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Intervention de Gabriel Attal

Réunion du lundi 26 septembre 2022 à 21h00
Commission des affaires sociales

Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics :

Je veux d'abord remercier celles et ceux qui se trouvent derrière nous et qui ont contribué à l'élaboration de ce texte. Vous l'avez dit, madame la présidente : le calendrier a été avancé par rapport aux années précédentes et, pour la première fois, nous avons présenté le même jour un projet de loi de finances, un PLFSS et un projet de loi de programmation des finances publiques. À la direction de la sécurité sociale, à la direction générale de la cohésion sociale et à Bercy, notamment à la direction du budget, des centaines de femmes et d'hommes ont travaillé sur ces textes, y compris cet été et parfois jour et nuit.

Les trois textes présentés aujourd'hui sont cohérents. Ils visent à nous permettre de relever les défis majeurs qui se présentent à nous – et nous sommes convaincus que nous pouvons les relever ensemble.

En tant que ministre délégué chargé des comptes publics, je suis aussi chargé des comptes sociaux. Les choix budgétaires traduisent des choix politiques : c'est pourquoi ce PLFSS pour 2023 est d'abord un PLFSS de confiance, en ce qu'il illustre la confiance que nous avons en tous les acteurs de notre système social. Des soignants de l'hôpital public jusqu'aux personnels de la petite enfance, des professionnels de santé en ville aux personnels de l'autonomie, chacun détient une part de la solution.

Voilà pourquoi le taux d'évolution de l'ONDAM sera porté au niveau historique de 3,7 % hors covid. Ainsi, en 2023, l'ONDAM progressera 50 % plus vite qu'au cours de la décennie 2010 : c'est le signe qu'après le Ségur de la santé, nous poursuivons l'effort financier au profit de la santé, qui est un secteur prioritaire pour les Français et donc pour le Gouvernement. Le taux d'évolution de l'ONDAM hospitalier s'établira à 4,1 % en 2023 : c'est deux fois plus qu'au cours de la décennie 2010, où il était de 2 % en moyenne. Ces chiffres montrent clairement que le Gouvernement et la majorité ont investi et continueront à investir massivement pour l'hôpital public. Nos choix sont cohérents. Alors que l'ONDAM total s'élevait à 190,7 milliards d'euros en 2017, il s'établira à 244,1 milliards en 2023, soit 53 milliards de plus investis dans notre système de santé.

Depuis 2017, nous avons mis fin aux baisses de tarifs hospitaliers, développé le « 100 % Santé », supprimé le numerus clausus, soutenu le secteur de l'aide à domicile et nos EHPAD. Nous allons continuer cet effort, parce que les Français sont attachés à notre modèle social et que nous voulons le défendre.

Tout cela ne sera possible que si nous continuons à donner la priorité au travail et à la production. Les cotisations sociales, qui demeurent le socle de financement de notre sécurité sociale, passeront de 390,7 milliards d'euros en 2022 à 407,2 milliards en 2023. Nous devons d'abord cette progression aux créations d'emplois : 319 000 sont prévues en 2022, 200 000 ont déjà été réalisées au premier semestre et 117 000 supplémentaires sont attendues en 2023. Au total, sur la période 2020-2023, nous devrions créer 1 200 000 emplois malgré la crise. Au moment où certains s'interrogent quant à la pertinence d'une réforme des retraites, n'oublions jamais que le volume global du travail dans notre pays est ce qui permet à notre système social d'être financé et de tenir.

Voilà pourquoi ce PLFSS envoie aussi un message de responsabilité. Parce que les besoins sont immenses, nous ne devons pas ménager nos efforts pour trouver toutes les marges d'efficience et réaliser des économies là où elles sont pertinentes. Faire de la politique, c'est faire des choix : c'est pourquoi nous assumons de demander à certains secteurs qui bénéficient de niveaux élevés de rentabilité de contribuer à l'effort commun. Il ne s'agit pas de stigmatiser qui que ce soit ou de considérer certains profits comme indus, mais d'affirmer que nous devons faire des efforts là où nous le pouvons si nous voulons permettre à notre système de perdurer.

Ainsi, les laboratoires de biologie seront mis à contribution. Ils ont réalisé en 2020 et 2021 un chiffre d'affaires de 7,3 milliards d'euros au titre des tests covid ; par ailleurs, ils bénéficiaient déjà avant la crise d'un taux de rentabilité élevé alors que 70 % de leur activité est solvabilisée par l'assurance maladie. Le PLFSS prévoit que la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) négociera une baisse de prix avec le secteur pour au moins 250 millions d'euros en 2023.

Il en est de même pour l'imagerie, un secteur qui représente près de 5 milliards d'euros de dépenses et où nous pouvons encore mieux éviter ou limiter les examens redondants, inappropriés ou inutiles. Nous demanderons à ce secteur de négocier avec la CNAM un nouveau protocole pour juguler la dépense à hauteur de 150 millions d'euros en 2023.

C'est enfin le cas des organismes complémentaires, dont la part dans le financement des dépenses de santé baisse tendanciellement, passant de 15,5 % il y a dix ans à 12,9 % en 2021. Nous devons donc réfléchir à un juste partage de l'effort avec la sécurité sociale – mon collègue François Braun a ouvert des concertations en ce sens.

