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Intervention de Jean-Christophe Combe

Réunion du mardi 20 septembre 2022 à 17h00
Commission des affaires sociales

Jean-Christophe Combe, ministre :

Merci beaucoup pour ces nombreuses questions, qui permettent d'éclairer une feuille de route large et chargée – signe de la volonté du Gouvernement d'investir fortement ces sujets.

La lutte contre la pauvreté, tout d'abord, est un sujet sérieux, auquel il faut répondre sérieusement. Je n'ai pas l'impression que ce soit la majorité qui oppose les publics. Ce n'est pas, en tout cas, de notre côté qu'il y a eu un débat entre allocations et travail. J'ai, au contraire, montré dans mon introduction qu'il fallait lier ces sujets, et non pas les opposer. Je me suis engagé onze ans à la Croix-Rouge avant de devenir ministre et je pense que l'indignité consiste à laisser des gens sans accompagnement en considérant qu'il suffit de leur donner une allocation sans faire en sorte que ces personnes retrouvent l'autonomie qui leur apportera demain la dignité. Je suis convaincu que la première des dignités que nous apportons aux gens que nous accompagnons, c'est l'activité, le travail, et je suis donc tout à fait opposé à votre vision des choses. Je serai d'ailleurs à Marseille jeudi et vendredi pour aller à la rencontre des acteurs de la solidarité.

En outre, je ne suis pas non plus d'accord avec vous sur l'analyse de la situation. Le gouvernement et la majorité précédents ont pris toutes les mesures nécessaires pour que la pauvreté n'explose pas pendant la période de crise que nous avons vécue. Je ne sais pas d'où proviennent vos chiffres. Le nombre de bénéficiaires du RSA a diminué, le chômage a baissé et aucune étude ne montre que la pauvreté a explosé. La situation de certaines familles qui sont bien identifiées s'est dégradée ; nous travaillons sur ce point avec les acteurs de la solidarité. Si la pauvreté n'a pas augmenté, elle n'a malheureusement pas diminué. C'est sans doute le plus grand défi auquel il faudra faire face dans les prochaines années. Il convient de mentionner que la pauvreté n'a pas progressé grâce aux mesures d'urgence et à la grande stratégie de lutte contre la pauvreté qui a été mise en place sous la législature précédente, et qui représente un investissement de 8,5 milliards d'euros.

L'une de mes priorités d'ici à la fin de l'année est de travailler à l'élaboration d'une nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté, avec les acteurs de la solidarité : les parlementaires, les associations et les collectivités concernées. J'envisage trois grands axes : continuer à s'investir contre la reproduction de la pauvreté ; lutter contre la grande exclusion – car on n'a pas fait suffisamment ces dernières années pour les grands exclus, tels que les sans-abri et les personnes qui sont très éloignées des dispositifs d'aide de droit commun ; enfin, accompagner dans la transition écologique toutes les familles les plus précaires – transition qui pour certaines d'entre elles a peu de sens au regard de leur situation.

Le projet de solidarité à la source s'inscrit dans cette dynamique. Lutter résolument contre le non-recours aux prestations sociales constitue un investissement, qui ne pourra pas être complètement compensé par la lutte contre la fraude ou par la diminution du coût du recouvrement des indus. Mais je suis néanmoins persuadé qu'un système plus lisible contribuera à rendre nos politiques sociales beaucoup plus efficaces et à donner au travail un caractère plus attractif.

Ce qui m'inquiète actuellement, c'est plutôt de voir le pouvoir d'achat des classes moyennes diminuer en raison de l'inflation et de l'augmentation des dépenses contraintes. Il sera de notre devoir d'accompagner toutes ces familles qui travaillent et qui ont de plus en plus de difficultés à boucler leurs fins de mois.

Plusieurs questions ont porté sur l'attractivité des métiers d'accompagnement du grand âge. C'est une priorité et nous allons poursuivre les travaux qui ont été engagés au cours des dernières années, sans faire de pause. J'ai néanmoins demandé que soit réalisé un état des lieux général. Ce travail interministériel pourrait déboucher sur des mesures concernant de nombreux sujets transversaux, comme par exemple la formation et l'accompagnement des transitions professionnelles.

L'investissement consenti par l'État ces deux dernières années à l'occasion du Ségur de la santé représente 12 milliards d'euros, afin de revaloriser les salaires et d'accompagner la modernisation des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux. Cet effort considérable a été réalisé dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire. Il a été choisi d'abord de revaloriser les professionnels du soin, puis les professionnels de l'accompagnement et du secteur socio-éducatif. Et cela s'arrête là. Pour le reste, il est de la responsabilité des employeurs et des collectivités d'ouvrir des négociations annuelles obligatoires sur les salaires qui se concentrent sur les personnels dont on sait qu'ils sont utiles. Nous maintiendrons ce choix et ne pas leur accorder 183 euros n'équivaut pas à déprécier le rôle joué par ces personnels extrêmement importants. La loi prévoit des dispositifs permettant aux opérateurs de leur accorder des primes. En outre, des réponses de plus long terme vont être apportées. Je crois profondément à la création d'un cadre conventionnel unique pour l'ensemble des activités sanitaires, sociales et médico-sociales privées à but non lucratif. Cela permettrait de revoir l'ensemble de la grille des salaires des professionnels qui travaillent dans ces établissements et apporterait des réponses structurelles à long terme.

