Au-delà de votre marketing autour de la refondation, vous devez discuter « pour de vrai » avec le Parlement des problèmes qui se posent. Nous allons commencer tant bien que mal, puisque nous ne disposons de votre texte que depuis quelques heures.
Certes, des mesures que vous mettez en avant vont dans le bon sens, comme la revalorisation de l'allocation de soutien familial et la gratuité de la contraception d'urgence, mais c'est l'arbre qui cache la forêt, laquelle brûle.
De plus, vous ne répondez pas aux nombreuses urgences sociales de notre pays que la crise sanitaire a amplifiées. Je pense aux ruptures de parcours de soins – vos choix politiques ont asphyxié les hôpitaux publics, qui sont en crise, et leurs personnels, qui sont révoltés – mais aussi aux fermetures de lits et de services, au virage ambulatoire, qui a surtout profité au secteur privé, tout cela ayant contribué à accroître la désertification médicale.
Le dernier rapport de la DREES confirme d'ailleurs le creusement des inégalités territoriales et socio-économiques face à la santé : à partir de 35 ans, les hommes cadres vivent en moyenne six ans de plus que les ouvriers, cet écart étant de trois ans chez les femmes ; il se creuse, de surcroît, selon que l'on vit dans le nord, dans l'est ou dans les outre-mer. La pauvreté multiplie par 3,2 le risque de renoncement aux soins et le contexte de pénurie de l'offre n'arrange rien. J'ajoute que quelque 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant déclaré.
Si votre texte prend acte que nous devons combler notre retard en termes de prévention, l'instauration de rendez-vous de la prévention – lesquels, pour partie, existent déjà – ne résoudra pas les problèmes pour ceux qui se sont éloignés de la prévention et des soins. Nos institutions comme la PMI, la médecine du travail ou la santé scolaire sont d'ailleurs profondément affaiblies.
La santé mentale est également l'un des grands absents de ce texte, alors que les rapports sont accablants : une personne sur cinq, chaque année, est touchée par un trouble psychique ; en quarante ans, deux tiers des lits ont été fermés et le nombre de patients est passé de 1 million à 2,3 millions de 1997 à 2020.
La désertification médicale n'atteint pas les seules petites villes ou les milieux ruraux. La principale mesure que vous proposez, d'ailleurs très critiquée par les principaux intéressés – peut-être, notamment, par manque de concertation – consiste à allonger d'un an la durée d'internat pour les médecins généralistes afin de les encourager, dites-vous, à exercer en zone sous-dense. Selon le dossier de presse que vous avez communiqué, il s'agit de « Capitaliser sur les mesures d'urgence prises cet été » mais, avant de capitaliser, serait-il possible d'avoir un bilan détaillé de ces mesures, dont nous craignons d'ailleurs qu'elles soient pérennisées ?
Quid des mesures tant attendues pour l'hôpital public – une rallonge de 2 milliards d'euros afin de compenser l'inflation et 4 à 5 milliards de plus pour 2023 ? Ce PLFSS en est bien loin alors que l'ensemble des personnels, soignants et administratifs, ont besoin d'une véritable revalorisation salariale mais, également, de moyens humaines et matériels.
Comme toujours, c'est là que le bât blesse : ce PLFSS limite les dépenses sans se donner le moyen d'obtenir de nouvelles recettes et en sacrifiant les besoins de la population. Vous prévoyez en effet une hausse des recettes de 4,1 % assise sur la hausse des prix et des salaires mais, surtout, vous plafonnez les dépenses à une progression de 2,1 % et vous procédez à certaines économies avec une volonté symbolique qu'illustre fort bien l'article 43, prévoyant de conditionner drastiquement le remboursement des arrêts de travail délivrés par téléconsultation, alors que, par ailleurs, vous incitez fortement au développement de la télémédecine. Après des années de compensation, votre ONDAM n'est toujours pas au niveau de l'augmentation mécanique des dépenses et encore moins à celui des besoins.
Vous sous-estimez les dépenses à venir de prévention et de lutte contre le covid-19, qui passent de 11 à 1 milliard d'euros, et vous ne semblez pas tenir compte du rattrapage des soins mis en suspens lors de la pandémie qui, selon la CNAM, a entraîné en 2020 un million de déprogrammations chirurgicales, soit plus de 18 % du volume annuel.
Nous avons un besoin criant d'un grand service public de l'autonomie et nous devons lutter contre la marchandisation de la santé.
En matière de financement, vous voulez augmenter la part du travail tout en évitant d'augmenter les salaires et vous continuez à exonérer le capital ; or, la protection sociale a besoin de financements et ils existent !
Enfin, si vous voulez agir pour la santé et la prévention, renoncez à casser le droit à la retraite et à nous faire travailler plus longtemps !