Réaliser le bilan des accords de libre-échange de l'Union européenne n'a pas été chose facile. D'abord parce que ce bilan n'était pas circonstancié à un champ spécifique et que nous avons décidé de n'en exclure aucun. Mais également parce que cela aurait demandé des moyens de contrôle et un temps bien supérieurs à ceux dont nous disposions.
Ceci étant dit, nos auditions nous ont permis de dresser plusieurs constats. Rédiger ce rapport nous a en effet conduits à rencontrer de très nombreux interlocuteurs, qu'il s'agisse de l'Organisation mondiale du commerce, de parlementaires européens, de représentants d'associations de consommateurs, de chercheurs ou encore de syndicats. Je veux ici les remercier pour la qualité de nos échanges.
Voici les éléments dont je veux vous faire part sur le réseau d'accords de libre-échange de l'Union européenne.
L'Union européenne est, à ce jour, signataire de 42 accords de libre-échange regroupant 74 États partenaires répartis sur l'ensemble des cinq continents. Cela fait, de très loin, de l'Union européenne la puissance ayant conclu le plus grand nombre d'accords de libre-échange au monde. De fait, la participation de l'Union à de tels accords est nettement supérieure à celle des autres puissances commerciales. Le Mexique par exemple, qui est la troisième puissance en termes d'accords conclus, en compte moitié moins que l'Union européenne. Ce réseau d'accords va en s'amplifiant, puisque l'Union européenne a conclu plusieurs accords de libre-échange durant la décennie écoulée. C'est le cas avec la Corée du sud, le Canada, Singapour, le Japon ou encore le Vietnam. Il devrait continuer à grandir du fait des négociations en cours.
Je veux toutefois souligner un véritable changement de paradigme au cours de ces dernières années de la stratégie commerciale européenne, qui consiste à considérer désormais comme tout aussi important de veiller à ce que les accords déjà signés aient des retombées économiques concrètes pour les entreprises européennes que de chercher à conclure de nouveaux accords. Le fait que l'accord avec la Nouvelle-Zélande soit le premier accord de libre-échange conclu par la Commission von der Leyen, trois ans après l'entrée en vigueur de cette dernière, est révélateur de cette nouvelle attitude. Cette nouvelle stratégie est notamment confiée à un français, Denis Redonnet, dont je veux saluer ici l'action.
Je laisse à mon collègue la partie plus critique de notre bilan et tiens moi à insister sur les aspects positifs de celui-ci car le réseau d'accords de libre-échange que je viens de vous présenter est, je le crois, mis au service des citoyens et entreprises de l'Union européenne.
Le poids économique de l'Union européenne lui confère en effet un avantage dans les négociations. Lorsque l'Union européenne négocie avec un partenaire un accord de libre-échange, c'est l'accès à un marché de 448 millions de consommateurs, et plus de 500 millions jusqu'à récemment avant le départ du Royaume-Uni, qu'elle laisse entrevoir. Seuls deux pays au monde, la Chine et l'Inde, disposent d'une population supérieure. Toutefois, les revenus par habitant de ces deux pays sont bien moindres que celui d'une majorité des consommateurs de l'Union européenne. C'est bien là que réside un autre avantage déterminant du marché unique : les consommateurs ne sont pas seulement nombreux, mais aussi plus riches que dans l'écrasante majorité du monde.
Outre cet avantage dans les négociations, les accords de libre-échange, une fois conclus, conduisent à un accroissement des échanges avec les partenaires commerciaux, et donc à une hausse des exportations européennes, ce qui bénéficie à nos entreprises. À titre d'exemple, sur la période 2011-2019, les exportations européennes de biens vers la Corée du Sud ont augmenté de 45 %, passant de 35 milliards d'euros à 50 milliards d'euros. Les consommateurs bénéficient eux aussi de ces accords, qui augmentent leur pouvoir d'achat et leur donnent accès à des produits plus variés.
Je tiens également à souligner que les accords de libre-échange ne sont pas des instruments utiles uniquement sur un plan commercial, mais revêtent de plus en plus un caractère stratégique. À l'heure où l'Union européenne cherche à diversifier ses sources d'approvisionnement, de tels accords constituent une réponse. Ils sont aussi l'occasion de nous garantir un accès à des matières premières qui nous font cruellement défaut, comme les terres rares.
Ce satisfecit ne saurait m'empêcher de formuler quelques recommandations, car tout n'est pas parfait. Il nous paraît d'abord indispensable d'améliorer les études d'impact ex-post des accords de libre-échange aux niveaux national et européen. Comment, en effet, bien négocier de futurs accords sans savoir quels ont été les retombées des accords précédemment conclus ? Il nous semble ensuite nécessaire d'améliorer la communication autour des accords de libre-échange, afin de permettre une plus grande appropriation de ces accords par nos entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, ou encore de conditionner la baisse des droits de douane sur les produits importés à l'obtention de résultats tangibles en matière environnementale, sociale et en matière de garantie des droits fondamentaux.