Alors que nous sommes sortis de la phase la plus aiguë de la crise sanitaire, il appartient à chacun – départements, collectivités et employeurs – de reprendre sa juste place et d'exercer ses responsabilités. On ne doit pas se tourner vers l'État à chaque fois qu'il y a une difficulté dans un établissement. L'Assemblée des départements de France a été reçue par la Première ministre la semaine dernière et les discussions entre l'État et les départements vont reprendre dans un cadre rénové. Je réunirai d'ici au début d'octobre le comité des financeurs qui avait été promis dans le cadre de la conférence des métiers de l'accompagnement social et du médico-social, le 18 février dernier. Nous allons faire les comptes et voir si chacun a effectivement respecté ses engagements. J'ai cru comprendre qu'il y avait peu de situations négatives s'agissant des ARS – s'il y en a, nous y remédierons. La situation est plus contrastée en ce qui concerne les départements : 10 % d'entre eux n'ont pas augmenté les salaires des personnels socio-éducatifs. Nous allons aussi faire les comptes avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) au sujet de la compensation de l'avenant n° 43-2020 relatif à la classification des emplois et au système de rémunération, qui concerne les personnels intervenant à domicile – là encore pour s'assurer que chacun a rempli ses obligations. Je vais inviter chacun à continuer à mener une politique salariale dynamique vis-à-vis de l'ensemble des personnels dans les années qui viennent.

Nous essaierons autant que faire se peut de mettre en place des dispositifs à cet effet dans le cadre du PLFSS. L'an dernier, la fixation d'un tarif plancher national pour les services d'aide à domicile a été une bonne chose, qui a contribué à rendre solvables les opérateurs et a amélioré les conditions de travail des salariés. On peut imaginer d'autres mesures, comme par exemple l'accroissement des plans d'aide. Il a ainsi été annoncé les fameuses deux heures pour une meilleure convivialité. Nous en discuterons, mais c'est de nature à améliorer l'accompagnement des personnes à domicile, tout en permettant une réorganisation du temps de travail qui rende le métier beaucoup plus attractif. Il y aura donc des mesures d'urgence, et je compte sur vous pour soutenir celles qui figureront dans le PLFSS.

S'agissant du long terme, des discussions sont organisées dans le cadre du Conseil national de la refondation. Il ne s'agit pas de réinventer la roue ; beaucoup a déjà été fait : vous avez énormément travaillé et rédigé de nombreux rapports. L'objectif est de hiérarchiser et de planifier la mise en œuvre de l'ensemble des mesures destinées à accompagner la transformation de la société dans son ensemble et de l'offre médico-sociale en particulier. Si au terme de ce processus on conclut qu'une loi sur le bien vieillir est nécessaire, eh bien il y en aura une ! Il n'y a pas de tabou sur ce point.

J'ai bien entendu les remarques sur la situation particulière de La Réunion. La transition démographique a une signification particulière dans l'ensemble des territoires ultramarins, en raison du faible taux d'équipements médico-sociaux et d'un vieillissement accéléré de la population. Cela nécessite une attention et un investissement particuliers. Nous y travaillons d'ores et déjà, avec le ministre délégué chargé des outre-mer.

Les maltraitances des personnes âgées constituent un sujet extrêmement sérieux, qu'il ne faut pas occulter. Il ne s'agit pas de stigmatiser les établissements ou les professionnels mais, au contraire, de leur fournir les moyens de répondre à ces situations. Un certain nombre de plaintes et de signalements n'est pas forcément suivi d'effets. Nous allons analyser objectivement ces cas et inviter chacun à considérer avec sérieux les faits qui sont signalés par l'intermédiaire du numéro national 3977 – qui fonctionne bien, avec une multiplication par trois des plaintes concernant les EHPAD depuis le début de l'année –, par le biais des ARS ou directement au ministère – où une équipe est chargée d'examiner ces faits. Nous allons travailler pour continuer à améliorer le système. Je tiens à ce qu'on porte un regard positif et que l'on ne stigmatise pas les établissements et les professionnels qui font un travail formidable, sans doute difficile et dans des conditions ne le sont pas moins.

Notre société ne traite pas bien l'ensemble des personnes vulnérables. Mon rôle est de lui faire changer son regard, qu'il s'agisse des enfants, des personnes handicapées, des personnes âgées et de tous les précaires. Ce sujet doit être abordé avec l'ensemble de nos concitoyens.

J'ai pris bonne note de la question portant sur le reste à charge lors du recours à des ambulances bariatriques. Je vais étudier ce point. Il y a sans doute une bonne raison pour laquelle mes prédécesseurs n'ont pas pu y apporter une réponse. Je vais essayer de faire mieux.

