Intervention de François Braun

Réunion du lundi 26 septembre 2022 à 21h00
Commission des affaires sociales

François Braun, ministre de la santé et de la prévention :

La discussion du PLFSS, qui va nous occuper ces prochaines semaines, constitue un moment structurant de notre politique de santé et de protection sociale. C'est plus qu'un exercice budgétaire hors sol, puisque ce texte est le mur porteur de notre système de protection sociale et de ses évolutions, comme nous l'a montré la crise sanitaire dont nous voyons encore les conséquences budgétaires. La sécurité sociale est notre patrimoine vivant, au service des Français, qui ne cesse de s'adapter face aux épreuves, aux nouveaux enjeux et aux besoins de santé de nos concitoyens. Je veux saluer l'engagement de ses agents au quotidien.

En tant que premier texte de finances sociales du second quinquennat d'Emmanuel Macron, ce PLFSS vise à traduire les engagements pris par le Président de la République, notamment en matière d'accès à la santé et de prévention, à poser une première pierre sur le chantier de la nécessaire transformation en profondeur de notre système de santé, et à nous donner les moyens de financer nos politiques prioritaires. J'espère que la discussion parlementaire, à l'Assemblée nationale et au Sénat, sera aussi féconde que possible. Le Gouvernement se présente ouvert au débat ; pour ma part, je consacrerai à nos échanges toute mon énergie.

Nos discussions s'engagent alors que je m'apprête à installer, lundi prochain, au Mans, le Conseil national de la refondation (CNR) de la santé. Que les choses soient claires : cette instance ne s'oppose pas à la démocratie parlementaire, elle en est complémentaire.

En matière de santé, le diagnostic est très souvent connu ; il a été établi par divers acteurs, notamment parlementaires. Je souhaite donc que les travaux que nous lancerons dans l'ensemble du territoire permettent aux citoyens, aux acteurs de santé et aux élus de dialoguer pour trouver des solutions de court et de moyen terme. Toute personne, indépendamment de son lieu d'habitation, de sa vulnérabilité ou de son revenu, doit pouvoir accéder à la santé dans de bonnes conditions.

En tant que soignant, je sais l'importance du sens dans nos métiers. Si j'aborde nos débats sans tabou, je souhaite que l'éthique et le principe de responsabilité collective guident nos réflexions.

La reconquête du temps soignant, le partage des tâches et des responsabilités entre professionnels – je sais que vous y êtes très attentive, madame la rapporteure générale – et la permanence des soins – je sais aussi que c'est un enjeu fondamental pour beaucoup d'entre vous – sont autant de sujets qui seront débattus au sein du CNR relatif à la santé. Le PLFSS a donc vocation à être enrichi par les propositions issues de cette instance et des parlementaires. Il vient par ailleurs compléter les négociations conventionnelles engagées avec les professionnels de santé ainsi que les initiatives territoriales auxquelles je suis très attaché.

Ce PLFSS est avant tout un texte d'investissement et d'engagement pour la santé des Françaises et des Français. Pour ce faire, nous devons passer à la vitesse supérieure en matière de prévention. Alors que nous savons à quel point les gains d'une politique ambitieuse dans ce domaine sont considérables, la France est très en retard par rapport à la moyenne de ses voisins européens. C'est pourquoi nous proposons d'instaurer des rendez-vous de prévention, qui prendront la forme de bilans de santé aux âges clés de la vie, pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Je souhaite que chacun puisse y avoir accès, en particulier les publics les plus éloignés des soins. Je veux donc que nous consacrions toute notre énergie à l'« aller vers », comme nous avons commencé à le faire pendant la crise. Nous proposons aussi d'élargir la prescription de vaccins aux pharmaciens, sages-femmes et infirmiers pour capitaliser sur les engagements de ces professionnels pendant la crise et démocratiser l'accès à la vaccination.

L'amélioration de la santé sexuelle des jeunes et de la santé des femmes compte aussi parmi nos priorités. Je propose donc la création, pour les moins de 26 ans, d'un droit au dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) autres que le VIH sans ordonnance et pris en charge à 100 %. Le texte prévoit également la délivrance gratuite de la contraception d'urgence à toutes les femmes, quel que soit leur âge ; à l'heure où l'interruption volontaire de grossesse est menacée dans le monde, c'est une avancée forte que nous assumons.

Enfin, nous poursuivons la lutte contre le tabagisme, qui est l'une des premières causes de décès évitables en France.

Investir dans la santé de nos concitoyens, cela suppose également que chacun d'entre eux y ait accès. Fidèle à mon souhait d'instaurer une culture de l'évaluation, je prendrai le temps de discuter, avec vous, du bilan des mesures adoptées cet été. Le principe est simple : si une mesure a fait ses preuves, je souhaite qu'elle soit pérennisée.

