Les crédits de la mission Travail et emploi concourent à l'objectif très simple que vise le Gouvernement dans ce domaine : atteindre le plein emploi.
En six ans, nous avons déjà parcouru un bon bout de chemin : le taux de chômage a atteint l'un de ses niveaux les plus bas depuis quarante ans, le taux d'emploi est au plus haut depuis que l'Institut national de la statistique et des études économiques le mesure, et nous avons mis fin à des décennies de chômage de masse grâce à une série de réformes ambitieuses menées depuis 2017. Nous espérons que ces résultats seront durables. C'est tout l'objet de notre politique.
Nous avons œuvré en faveur de l'emploi des jeunes par la réforme de l'apprentissage et la création du contrat d'engagement jeune (CEJ) – j'ai d'ailleurs eu le plaisir de signer le 500 000e contrat il y a quelques jours dans une mission locale. Nous avons aussi engagé la réforme du lycée professionnel.
Nous avons souhaité instituer des règles plus incitatives au retour à l'emploi. Tel était l'objet des réformes du marché du travail et de l'assurance chômage que nous avons conduites en 2019 et en 2022.
Nous voulons continuer d'augmenter la part des seniors en emploi. C'est évidemment l'un des objectifs de la réforme des retraites, mais aussi d'autres mesures dont nous souhaitons que les partenaires sociaux puissent se saisir dans les semaines et les mois à venir. Nous leur avons annoncé qu'ils seraient saisis, dans les prochains jours, du document d'orientation fixant le cadre dans lequel devront s'inscrire les négociations d'un futur accord national interprofessionnel (ANI).
Plus récemment, nous avons voulu nous donner les moyens d'atteindre le plein emploi en réformant le service public de l'emploi. Le projet France Travail vise à mettre en place un service public plus efficace, mieux coordonné et un accompagnement renforcé des personnes les plus éloignées de l'emploi.
Nous avons mis un terme au fatalisme ambiant qui a trop longtemps prévalu en France, au détriment de ceux qui sont restés au chômage le plus longtemps et qui sont souvent les plus fragiles d'entre nous. L'objectif du plein emploi est désormais atteignable. C'est donc un budget tout entier tourné vers cet objectif que je vous présente cet après-midi. Il prévoit des mesures fortes et des crédits importants.
Alors que 20,1 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 20,7 milliards de crédits de paiement (CP) étaient inscrits dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, nous vous proposons pour 2024 un budget qui progresse, puisque les CP de la mission atteignent 22,4 milliards, soit une hausse de 11 %, principalement sous l'effet de l'augmentation des dépenses en faveur de l'apprentissage, de France compétences et des dispositifs d'insertion.
Les crédits proposés pour 2024 sont cohérents avec la situation de l'emploi. Les dépenses de soutien sont à la baisse, compte tenu de l'état du marché du travail. Le taux de chômage est bas et le taux d'emploi est historique, même si nous regardons avec attention les résultats du dernier trimestre et que nous suivons scrupuleusement les indicateurs afin d'anticiper autant que possible leur évolution.
Ce cycle positif sur le marché de l'emploi depuis plusieurs années se traduit par une réduction du recours aux allocations de solidarité du programme 102. C'était déjà le cas en 2022 puisqu'en fin d'exercice, nous avions constaté une sous-exécution de 415 millions d'euros par rapport à la LFI, principalement au titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Cette dynamique prévaut pour 2024, puisque la baisse du chômage a permis de ramener les dépenses prévisionnelles d'ASS à 1,7 milliard, soit une baisse de 120 millions par rapport à la précédente LFI. De même, la dynamique d'activité permet de continuer d'alléger, comme nous le faisons depuis 2022, les dépenses prévisionnelles relatives à l'activité partielle, qui avoisineront 200 millions en 2024.
L'augmentation globale des crédits de la mission traduit clairement la priorité que nous accordons à l'objectif de plein emploi, dans le cadre de plusieurs chantiers ambitieux en faveur de l'emploi, de la formation et de l'amélioration des conditions de travail.
En finançant France Travail, nous améliorons le service public de l'emploi et l'accompagnement de ceux qui en sont le plus éloignés. Nous participons aux efforts visant à atteindre l'objectif de 700 000 emplois nouveaux, comme nous en avons créé 1 700 000 lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
Le projet France Travail permettra de rénover et de rendre plus efficace le service public de l'emploi, ainsi que de pallier les difficultés d'appariement sur le marché du travail. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un taux de chômage encore aussi élevé alors que les entreprises connaissent d'importantes tensions de recrutement.
Cette réforme ira de pair avec un investissement social majeur pour accompagner plus intensément les demandeurs d'emploi dans le retour à l'emploi. Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un bon choix, tant pour la cohésion sociale que pour les finances publiques. Au-delà des questions d'emploi et d'insertion, l'accompagnement des personnes les plus éloignées est moins coûteux que l'indemnisation du chômage dans la mesure où il permet d'augmenter l'activité et, en retour, les ressources de l'État.
