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Intervention de Gilles Kepel

Réunion du mercredi 8 novembre 2023 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Gilles Kepel, professeur des universités à l'université Paris Sciences et Lettres et directeur de la chaire Moyen-Orient Méditerranée à l'École normale supérieure :

Je n'avais pas perçu le rôle si important de M. Sanders, que j'apprends de votre bouche !

Concernant le rôle de la France et du président de la République, il me semble que c'est en se projetant sur l'après qu'il peut exister une véritable opportunité. Il serait illusoire de croire que nous pouvons agir aujourd'hui. J'ai rappelé que le Charles de Gaulle était actuellement en réparation. Qu'est-ce qui permet aux États-Unis de disposer d'une force de pression, même s'ils n'ont pas véritablement la capacité de limiter l'action israélienne ? La présence à proximité du Gerald R. Ford, du Dwight D. Eisenhower et d'un sous-marin nucléaire. Je parle en termes très réalistes.

Comme vous l'indiquez, le Hamas est toujours là. Au départ, le Hamas est un mouvement national palestinien, un mouvement national palestinien islamiste, que les autorités israéliennes ont depuis toujours non pas favorisé mais considéré comme un interlocuteur égal à l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), ne serait-ce que parce que cela leur permettait de minorer l'OLP.

Je me permettrai ici d'évoquer un souvenir de jeunesse. Dans les années 1980, l'Égypte venait de récupérer le Sinaï, où l'on pouvait se balader. On devait ensuite repasser le canal de Suez, avec une barge égyptienne qui assurait la navette, mais qui était toujours cassée ou en retard. Je me suis retrouvé coincé, en revenant vers Le Caire, avec le chargé d'affaires israélien et sa femme, qui était une Juive de Sarcelles. Nous attendions ainsi, sans sécurité à l'époque, ce qui est tout à fait surprenant. Je lui raconte que je prépare une thèse sur les islamistes, les Frères musulmans. Il me répond que c'est passionnant, que les Israéliens s'y intéressent beaucoup, qu'ils considèrent les Frères musulmans comme une composante essentielle du peuple palestinien ou des Palestiniens. D'emblée, de la même manière que certains en France aimaient tellement l'Allemagne qu'ils voulaient en avoir deux, les Israéliens ont joué sur la dualité. Le Hamas a été très largement utilisé pour faire en sorte que l'OLP, ayant renoncé au terrorisme et acquis un grand renom international, ne se retrouve dans une situation beaucoup plus difficile. S'en est suivie la victoire du Hamas à Gaza en 2006-2007, etc.

Le Hamas a toutefois fortement changé, me semble-t-il, par rapport à celui que j'ai connu, avec lequel il y avait un certain nombre de contacts. D'abord, parce qu'il est aujourd'hui très largement dans les mains de l'Iran. Ensuite, parce que les évènements du 7 octobre sont, pour la communauté internationale ou au moins pour les États de l'Union européenne dont nous faisons partie, une atrocité sur laquelle il est impossible de passer. On peut répliquer que les bombardements de l'armée israélienne sur Gaza sont également une atrocité sur laquelle il est impossible de passer. D'autres vous répondront que ce qu'il s'est passé le 7 octobre a fait l'objet d'une immense publicité de la part de ceux-là même qui l'avaient commis. Je ne veux pas arbitrer.

Pour en revenir à votre question prospective, il me semble que la France peut très significativement, en tant que pays européen, se positionner pour l'après et faire de la reconnaissance des droits du peuple palestinien un élément constitutif absolu de toute solution qui viendrait ensuite. Sans cela, on aboutira à ce à quoi ont abouti les accords d'Abraham, c'est-à-dire l'explosion à Gaza, y compris avec sa monstruosité, dans un sens puis dans l'autre.

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