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Intervention de François Braun

Réunion du lundi 26 septembre 2022 à 21h00
Commission des affaires sociales

François Braun, ministre :

Je suis bien entendu favorable à la discussion et au travail collectif. Il faut sortir des postures pour œuvrer au service de nos concitoyens et de l'hôpital. C'est en réglant les problèmes, les uns après les autres, pierre après pierre – je suis désolé, monsieur Guedj – que nous sortirons de cette situation particulièrement difficile.

Il est essentiel de libérer du temps médical car nous répondrons aux enjeux auxquels nous sommes confrontés avec les troupes dont nous disposons aujourd'hui. Certes, nous allons augmenter le nombre de médecins et d'infirmières mais ils ne seront pas sur le terrain dès demain matin.

Nous allons lutter contre les bureaucratismes et toutes les tâches administratives inutiles. Nous mettrons à contribution les assistants médicaux qui, selon la CNAM, permettent d'augmenter de 10 % la clientèle d'un médecin. Dans le milieu hospitalier, un travail à l'échelle des services et un rapprochement des administrations contribuera également à libérer du temps médical. Le partage d'activités entre les professionnels de santé constitue aussi un bon levier. Nous n'avons pas encore lancé l'expérimentation de l'accès direct des IPA prévue dans la LFSS 2022 mais les travaux avancent et je m'engage à ce qu'elle soit effective en décembre pour les IPA et en janvier pour les masseurs-kinésithérapeutes.

Je suis préoccupé par la santé des soignants en général et pas seulement par celle des internes. La pénibilité du travail de nuit, notamment, doit être prise en compte. L'indemnité de nuit pour les infirmières a été doublée et si les autres mesures qui ont été prises dans le cadre de la mission « flash » sur les urgences et soins non programmés qui s'est réunie cet été sont efficaces, nous les prolongerons.

La réforme de la médecine du travail résulte de l'accord interprofessionnel de décembre 2020 qui a donné lieu à une proposition de loi de la députée Parmentier-Lecocq votée à l'unanimité en mars 2021. Les décrets d'application sont en cours. Les services de santé au travail sont ainsi transformés en services de prévention et de santé au travail, ce qui est conforme aux objectifs de prévention que j'ai présentés, dont la visite médicale à mi-carrière pour tous les salariés de 45 ans.

La médecine du travail est elle aussi confrontée à un problème de ressources humaines, sur lequel nous travaillons avec Olivier Dussopt. Là encore, le recours aux infirmiers en pratique avancée, de premier recours, en gériatrie et en santé publique de l'enfance permet d'avancer. Nous devons donc poursuivre ensemble les réflexions du CNR Santé sur l'extension du champ des IPA.

Nous serons particulièrement vigilants sur la santé des femmes à tous les âges. La visite médicale de 20-25 ans sera orientée sur la prévention en santé sexuelle, la vérification des vaccins – notamment contre le papillomavirus –, l'inscription auprès d'un médecin traitant, les addictions, l'activité physique et sportive. La visite médicale de 45 ans sera plus axée sur la prévention des cancers, notamment colorectal, du col de l'utérus, du sein. La visite de 65 ans, avant celle de 70-75 ans, sera quant à elle attentive à la perte d'autonomie. La déclinaison du plan endométriose, bien sûr, se poursuivra.

La prévention s'inscrit désormais dans la santé globale dite « One Health ». Telle est d'ailleurs la logique dans laquelle s'inscrit le nouveau comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires puisqu'il intègre également des vétérinaires, des climatologues et des psychologues.

Ce PLFSS s'enrichira des discussions avec le Parlement mais aussi de celles qui se dérouleront dans le cadre du CNR Santé, centrées autour de quatre axes principaux : un médecin traitant pour les plus fragiles, la permanence des soins, l'attractivité des métiers de la santé par territoires et l'intégration de la prévention dans les parcours de santé. Il s'enrichira également des mesures qui ont été prises cet été, sur lesquelles j'ai demandé deux rapports à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui me seront remis à la fin du mois : un rapport spécifique sur la régulation médicale et un rapport sur les quarante autres mesures.