J'ai déjà annoncé, lors de la discussion du projet de loi pour le plein emploi, notre décision d'augmenter les moyens consacrés à cet accompagnement. Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, les effectifs de Pôle emploi seront augmentés de 300 équivalents temps plein (ETP) pour permettre l'accompagnement renforcé des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), dans le cadre de l'élargissement de l'expérimentation qui les concerne. Nous allons aussi stabiliser la subvention de l'État à l'opérateur. Par ailleurs, une enveloppe de 170 millions d'euros permettra de financer la contractualisation avec l'ensemble des conseils départementaux, que ce soit dans le cadre de la transition vers France Travail ou pour poursuivre la coopération avec ceux qui participent à l'expérimentation ou qui voudraient la rejoindre.
Ces financements doivent monter en puissance de manière progressive : ils atteindront 1 milliard d'euros par an en 2027. Les dépenses seront financées non seulement par un effort de l'État, mais également par les économies permises par la réforme de l'assurance chômage, dont une partie des gains a naturellement vocation à être réinvestie dans l'accompagnement vers l'emploi et la formation.
La réforme de l'assurance chômage de 2019 a rétabli les comptes de l'Unedic, qui étaient excédentaires de 4,4 milliards d'euros en 2022. Nous espérons le même résultat en 2023. Pendant dix ans, entre 2009 et 2019, le déficit était pourtant, en moyenne, de 1,9 milliard d'euros par an. C'est, avec la réforme des retraites, l'une des deux grandes réformes structurelles qui dégagent un certain nombre d'économies permettant de financer des réformes visant le plein emploi. Ainsi, grâce à l'augmentation de la contribution de l'Unedic et au maintien de la subvention pour charges de service public de 1,25 milliard d'euros, l'opérateur Pôle emploi bénéficiera en 2024 de ressources plus élevées, ce qui lui permettra d'allouer 300 millions au renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi dans le cadre de France Travail – j'ai déjà mentionné les 300 ETP supplémentaires affectés à cette mission.
Nous maintenons un effort très important en faveur de l'insertion par l'activité économique (IAE), notamment pour les jeunes, avec un objectif de 300 000 CEJ conclus en 2024 comme en 2023. Nous allouons aussi 1,5 milliard d'euros, en AE comme en CP, à la trajectoire d'IAE plus traditionnelle, ce qui permettra de financer à tout le moins, pour chaque structure, le même nombre de postes qu'en 2023, mais également, nous l'espérons, d'augmenter le nombre de postes créés dans l'ensemble du territoire.
Nous poursuivons notre politique volontariste de développement de l'apprentissage et de l'alternance, qui nous semblent efficaces pour intégrer et former les jeunes. Le succès de l'apprentissage est frappant, tant pour les jeunes et leurs familles que pour les entreprises qui y recourent. En dépit de la crise sanitaire et du contexte macroéconomique qui a suivi, marqué par l'inflation, le nombre d'entrées dans le dispositif pour le secteur privé a doublé entre 2019 et 2022, passant de 360 000 à plus de 840 000. Nous maintenons donc notre engagement majeur en faveur de l'apprentissage et ne renonçons pas à notre objectif de voir conclus 1 million de contrats d'apprentissage par an d'ici à la fin du quinquennat. Parallèlement, nous prenons des mesures de rationalisation du fonctionnement des centres de formation d'apprentis.
Le PLF 2024 prévoit 3,9 milliards d'euros en CP pour les aides à l'embauche d'alternants. Par ailleurs, nous inscrivons dès la LFI une dotation budgétaire de 2,5 milliards pour soutenir France compétences et l'aider à financer les dépenses ainsi engendrées.
Les paramètres de la prime à l'embauche des apprentis suscitent parfois quelques interrogations. Je le dis très clairement, le Gouvernement n'est pas favorable à leur modification. En 2024, le montant de la prime sera donc le même qu'en 2023, à savoir 6 000 euros par apprenti, quels que soient la taille de l'entreprise et le niveau de formation de l'apprentissage. Nous ne souhaitons pas casser la dynamique ni envoyer un contre-signal qui serait néfaste au développement de l'apprentissage.
Nous pilotons ce budget de l'apprentissage en faisant appliquer des mesures qui garantissent la soutenabilité financière du système, avec une responsabilisation des organismes et un renforcement des exigences de qualité des certifications éligibles au compte personnel de formation (CPF). Dès septembre 2022, nous avons revu les niveaux de prise en charge des coûts de contrats d'apprentissage et des coûts de formation. Ces mesures dégagent des économies substantielles, à hauteur de 1 milliard d'euros pour celles relatives au CPF et de 840 millions pour la modification du niveau de prise en charge des coûts de formation.
Nous travaillons aussi à instaurer une forme de participation de certains bénéficiaires du CPF. La loi de finances pour 2023 a prévu le vecteur juridique nécessaire à cette mesure, mais nous ne l'avons pas mise en place cette année, considérant que l'urgence était moindre. Nous le ferons au début de l'année 2024 pour un certain nombre de formations.
