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Intervention de Philippe Juvin

Réunion du lundi 26 septembre 2022 à 21h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Juvin :

La lecture du PLFSS révèle que la dette est désormais devenue une des modalités normales et pérennes de financement de la protection sociale. En Europe, seule l'Espagne présente une situation similaire sur la durée. Cette dette est non seulement antiéconomique, mais elle fait peser un risque financier grave sur les assurances sociales et leur fonctionnement. D'ailleurs, le risque en matière de santé se réalise déjà : vous connaissez tous des exemples de Français qui, malheureusement, ne peuvent pas se faire soigner correctement.

Qui plus est, le déficit de la sécurité sociale est sous-estimé, car le solde intègre des subventions d'équilibre implicites des pouvoirs publics, notamment sous la forme de surcotisations aux régimes des pensions des fonctionnaires civils et militaires. Sans ces surcotisations, le déficit serait plus élevé, d'un montant supérieur ou égal à 30 milliards d'euros.

Enfin, la réduction du déficit par rapport à l'année dernière est incertaine. Nous pouvons en effet nous interroger sur certains des moyens que vous employez à cette fin. Vous avez eu raison de diminuer la provision pour les tests, mais allons-nous réellement réaliser une économie de 10 milliards d'euros, sachant que l'épidémie de covid reprend ? L'effort de 1,1 milliard sur les médicaments est-il justifié, alors que se pose la question de l'innovation en France ? Certains médicaments innovants ne sont pas disponibles pour nos concitoyens, alors qu'ils le sont chez nos voisins. Vous cherchez, fort légitimement, à réduire le déficit, mais les mesures que vous prenez sont parfois contestables.

Ce qui manque, c'est une stratégie structurelle de réduction des déficits. La clé, c'est non pas le rabot, mais l'amélioration de la qualité. Il y a une grande discordance entre le montant très élevé des dépenses de santé et l'efficacité de ces dépenses : chacun peut constater que les indicateurs sanitaires ne sont pas bons, voire s'effondrent pour certains. En d'autres termes, nous mettons beaucoup d'argent dans la santé, mais nous n'en avons pas pour notre argent.

Quelles sont les pistes ? Faire confiance aux acteurs et mettre en avant la qualité. Ne faudrait-il pas, par exemple, une stratégie pour prendre en charge les covid longs, quelque peu oubliés, et pour aller chercher les nombreux cancers qui n'ont pas été correctement diagnostiqués et traités ? Ne faudrait-il pas que l'argent soit consacré aux soins ? Dans le tableau des emplois de la fonction publique hospitalière, il y a davantage d'agents de l'administration que de médecins – 105 000 équivalents temps plein contre 94 000, d'après le dernier rapport de la DREES. C'est un symbole, me direz-vous, mais il est assez frappant.

Les médecins libéraux vous diront la même chose : ils sont surchargés d'embêtements – je le dis poliment – administratifs et de complications. Il faut leur faciliter la vie. Je suis d'accord avec vous, il faut mieux faire travailler les acteurs ensemble : la ville et l'hôpital ; l'hôpital et le médico-social ; la ville et le médico-social. Mais on n'y parviendra pas simplement en donnant la possibilité aux pharmaciens et aux infirmiers de prescrire des vaccins. Il faut aller plus loin, envisager peut-être les prescriptions infirmières.

Vous avez raison, la prévention est un volet important, mais il ne suffit pas de le dire : il faut agir. Selon moi, l'eau que l'on boit, l'air que l'on respire et la nourriture que l'on mange font aussi partie de la prévention.

Il faut en outre revaloriser le travail de nuit des soignants.

Monsieur le ministre, vous avez remercié à juste titre les hommes et les femmes qui ont élaboré ce PLFSS, et je les remercie à mon tour. Je crois aussi pouvoir, en votre nom à tous, adresser mes remerciements aux soignants qui travaillent nuit et jour pour tenir un système qui s'appauvrit inexorablement.

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