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Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires sociales

Olivier Dussopt, ministre :

Nous visons, en effet, le plein emploi. Cet objectif est politique, bien sûr, mais il est aussi réaliste car le chômage a reculé, passant de 9,5 % à 7,4 %. Les indicateurs retenus pour calculer le taux de chômage peuvent toujours être discutés mais le fait de se fonder sur le même depuis plusieurs années donne un schéma assez clair de l'évolution du marché du travail. La France a choisi, il y a plusieurs années, de calculer le taux de chômage au sens du Bureau international du travail. Indépendamment du nombre de demandeurs d'emplois inscrits à Pôle emploi, cet indicateur permet d'obtenir une mesure constante du taux de chômage.

Notre projet pour le plein emploi ne s'arrête pas à ce texte. Ainsi, le projet France Travail vise-t-il à mieux insérer les personnes les plus éloignées de l'emploi, en particulier les bénéficiaires du RSA. Nous voulons également renforcer la formation professionnelle, notamment grâce aux plans d'investissement dans les compétences, qui représentent un investissement sans commune mesure avec les dispositifs précédemment appliqués. Nous le reconduisons en 2023 à hauteur de plus de 2,5 milliards d'euros, pour renforcer la formation des demandeurs d'emploi. Dans le cadre du plan de réduction des tensions de recrutement présenté par Jean Castex en octobre 2021, Pôle emploi a accompagné le retour à l'emploi de 250 000 demandeurs d'emploi longue durée. C'est une bonne nouvelle pour les entreprises qui recrutent mais surtout pour les hommes et les femmes qui étaient durablement éloignés de l'emploi.

Nous prendrons encore d'autres mesures, qui relèvent de la loi, du règlement ou de l'instruction, pour mener les huit chantiers que j'ai présentés dans la feuille de route adressée aux partenaires sociaux.

Ce projet de loi témoigne de la place que nous accordons au dialogue avec les partenaires sociaux. En 2019, lors de la réforme de l'assurance chômage, l'échec des négociations entre les partenaires sociaux a conduit le Gouvernement à prendre un décret de carence. Certains partenaires sociaux ont considéré que la lettre de cadrage était trop contraignante pour permettre d'aboutir à un accord. Nous ne sommes pas de cet avis mais le fait est que ce fut un échec et l'État a dû définir la réglementation de l'assurance chômage dans un décret de carence. Celui-ci, limité dans le temps, arrive à échéance le 1er novembre 2022. Si nous avions voulu ouvrir une nouvelle négociation interprofessionnelle, nous aurions dû lancer des négociations préalables dès le début de la campagne présidentielle, ce qui n'était pas opportun. Nous avons donc préféré prévoir à l'article 1er de ce projet de loi de confier temporairement au Gouvernement la définition des mesures d'application du régime d'assurance chômage, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2023, par décret en Conseil d'État. Au cours du premier semestre 2023, les partenaires sociaux, à leur demande, négocieront les conditions de la gouvernance de l'assurance chômage. Une nouvelle négociation paritaire, interprofessionnelle, s'ouvrira au second semestre afin d'aboutir à un accord majoritaire sur les règles d'indemnisation, dans un nouveau cadre qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2024. Les partenaires sociaux devront jouer pleinement leur rôle tel qu'il est défini par l'article L. 1 du code du travail, à l'issue de cette période que nous avons voulu la plus courte possible – quatorze mois.

J'en viens aux indicateurs qui permettent de juger de la qualité du marché du travail et aux critères de modulation des règles d'indemnisation. Nous ouvrirons une concertation et non une négociation, pour deux raisons. Tout d'abord, selon l'avis du Conseil d'État, dès lors que la compétence des partenaires sociaux en matière d'indemnisation est suspendue, la modulation des indemnisations doit faire l'objet d'une concertation et non d'une négociation puisqu'elle est temporairement sortie du périmètre de l'article L. 1 du code du travail. D'autre part, la concertation nous permettra d'avancer plus vite. N'oublions pas, en effet, que cette réglementation doit entrer en vigueur dès le début de l'année 2023. Si nous avions décidé, contre l'avis du Conseil d'État, d'ouvrir des négociations, nous aurions dû engager, pour deux mois, une concertation préalable à la négociation, qui aurait duré quatre mois. Nous n'aurions pas pu tenir les délais.

Les partenaires sociaux, du moins les organisations patronales, le MEDEF en tête, sont plutôt favorables à la modulation, ce qui n'est pas le cas des organisations syndicales, mais tous refusaient le principe d'une négociation avec recherche d'un accord majoritaire. C'était une raison de plus pour préférer la concertation.