Nous allons continuer d'investir massivement dans la formation continue. Compte tenu du succès rencontré entre 2018 et 2023, nous reconduisons le plan d'investissement dans les compétences (PIC), avec la certitude que tant le retour à l'emploi que la réponse aux besoins des entreprises passent par la formation. Pour 2024, nous prévoyons 1,4 milliard d'euros de nouveaux engagements de l'État au titre du PIC, auxquels s'ajoute une contribution de 800 millions de France compétences. Cela permettra de financer, à hauteur de 1,1 milliard d'euros, les pactes régionaux d'investissement dans les compétences (Pric) 2024-2027, au sujet desquels nous avons ouvert des négociations avec les régions.
Dans la même logique, nous souhaitons continuer de répondre aux besoins de compétences des entreprises, qui vont aller croissant, notamment du fait de la transition écologique et numérique. Nous avons déjà réorienté l'aide à la formation du Fonds national de l'emploi, dite FNE-Formation, qui n'est plus réservée aux entreprises en difficulté, en activité partielle ou en mutation ; elle peut désormais bénéficier à des formations liées aux transitions écologique, alimentaire et numérique. Nous avons inscrit 273 millions d'euros au titre de ce dispositif.
Nous continuons nos efforts pour un emploi de meilleure qualité. Évidemment, les sommes en jeu ne sont pas les mêmes, puisque nous nous penchons sur des questions de communication et sur le fonctionnement de certains opérateurs et agences. C'est le cas notamment en matière de prévention des accidents du travail graves et mortels.
À la suite de négociations avec les partenaires sociaux, nous prévoyons d'augmenter de 2,17 millions d'euros la contribution annuelle de l'État au fonds paritaire national qui finance les organisations syndicales et patronales pour le renforcement et le développement du dialogue social. Les prochaines élections professionnelles nécessitent une telle mobilisation.
Nous souhaitons revaloriser de 1,5 million d'euros la subvention de l'État à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), qui sera ainsi portée de 9,7 à 11,2 millions. Il s'agit non seulement d'accompagner la réorganisation de l'établissement et l'intégration des associations régionales, mais aussi de faciliter le déploiement des politiques de prévention.
Je terminerai cette présentation en évoquant l'évolution des moyens affectés au ministère pour la mise en œuvre de ces politiques publiques. Au total, les crédits du programme 155, le programme support du ministère du travail, augmenteront de 18 millions d'euros en 2024.
S'agissant des moyens humains, le PLF 2024 prévoit une stabilité des effectifs, pour la deuxième fois sur les quatorze dernières années, comme le projette la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques jusqu'à la fin du quinquennat. Ainsi, le plafond d'emplois est fixé à 7 799 ETP. Le schéma d'emplois est très légèrement positif – de quelques dizaines d'unités – sur les deux dernières années. Nous avons obtenu le maintien des 105 emplois autorisés en 2023 pour le recrutement des délégués à l'accompagnement des reconversions professionnelles au sein des directions régionales et départementales. Nous allons aussi pouvoir créer une trentaine de postes dans les directions régionales pour accompagner le déploiement du réseau France Travail et ainsi témoigner d'un soutien renforcé à nos services déconcentrés. L'année 2024 sera également marquée par la fin des transferts d'effectifs opérés dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État : 120 ETP seront ainsi conservés. Pour la première année, indépendamment des mouvements internes au ministère du travail, il n'y aura pas de restitution d'effectifs par les services déconcentrés. Voilà encore une bonne nouvelle en matière de stabilité.
Le budget de masse salariale prévu pour 2024 s'élève à 597,6 millions d'euros. L'augmentation de 15 millions permettra de financer les mesures de pouvoir d'achat décidées pour l'ensemble des agents publics en juillet 2023. Je pense à la revalorisation générale du point d'indice, à hauteur de 1,5 point, à l'attribution de 9 points supplémentaires pour les bas salaires et de 5 points pour tous les agents à compter du 1er janvier 2024, au remboursement de 75 % du montant des forfaits de transports collectifs à compter de septembre 2023, contre 50 % auparavant, ainsi qu'à la majoration de 10 % de l'indemnisation des jours transférés sur un compte épargne-temps à compter du 1er janvier 2024.
À cela s'ajoute une enveloppe de 4 millions d'euros destinée à des mesures indemnitaires visant à renforcer l'attractivité du ministère, notamment du service de l'inspection du travail. Je me réjouis que les premières mesures prises à ce titre portent leurs fruits, puisque le nombre d'inscrits au concours du corps d'inspection a augmenté, en 2023, de 359 candidats, soit une hausse de 24 % par rapport à 2022. Ainsi, 280 candidats ont été déclarés admissibles pour 200 places, contre 120 l'année précédente. En 2024, 200 places seront à nouveau offertes au concours, tandis que 100 postes seront ouverts pour des recrutements par détachement. En août 2023, les effectifs de l'inspection du travail ont enfin augmenté par rapport au trimestre précédent, après cinq années consécutives de diminution systématique du nombre d'inspecteurs.