S'agissant de la gouvernance du système de santé, je note la reconnaissance du remarquable travail quotidien accompli par les ARS et les directions d'hôpitaux, indispensables au fonctionnement de notre service public hospitalier. Un travail sur la gouvernance de l'hôpital sera lancé avant la fin de l'année sur le mode « CNR » puisque nos concitoyens seront associés aux professionnels de santé et aux élus.

La crise des urgences est celle du système de santé. Le rapport de l'IGAS rendra donc ses conclusions avant la fin du mois. Si les mesures de la mission « flash » sont efficaces, elles seront pérennisées.

Le tabagisme est un enjeu de prévention et de santé publique. Les pathologies qui y sont associées sont responsables de près de 74 000 décès chaque année. C'est pourquoi, lors de la précédente législature, une trajectoire fiscale ambitieuse a été décidée en portant le prix du paquet de cigarettes à 10 euros. Je précise que le produit de cette fiscalité ne va pas dans les poches de l'État mais que les droits d'accise sont entièrement affectés à l'assurance maladie. La part qui revient à cette dernière est deux fois inférieure au coût direct du tabac pour notre système de santé : environ 14 milliards d'euros de rendement contre 20 à 26 milliards de coût direct.

Cette politique a tout de même été fructueuse puisque, entre 2017 et 2021, selon Santé publique France, la prévalence du tabagisme a baissé de 3 points : 2 millions de Français ont donc arrêté de fumer au cours de ces cinq dernières années. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la France est l'un des pays qui a déployé la politique fiscale la plus efficace pour prévenir la prévalence du tabagisme chez les jeunes, réduire la consommation chez les adultes et accompagner ceux qui souhaitent arrêter de fumer. Je rappelle que les substituts du tabac sont pris en charge.

Si nous ne faisions rien, le prix du tabac, qui n'est pas entièrement indexé sur l'inflation mais plafonné à + 1,8 %, serait dévalué par rapport aux autres biens de consommation dans le contexte actuel d'une inflation supérieure à 5 %. Par cohérence, nous proposons donc de déplafonner la part tarifaire « droit d'accise » et de l'indexer sur l'inflation de l'année n – 1, comme beaucoup d'autres impôts. Le prix du paquet serait donc augmenté de 50 centimes en 2023.

De la même façon, nous proposons d'uniformiser les retenues et l'incidence sur l'ensemble des produits du tabac, les formes de consommation étant en train de se déplacer vers le tabac à rouler et d'autres formes de tabac à fumer, avec plus de 130 % d'augmentation entre 2018 et 2020, en particulier, le tabac à chauffer.

Les arrêts de travail par téléconsultation se sont élevés à 110 000 l'année dernière contre moitié moins l'année précédente et ils seront deux fois plus nombreux en 2022. Le profil des patients est exactement le même que pour les arrêts de travail traditionnels : il ne s'agit pas de personnes qui vivent dans un désert médical.

De plus, 80 % de ces patients bénéficient d'un médecin traitant ; or ce n'est pas lui qui leur a délivré un arrêt de travail. Par ailleurs, dans un peu plus de 70 % des cas, ces arrêts de travail ne sont associés à aucune prescription remboursée ; or ce chiffre tombe à 40 % en cas de prescription hors téléconsultation. Par exemple, deux cents médecins ont prescrit soixante-treize arrêts de travail hors de leur clientèle.

Il y a donc une dérive très nette en matière d'arrêts de travail prescrits en téléconsultation par un médecin autre que le médecin traitant, comme l'a d'ailleurs montré un reportage récemment diffusé. La mesure que nous proposons me semble donc licite. Les patients pourront toujours obtenir un arrêt de travail en téléconsultation de leur médecin traitant, ou d'un médecin les ayant examinés au cours des douze derniers mois. Les cas particuliers relevant des déserts médicaux seront étudiés individuellement.

Monsieur Juvin, cher confrère, vous avez raison de dire qu'il faut privilégier la qualité et l'efficience des soins. La maîtrise médicalisée des dépenses de santé représente une part importante des économies prévues par le PLFSS 2023. Les rendez-vous de prévention ont notamment pour objet le dépistage du cancer, dans le cadre d'une stratégie ambitieuse de l'« aller vers ». Il faut aller chercher les personnes échappant à ces consultations, en prenant appui sur le tissu médico-social et en déployant une campagne d'information.

