Bien évidemment, à trois mois du début de l'exécution de la loi de finances et à quinze mois de la fin d'année 2024, nous y croyons de manière raisonnée. Ce raisonnement s'appuyant sur des hypothèses, il se peut donc qu'on ne soit pas complètement au rendez-vous. J'en évoquais le corollaire dans mon propos liminaire. Il s'agit vraiment d'une innovation explicite dans cette LPM. L'idée est de pouvoir ajuster, en fonction du retour réel de la manœuvre RH, sans attendre la fin d'année. Et ce, pour mobiliser des leviers afin d'atténuer une tendance qui serait défavorable.
Je pense qu'il convient d'être assez prudent ; surtout si on raisonne sur un horizon lointain, c'est-à-dire jusqu'en 2030. Nous avons évoqué l'inflation avec Madame Darrieussecq. Tout le monde était à cran il y a encore moins de six mois. La grande question était de savoir à combien de dizaines de milliards nous avions prévu l'inflation dans cette LPM. Nous étions alors au pic des anticipations d'inflation, où tous les acteurs économiques prenaient les hypothèses les plus défavorables. Ce moment est déjà derrière nous. C'est la même chose sur le marché du travail.
Aujourd'hui, l'armée de terre connaît des difficultés pour atteindre ses cibles de recrutement de militaires du rang. Ces éléments sont très corrélés à l'état général de l'économie et du marché du travail. La vérité en économie est celle du cycle. Qui peut dire où en sera ce marché d'ici deux ans ? Ces cinq dernières années, nous avons connu des phases différentes.
Même si ça peut paraître contre-intuitif, certains économistes affirment que le marché du travail français atteint une forme de plein emploi. Toujours est-il qu'à 7 % de chômage, même s'il y a une pluralité de facteurs, on constate que l'armée de terre a des difficultés pour recruter des militaires du rang. Est-ce stable dans la durée ? Peut-on planifier les sept années qui nous séparent de la fin d'année 2030 sur cette seule hypothèse ? Certainement pas !
Il y a bien évidemment des moyens d'arbitrer et de moduler les efforts. J'en ai exposé un certain nombre sur l'horizon relativement proche de l'année 2024. Il y aura ensuite les budgets annuels successifs. De toute façon, on ne peut pas rester dans une situation hypothétique où on sous-consommerait les crédits de masse salariale parce qu'on sous-réaliserait nos ambitions en termes RH.
Cet arbitrage de croisement des courbes est prévu dans la LPM. Si on constate une perspective de sous-réalisation de nos cibles quantitatives en matière de recrutement et de fidélisation, un effort salarial supplémentaire pourra être consenti afin d'atténuer l'effet de cette tendance dont on anticiperait le prolongement. Outre la boîte à outils dont on se dote, il faut également comprendre le marché du travail. Un ministère qui voit partir 28 000 de ses collaborateurs et qui en recrute sensiblement le même nombre chaque année fait tout de même la démonstration de son agilité.
Très peu d'organisations de travail sont capables de réitérer une telle performance année après année. En sachant qu'elle est répartie sur un grand nombre de gestionnaires de personnels militaires et de personnels civils. Le ministère a cette agilité. Ce n'est ni un satisfecit ni une raison de ne pas rester alerte. Il faut toujours faire des efforts pour comprendre ce qui se passe sur le marché de l'emploi. Pour autant, d'une certaine manière, le passé plaide pour nous.
La traduction concrète de l'investissement sur le capital humain dans le format RH est tout simplement quelque chose d'existentiel pour les armées. Sans hommes, il n'y a pas d'armées. Tous les efforts du ministère tendent vers cet objectif premier. Ces indications de méthode sont crédibilisées par la performance passée. En sachant que nous sommes dans une phase qui est relativement inédite. Il y a un certain nombre d'années qu'on n'avait pas rencontré de telles conditions de marché, mais elles ne dureront pas.