Je vous invite à soutenir les mesures qui concernent la VAE dans le projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, que vous discuterez très prochainement. La VAE des aidants constitue une grande avancée. C'est la reconnaissance du savoir-faire qu'ils ont acquis en aidant des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées. Je suis prêt à examiner une éventuelle extension du dispositif de VAE au profit des faisant fonction dans les EHPAD. Cela passe par une évolution du cadre d'emploi lié au mode de financement. Il s'agit d'un sujet sensible, qui est au cœur des discussions en cours entre la CNSA et le groupe Orpea.

Avec ma collègue Carole Grandjean, nous avons bien conscience que le système de VAE est extrêmement complexe, avec un délai de dix-huit mois pour monter un dossier et des jurys qui ne se réunissent presque jamais. Nous allons essayer de lever tous ces freins, afin d'augmenter le nombre de VAE. S'il n'y en a qu'un peu plus de 30 000 par an, soit moins qu'il y a dix ans, c'est bien qu'il y a un problème.

La société inclusive est une priorité. Il faut voir d'où l'on est parti il y a cinq ans et où nous en sommes aujourd'hui. La Première ministre a annoncé qu'il y aurait un acte II de l'école inclusive dans le cadre de la conférence nationale du handicap. Nous allons examiner la pertinence de notre modèle au regard de la situation de chacun des enfants. Nous allons voir comment améliorer les conditions de travail des AESH ainsi que la situation des personnes polyhandicapées ou atteintes de troubles du neurodéveloppement. À ce propos, la stratégie nationale de l'autisme sera revue d'ici à la fin de l'année 2022. Cela constituera l'occasion de procéder à son évaluation et éventuellement de l'élargir. Je suis pour ma part favorable à ce qu'on aborde la question des troubles du neurodéveloppement de manière ample, et pas seulement au travers des troubles du spectre de l'autisme.

Un investissement de 90 millions d'euros a été consacré entre 2020 et 2022 au plan de prévention des départs non souhaités en Belgique, afin d'apporter 2 500 solutions d'hébergement pour des personnes handicapées dans les trois régions les plus concernées – 1 600 en Île-de-France, 630 dans les Hauts-de-France et 270 dans le Grand Est. Ces départs sont encore nombreux, avec 8 500 personnes prises en charge par le secteur médico-social wallon, ce qui représente un accompagnement considérable de 400 à 500 millions d'euros par an. La diversification de l'offre de solutions sera poursuivie, avec notamment la création des unités résidentielles pour adultes autistes à profil très complexe, dont la première a vu le jour dans le Var en février 2022.

J'ai pris bonne note de la remarque sur la situation de l'hôpital San Salvadour et nous allons l'étudier. Pour avoir dirigé un opérateur qui a eu à transformer des établissements, je suis assez étonné qu'une offre d'accueil de substitution n'ait pas été prévue. C'est normalement prévu avec les ARS et les départements, et nous y veillerons.

Douze nouvelles unités d'enseignement pour élèves polyhandicapés ont été créées lors de la rentrée scolaire de 2022. Le déploiement d'habitats inclusifs et l'aide à la vie partagée seront développés beaucoup plus fortement, tout comme les accompagnements hors les murs.

Plus généralement, si l'on veut créer une société réellement inclusive l'objectif doit être de sortir du médico-social en investissant fortement dans les solutions alternatives et les accompagnements nécessaires, notamment avec l'éducation nationale pour ce qui concerne les enfants.

Les DAC constituent une grande avancée. Même si certains territoires sont encore récalcitrants, ces DAC se sont substitués aux autres dispositifs de coordination, tels que les CLIC et les MAIA. Nous allons travailler avec le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, sur leur articulation avec le service public territorial de l'autonomie, qui visera à mieux coordonner l'ensemble des différents acteurs de l'autonomie, à la suite du rapport de Dominique Libault sur la concertation grand âge et autonomie. Il faut discuter pour voir si ce service public territorial de l'autonomie peut être mis en place rapidement, avec un chef de file qui pourrait être le département. Il demeure une interrogation sur la manière de mener une politique publique harmonisée sur l'ensemble du territoire dans un cadre très décentralisé. Depuis que je suis ministre, je me rends encore davantage compte des disparités qui existent dans les politiques menées en matière d'autonomie. Il faut donc trouver un système qui garantisse le respect des prérogatives de chacun et une plus grande égalité devant le service public.

Je ne dispose pas à cet instant des réponses à vos questions techniques, madame Peyron, mais je vous assure que nous y répondrons précisément. S'agissant de la petite enfance, mon objectif est de poursuivre ce qui a été mis en place par Adrien Taquet dans le cadre de la politique des 1 000 premiers jours. Elle est essentielle pour l'investissement social, afin de lutter contre la reproduction sociale de la pauvreté et de favoriser l'égalité des chances.

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