Conformément aux engagements du Président de la République, ce PLFSS prévoit la création d'une quatrième année de médecine générale pour améliorer la formation des jeunes médecins et faciliter leur installation ultérieure. Avec ma collègue Sylvie Retailleau, nous avons confié à quatre professionnels de terrain reconnus la mission de conduire la concertation que requiert un tel engagement. Je ne doute pas que les débats seront riches à ce sujet, mais je souhaite que cette quatrième année soit consacrée à la pratique ambulatoire, auprès de maîtres de stage universitaires, en priorité dans les zones où la démographie médicale est sous-dense.

Parallèlement, nous souhaitons donner plus de lisibilité à notre politique d'installation afin d'en augmenter la portée. Nous entendons simplifier le système des aides à l'installation, devenu illisible, mais aussi créer, en lien avec les élus locaux, des guichets uniques qui permettront aux professionnels d'être mieux accompagnés dans leur installation en ayant désormais un seul interlocuteur pour toutes les aides. Le Conseil d'État a choisi de ne pas retenir ces dispositions dans le PLFSS, estimant qu'elles n'étaient pas d'ordre législatif, mais je sais qu'elles ne manqueront pas d'animer les débats.

Permettre aux Français de se soigner, c'est aussi donner aux hôpitaux les moyens de fonctionner. Ce PLFSS protège nos hôpitaux. Contrairement à ce qui a pu se faire, nous ne demanderons aucune mesure d'économie à l'hôpital afin de laisser à ce dernier le temps de se restructurer et de lui donner les moyens d'affronter le choc financier qu'il subit.

Dans un esprit de responsabilité, nous devons travailler à l'efficacité de nos dépenses. Mon collègue Gabriel Attal vous expliquera certainement que la préservation de nos comptes sociaux permettra d'assurer l'avenir de la couverture sociale, de continuer à investir et à adapter le service aux besoins de nos concitoyens. Aussi ce budget de la sécurité sociale comprend-il des mesures justes et proportionnées visant à préserver la soutenabilité de notre système social. Nous allons demander un effort de responsabilité au secteur de la radiologie, en renforçant la transparence et l'information sur le coût de ses équipements matériels, et à celui de la biologie, en entamant avec lui une négociation parallèlement à l'engagement d'une mission pour mieux préparer son avenir.

Nous travaillerons également avec les complémentaires santé, qui ont leur place dans notre système de santé et avec lesquelles nous partageons des ambitions fortes, par exemple en matière de prévention. Nous devons travailler ensemble pour assurer leur participation accrue à l'effort collectif, alors que la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie obligatoire n'a cessé de progresser ces dernières années.

Enfin, nous accroîtrons nos efforts dans la lutte contre tous les types d'abus et de fraude, par exemple en ne prenant plus en charge les arrêts de travail prescrits abusivement par téléconsultation, ou encore en donnant de nouveaux pouvoirs aux directeurs des caisses primaires d'assurance maladie. Ces efforts sont indépassables si nous voulons maintenir la confiance de nos concitoyens dans notre sécurité sociale.

Nous prévoyons un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) dynamique au service de la santé de nos concitoyens. Il ne s'agit pas que d'un chiffre ; ce n'est jamais que la traduction de choix politiques que nous assumons. Ces deux dernières années, nous avons fait le choix d'un investissement courageux afin de préserver tant l'activité de notre pays que la santé de nos concitoyens. Je pense notamment au soutien financier massif mis en œuvre pour répondre à la crise sanitaire, aux investissements durables du Ségur de la santé et au soutien face à l'inflation apporté aux établissements de santé et médico-sociaux. Avec ce PLFSS, nous continuons dans cette voie exigeante mais nécessaire. Ainsi, pour 2023, l'ONDAM est proposé à un niveau élevé, en progression de 3,7 % hors dépenses liées à la crise du covid. C'est un effort important que nous sommes prêts à faire en faveur de la santé des Français, en ville comme à l'hôpital. L'ONDAM hospitalier s'établit à + 4,1 %, ce qui correspond à un investissement de plus de 100 milliards d'euros dans les établissements de santé.

Si nous investissons résolument dans l'hôpital, nous renouvelons aussi nos exigences en matière d'éthique afin de remettre cette dernière au cœur de notre système de santé. Cela doit notamment passer par un encadrement plus exigeant de l'intérim, dont les rémunérations et les conditions d'exercice sont devenues inacceptables.

Continuer d'investir tout en maîtrisant nos finances sociales : le défi est grand, mais j'assume ce double objectif. Comme l'a dit le Président de la République, notre effort ne se traduira pas par des coupes budgétaires réalisées sur le dos de la santé de nos concitoyens, mais par un investissement durable dans nos priorités de long terme, la prévention, la qualité et la pertinence de notre système de santé. Ce PLFSS, qui est une première réponse aux besoins de nos concitoyens et de nos soignants, fait résolument le pari de la refondation de notre système de santé.

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