Vous avez appelé notre attention sur des points et des initiatives auxquels le Gouvernement est sensible. S'agissant tout d'abord de l'abandon de poste, nous reconnaissons bien volontiers qu'il y a une faille dans la législation. Il n'est pas normal, en effet, qu'un salarié qui abandonne son poste soit mieux indemnisé qu'un salarié qui démissionne, en dehors du cas de la mise en danger. Nous sommes favorables à ce que les conditions d'indemnisation en cas d'abandon soient alignées sur celles en cas de démission. En revanche, nous devrons prévoir une procédure qui permette au salarié qui abandonne son poste pour des raisons de sécurité, de le faire savoir très rapidement afin de ne pas en être pénalisé.

Concernant le refus de transformer un CDD en CDI, il est clair qu'un salarié est libre de ne pas rester dans l'entreprise. En revanche, l'employeur doit-il lui verser une prime de précarité s'il lui a proposé de transformer son CDD en CDI dans les mêmes conditions ? La loi répond à cette question : la prime de précarité n'est pas due. Il faudra sans doute mieux l'expliquer.

D'autre part, nous sommes favorables au renouvellement de l'expérimentation du CDD multi-remplacement. Ce dispositif est très utile pour les employeurs qui recrutent pour des emplois saisonniers ou pour remplacer une personne partie en congé. Il leur permet de ne signer qu'un seul CDD alors que la personne embauchée occupera successivement les postes des salariés partis en congé. Aujourd'hui, l'employeur doit établir un contrat par remplacement alors que la personne engagée pour deux ou trois mois devra remplacer plusieurs personnes parties en congé. C'est souvent le cas dans la grande distribution. L'expérimentation n'a pas été renouvelée fin 2020 parce que nous avions d'autres priorités à cette époque. De même, nous souhaitons améliorer les dispositifs de bonus-malus ou d'offre raisonnable d'emploi.

S'agissant des territoires ultramarins, les indicateurs économiques ne tiennent pas compte de leur singularité par rapport à la métropole et nous devrons réfléchir à un nouveau dispositif d'ici à l'examen en séance publique pour ne pas leur appliquer des mesures inadaptées.

Par ailleurs, il n'est pas exact d'affirmer que seuls 40 % des demandeurs d'emploi sont indemnisés. En effet, 60 % sont indemnisables mais un tiers ne sont pas indemnisés, par exemple en raison d'une activité réduite avec un salaire n'ouvrant pas de droit à une allocation complémentaire.

L'UNEDIC a été réformé à la suite de la dégradation continue de ses comptes. Rappelons les chiffres : entre 2009 et 2019, l'assurance chômage a accusé systématiquement un déficit de 2,9 milliards d'euros en moyenne par an. La pandémie a encore aggravé les comptes, ce qui explique que je n'aie pas pris en compte cette période dans la référence.

Pôle emploi est financé par deux canaux. L'État lui alloue une subvention, que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit d'augmenter. L'UNEDIC lui reverse l'équivalent de 11 % des cotisations qu'elle encaisse. Puisque le taux d'emploi est en hausse, les recettes de Pôle emploi augmenteront. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit de conserver les effectifs attribués à Pôle emploi durant la crise sanitaire, afin d'accompagner les demandeurs d'emploi. Les moyens de cet organisme sont donc loin de diminuer.

Je terminerai par l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi, qu'il s'agisse des bénéficiaires du RSA ou des jeunes en rupture. Il doit être intensifié. Nous refusons de rendre le travail obligatoire mais dès lors que le principe de l'inconditionnalité d'accès au RSA quand on est privé de ressources n'est pas remis en cause et qu'il est proposé, dans l'intégralité du territoire, une offre d'insertion et de formation adaptée – on ne propose pas une formation entre 17 heures et 20 heures à une mère ou un père qui vit seul avec trois enfants –, il est normal de demander une contrepartie.

Quant aux publics plus éloignés encore, parfois « sortis des radars », le dispositif du contrat d'engagement jeune nous permettra de franchir une étape supplémentaire. Nous avons lancé un appel à projets dont le résultat devrait être connu dans les prochaines semaines pour proposer des parcours d'accompagnement vers l'emploi, portés par un acteur ou un consortium d'acteurs, des jeunes en rupture familiale, en rupture scolaire ou confrontés à des problématiques complexes qui appellent un suivi spécifique. L'accompagnement des bénéficiaires du RSA a été confié à Thibault Guilluy, déjà chargé de la mission relative à France Travail.

Enfin, vous avez posé la question de l'écart entre les revenus de l'activité et les revenus de solidarité. Ce sujet, que nous avons abordé avec Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, n'a pas sa place dans ce texte mais nous ouvrirons un chantier pour l'approfondir. La reprise d'activité est toujours gagnante même si les effets ne se font pas ressentir immédiatement. Il faut attendre que les dispositifs de garde d'enfant s'installent, que les bénéficiaires des minimas sociaux passent à une autre forme d'accompagnement. Nous devrons réfléchir avec les partenaires sociaux à la meilleure manière d'accompagner les premiers mois de la reprise d'activité afin que les personnes intéressées ne soient pas découragées par l'absence de bénéfice immédiat.

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