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Intervention de Gilles Kepel

Réunion du mercredi 8 novembre 2023 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Gilles Kepel, professeur des universités à l'université Paris Sciences et Lettres et directeur de la chaire Moyen-Orient Méditerranée à l'École normale supérieure :

La première partie de votre intervention présente un bilan sur lequel je n'ai aucun commentaire à formuler.

Le déploiement de militaires américains est un élément indiquant qu'il existe un seuil militaire qui ne peut pas être franchi. Pour nous consoler, nous avons envoyé Le Tonnerre, notre porte-avions étant, lui, en réparation. Cela en dit beaucoup sur la situation actuelle. Les Anglais ont un porte-avions, avec seulement huit aéronefs dessus. Cela remet les choses en place. Heureusement que les Chinois n'ont pas encore envoyé les leurs. Se pose ici la question plus large du nanisme politique et militaire de l'Europe.

Dans cette perspective, que peut-on faire ? Le Forum de Paris pour la paix se réunit demain à l'Élysée. Tous les éléments de soutien humanitaire que l'on peut aujourd'hui mettre en œuvre sont les bienvenus, en particulier tout ce que nous pouvons faire pour venir au secours de nos compatriotes, que ce soient les binationaux pris en otage, ceux qui sont dans une situation traumatique en Israël ou ceux qui sont binationaux à Gaza. J'ai vu qu'une évacuation avait lieu, notamment avec les agents de l'Institut français, que le Hamas appelait autrefois « l'ambassade », ainsi qu'avec des Palestiniens de nationalité française. C'est un enjeu très important. Nous pourrions certainement nous joindre aux initiatives prises par les États du Golfe, qui disposent évidemment de moyens financiers plus importants, pour faire en sorte de soutenir les blessés et favoriser la dimension humanitaire.

À ce stade, je ne vois pas ce que nous pourrions faire d'autre, sinon prononcer des paroles vaines. Ce n'est pas pour faire plaisir à l'Union européenne ou à la France que l'offensive israélienne va s'arrêter. On peut en faire un vœu pieux mais je ne pense pas que ce soit réaliste. En revanche, il nous faut d'ores et déjà nous efforcer de penser à l'après, notamment avec une initiative commune à l'espace euro-méditerranéen et aux pays de la péninsule arabique, seule à même de recréer une dynamique de paix, à condition que l'impensé des accords d'Abraham soit pensé, c'est-à-dire que la question palestinienne soit posée.

Je ne sais pas si la solution à deux États est viable ou non et j'ignore ce qu'il pourrait en sortir. Quoi qu'il en soit, contrairement à ce qui a été fait jusqu'ici, on ne peut pas simplement évacuer Gaza comme la poussière sous le tapis ou faire subventionner le Hamas par le Qatar pour le calmer et distribuer quelques prébendes.

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