Le 11 février dernier, une grève mal anticipée des aiguilleurs du ciel a entraîné d'importantes perturbations dans les deux grands aéroports parisiens, aboutissant au dernier moment à l'annulation d'un vol sur deux. À moins d'un an des Jeux olympiques de 2024, ces événements ont mis en lumière les défaillances du service minimum actuel dans le secteur aérien.
Un tel fiasco aurait-il pu être évité si la présente proposition de loi avait été en vigueur ? Oui, certainement. Le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle et il n'est pas question de le remettre en cause. Cependant, nous devons garantir la liberté et la prévisibilité de circulation pour les millions de voyageurs qui transitent chaque année dans nos aéroports.
Dans le système actuel, le personnel de la navigation aérienne est soumis à une obligation de 50 % de service minimum, qui n'est déclenchée par la DGAC que si elle estime que la grève fait courir un danger sur la continuité du service. Or les aiguilleurs n'ont aucune obligation de déclaration préalable, contrairement aux agents de la SNCF et de la RATP mais aussi aux personnels privés des aéroports, qu'ils soient navigants ou d'assistance au sol, qui sont concernés, eux, par une obligation de ce type depuis les lois de 2007 et de 2012.
C'est bien de là que vient le problème : actuellement, la DGAC est dans l'incapacité de prévoir le nombre de grévistes. Cette situation l'amène à prendre de mauvaises décisions : certains vols sont annulés à tort alors que l'ampleur de la grève ne le justifie pas, et on recourt parfois de manière injustifiée au service minimum, au détriment du personnel appelé ; à l'inverse, lorsqu'elle est trop optimiste, la DGAC doit annuler des vols à la dernière minute, ce qui met en difficulté de nombreux passagers.
Voilà pourquoi la présente proposition de loi, issue du travail du sénateur Vincent Capo-Canellas et votée à une très large majorité au Sénat, nous semble un ajustement technique mesuré et utile. Il ne fait que soumettre les aiguilleurs du ciel à une obligation de déclaration préalable, quarante-huit heures avant chaque grève. En retour, la DGAC devra elle aussi leur notifier leur réquisition, dans le cadre du service minimum, au plus tard l'avant-veille de la grève. Le texte est d'ailleurs si équilibré que même le syndicat majoritaire de la navigation aérienne s'y est déclaré favorable.
J'ai certes entendu les arguments de certains de nos collègues concernant l'atteinte au droit de grève. Mais est-ce respecter le droit de grève que d'infliger aux agents des astreintes de dernière minute, non justifiées par le nombre de grévistes et que les forces de l'ordre appliquent en allant chercher les personnes réquisitionnées à leur domicile ? Personne ne peut dire qu'appliquer au secteur de la navigation aérienne ce qui se fait déjà pour le transport terrestre, notamment ferroviaire, revient à restreindre le droit de grève. La vérité, c'est qu'en continuant à procéder à des annulations de vols à l'aveugle, on exagère souvent l'ampleur de mouvements sociaux qui sont parfois peu suivis. La vérité, c'est que dans le système actuel, le déficit d'information de la DGAC provoque des turbulences importantes qui affectent toute notre économie. Une telle situation est totalement incompatible avec l'impératif de continuité du service public mais aussi avec la nécessité de garantir une bonne image et l'attractivité de la France.