cela passe par une emprise mentale et une emprise sur le corps par le biais du sport. Et ce, pour atteindre l'emprise sexuelle. En ayant autorité de droit ou de fait, l'adulte peut aisément exercer des pressions et soumettre l'enfant. Confrontés aux pédocriminels, ces mineurs sont victimes de chantage, de menaces ou de manipulation. Ils sont victimes d'atteintes psychiques et corporelles graves, qui vont jusqu'au viol.

Il est important de comprendre que les agressions sexuelles atteignent gravement le développement affectif, intellectuel et social de l'enfant. Elles détruisent son être. Une altération des facultés intellectuelles entraîne par exemple des capacités de discernement amoindries. Hautement manipulable lorsqu'il peut être menacé de mort, l'enfant vit un enfer psychique, se replie sur lui-même et développe nombre de symptômes. Il peut parfois y avoir également des menaces de mort sur les parents de l'enfant victime. Outre la personne victime, les violences sexuelles impactent également tous les membres de la famille, y compris l'entourage des auteurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.