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Intervention de Hadrien Clouet

Réunion du mardi 31 octobre 2023 à 17h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHadrien Clouet :

Le marché du travail est le lieu essentiel où se joue la dignité humaine, tant individuelle que collective. En outre, en accédant à un emploi, nos concitoyens accèdent également à une contrepartie monétaire, laquelle leur permet de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs proches.

Par un hasard du calendrier, nous tenons cette discussion le jour d'Halloween, fête malheureusement évocatrice du contexte actuel. La création de France Travail conduira à inscrire des millions de personnes supplémentaires auprès du service public de l'emploi, alors que le nombre d'inscrits à Pôle emploi augmente déjà – de 20 000 ce mois-ci. Ceux qui échappent à ce service public n'ont pas non plus de chance, car le montant des salaires a baissé de 1,8 % en un an. Celles et ceux qui travaillent 35 heures par semaine doivent bien comprendre que si l'on calcule à partir de la rémunération de leur force de travail au début de l'année, actuellement, ils travaillent gratuitement une demi-heure par semaine. C'est une drôle de manière d'inciter au travail ! Cette évolution ne s'explique ni par le hasard, ni par un phénomène naturel, mais par votre politique. De l'épargne salariale à la « prime Macron » et au chèque inflation, vous avez décidé que la rémunération du travail prendrait toutes les formes possibles, sauf celle du salaire, qui a pour défaut, à vos yeux, de financer la sécurité sociale. Vous optez ainsi pour le 49.3 mensuel sur les fiches de paye.

Certes, le taux d'emploi augmente, mais c'est parce que vous maintenez de force les seniors en emploi. Désormais, quand ceux-ci quittent le marché du travail, ce n'est pas pour partir à la retraite, mais à cause du chômage, d'un handicap ou d'une blessure – voilà un acquis social tout à fait discutable. À cause de votre politique, les emplois perdent en qualité et la productivité du travail a reculé de 4 % depuis 2019 : nos concitoyens produisent de moins en moins par heure de travail, un phénomène inédit en temps de paix.

Vous ne vous saisissez malheureusement pas de ce problème dans le programme Accès et retour à l'emploi. Vous prétendez diminuer ses CP de 0,15 % seulement l'an prochain. C'est une entourloupe, car en réalité, la diminution sera de 6 %, compte tenu de l'inflation. Entre l'an dernier et cette année, vous aurez diminué la dotation de Pôle emploi – transformé en France Travail – de 280 millions d'euros, soit l'équivalent de 6 000 postes de conseillère ou de conseiller. Ce n'est pas faute de siphonner les comptes de l'Unedic, puisque vous récupérerez 15 % des recettes de l'assurance chômage. Les salariés s'acquittent ainsi d'une contribution pour leur propre accès à l'emploi ; c'est rocambolesque.

Après avoir saccagé le service public de l'emploi, vous supprimez les contrats aidés. Vous privilégiez l'apprentissage, car celui-ci s'accompagne d'effets d'aubaine pour les entreprises. Il leur permet de recruter des salariés qu'elles auraient de toute manière recrutés, en empochant des aides au passage. C'est pour cela que la moitié des contrats d'insertion destinés aux jeunes disparaissent et que les apprentis sont pour deux tiers des diplômés post-bac.

Vous abandonnez l'expérimentation TZCLD. M. Le Gac s'est laissé tromper par la hausse affichée des crédits alloués à celle-ci, qui passeront de 45 à 68 millions d'euros. En réalité, cette hausse s'explique uniquement par l'augmentation du nombre de territoires associés à l'expérimentation. La contribution au développement de l'emploi versée par l'État dans le cadre de ce dispositif passera, elle, de 102 à 95 % du Smic. Heureusement, nous avons adopté hier en commission des finances un amendement visant à augmenter de 51 millions d'euros les crédits alloués à cette action, grâce au soutien d'une majorité de députés siégeant sur à peu près tous les bancs. Espérons que, malgré le 49.3, vous saurez nous entendre.

Soyons justes et n'oublions pas de mentionner les cadeaux prévus dans ce texte, notamment pour les niches fiscales : 970 millions d'euros financeront ainsi la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires. Quant aux dépenses de communication liées à cette mission, après avoir triplé l'an dernier, elles augmenteront de 5,62 % en 2024. Pourtant, monsieur le ministre, le problème n'est pas la manière de communiquer, mais le contenu de votre politique.

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