Ces efforts, nous ne les demandons pas pour le plaisir de faire des économies. Nous les demandons parce qu'ils sont indispensables pour dégager des marges de manœuvre budgétaires et investir, au premier chef à l'hôpital. C'est aussi la condition pour garantir la soutenabilité et la résilience des comptes sociaux, à un moment où prédomine l'incertitude économique et alors que les taux d'intérêt remontent. Je rappelle que la parenthèse de l'argent gratuit s'est refermée et que notre dette nous coûte cette année 18 milliards d'euros de plus que prévu, soit le double du budget du ministère de la justice. Si nous continuons ainsi, si nous n'affichons pas une trajectoire soutenable pour nos dépenses publiques – comme nous le faisons dans les trois textes présentés aujourd'hui –, nous nous exposons à une montée continue des taux et nous finirons par nous trouver privés de marge de manœuvre budgétaire pour investir là où il le faut pour les Français. Chacun ici le sait, il n'y a pas de modèle social pérenne s'il est financé à crédit. Le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux reste donc un impératif pour tous ceux qui sont attachés à sa pérennité.

Ce PLFSS envoie enfin un message de fermeté à tous ceux qui, par leurs fraudes et leurs abus, abîment l'adhésion des Français à notre modèle social. La lutte contre la fraude est donc aussi au cœur de ce texte, qui comprend des mesures ambitieuses en la matière. Des pouvoirs de cyberenquête seront confiés aux contrôleurs des caisses de sécurité sociale afin de mieux repérer et réprimer les fraudes à enjeu telles que le travail dissimulé. Les possibilités de déconventionnement seront étendues à tous les professionnels de santé en cas de fraude majeure. Les échanges d'informations seront renforcés, notamment entre les greffiers des tribunaux de commerce et les caisses de sécurité sociale, pour mieux lutter contre le travail informel. Il sera mis fin à la possibilité de prescrire un arrêt maladie en téléconsultation, sauf pour le médecin traitant ou un médecin déjà consulté au cours des douze derniers mois.

Je m'arrête un instant sur cette mesure, qui a été âprement commentée depuis que je l'ai annoncée hier. Il ne s'agit pas de remettre en cause le remboursement des téléconsultations, qui continueront à être toutes remboursées. Il ne s'agit évidemment pas non plus de remettre en question le principe des arrêts maladie. Il s'agit de dire qu'il y a des abus et que certaines personnes enchaînent les téléconsultations jusqu'à trouver un médecin qui accepte de leur délivrer un arrêt maladie, parfois un peu complaisant. Lorsqu'un arrêt maladie est délivré en téléconsultation par un médecin qui n'est pas le médecin traitant, il est deux fois plus fréquent que la téléconsultation ne donne lieu à aucune prescription de médicaments ou de soins. Il faut regarder la réalité en face et chercher à répondre à ce problème, faute de quoi nous saperons durablement la confiance de nos concitoyens dans notre modèle social. Nous assumons donc cette mesure importante.

Nous renforcerons encore, au cours des débats, cet arsenal de lutte contre la fraude. Toutes vos propositions seront utiles. Je vous annonce d'ores et déjà que le Gouvernement déposera un amendement visant à ce que soient désormais facturés aux fraudeurs des frais de gestion en plus du recouvrement des sommes indues. Les Français n'en peuvent plus de payer pour ceux qui fraudent, ni pour les fonctionnaires chargés de contrôler, de repérer et de sanctionner ces fraudes.

J'insiste sur un point : je n'oppose pas ici la fraude fiscale et la fraude sociale. L'une comme l'autre minent l'esprit de civisme – certes à des degrés divers. L'une comme l'autre doivent être combattues sans relâche.

C'est le ministre délégué chargé des comptes publics qui vous le dit : cet été, Bercy a infligé à McDonald's une amende de 1,3 milliard d'euros pour optimisation fiscale ; l'an dernier, les droits demandés pour fraude fiscale ont atteint le niveau historique de 13 milliards ; cette année, mon ministère a transmis à la justice trois fois plus de dossiers de fraude fiscale que les années précédentes. Nous nous attaquons à toutes les fraudes, parce qu'elles minent le pacte républicain et notre modèle social.

Pour les débats qui nous attendent, j'appelle à contribution toutes les bonnes volontés de votre commission. Je sais pouvoir compter sur l'ensemble des composantes de la majorité présidentielle. Que vous soyez de droite ou de gauche, député ou députée du nord, du sud, de l'est ou de l'ouest, chacune et chacun d'entre vous a un rôle à jouer dans la refondation de notre système social. Chaque membre de cette commission souhaite un système plus simple, plus efficace et plus juste. Faisons ensemble de ce PLFSS un texte utile pour les Français.

À une époque de grande bascule, où le fracas de la guerre revient en Europe, où menacent le défi climatique et un risque d'effondrement de la biodiversité, où même l'adhésion à notre modèle démocratique et social menace de céder, chacune et chacun d'entre nous a une responsabilité immense. Au-delà de nos clivages légitimes, sachons bâtir avec confiance, responsabilité et fermeté un PLFSS qui sera l'une des briques d'un pays plus uni et plus solidaire.

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