S'agissant des crédits dédiés au covid-19, bien malin qui peut dire aujourd'hui à combien s'élèveront les coûts de la pandémie demain. Un milliard d'euros est mis de côté. Nous suivrons cela de très près, comme chacun peut l'imaginer.

Monsieur Philippe Vigier, vous m'avez interrogé sur les PADHUE, dont le nombre est de 2 400. Nous avons saisi le Conseil national de l'Ordre des médecins pour que leur situation soit réglée au plus vite. La formation des autres médecins s'inscrit désormais dans un cadre très structuré, comprenant l'épreuve de vérification des connaissances, éventuellement suivie d'un stage. Nous sommes ouverts à toute proposition d'avancée dans ce domaine.

Plusieurs questions portent sur les conséquences de l'inflation sur l'ONDAM. Nous ne faisons pas d'économies sur l'hôpital. Nous avons mené des concertations avec le secteur pour évaluer les charges supplémentaires auxquels il fait face et identifier l'impact réel de l'inflation, évidemment supérieur à ce qu'il était dans les années précédentes.

En 2017, l'ONDAM était de l'ordre de 2 %. L'hôpital public bénéficie d'un investissement important, à hauteur de 57 milliards d'euros supplémentaires. En 2022, l'effet sur l'ONDAM de la prise en charge de l'inflation s'élève à 800 millions d'euros. Les projections pour 2023 ont été réalisées selon la même méthode, en tenant compte des chocs externes induits par l'inflation et l'augmentation du point d'indice.

Nous n'avons pas organisé des dialogues de Ségur, sur le modèle de ceux de Bercy, car la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, dont Thomas Mesnier était rapporteur, permet d'échanger sur tous les aspects du plan de financement de la sécurité sociale avant son examen par le Parlement. Je suis toujours prêt à en débattre. Le CNR Santé apportera de la cohérence, car les problèmes, qui ne sont pas identiques partout, doivent être posés et réglés à l'échelle des territoires.

S'agissant des services d'urgences, j'invite chacun à consulter le rapport de la mission « flash » que j'ai menée.

Monsieur Mesnier, vous m'avez interrogé sur l'intérim médical et paramédical en début de carrière. Son coût, qui était de 500 millions d'euros en 2013, est passé à 1,4 milliard en 2018 et continue d'augmenter. Il représente jusqu'à 20 % des effectifs des hôpitaux. Lutter contre l'intérim suppose d'abord d'éviter que des jeunes diplômés ne s'y engagent dès le début de leur carrière. Nous devrons discuter du délai, car l'intérim est un exercice médical difficile, qui place ponctuellement les gens dans des situations et un univers inconnus. Par ailleurs, le décret plafonnant la rémunération des médecins intérimaires embauchés dans les hôpitaux, prévu par la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi « Rist », sera appliqué en début d'année prochaine.

Sur la quatrième année d'internat, il faut être très clair : elle est demandée par les professionnels de santé, qui considèrent que le niveau de formation atteint en trois ans n'est pas satisfaisant, notamment dans des domaines comme la pédiatrie et la gynécologie obstétrique. Par ailleurs, ils souhaitent suivre une formation spécifique de chef d'entreprise, pour apprendre à gérer correctement un cabinet médical. Au demeurant, les médecins choisissent rarement de s'installer après l'obtention de leur diplôme, préférant effectuer des remplacements pendant un an ou deux pour se familiariser avec la gestion d'un cabinet médical.

La quatrième année sera effectuée en autonomie supervisée, en ambulatoire et de préférence dans un désert médical. Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et moi-même avons diligenté une mission, qui rendra ses conclusions à la fin de l'année, sur les modalités de prise en compte et de financement de la quatrième année de médecine générale effectuée dans un désert médical.

S'agissant du cannabis thérapeutique, les résultats de l'expérimentation sont insuffisants, car ils portent sur trop peu de patients. Nous la prolongeons pour obtenir des résultats solides et prendre une décision.

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