Je vous remercie pour ces questions qui montrent la complexité du sujet. Il n'y a pas de solution magique et les réponses doivent être territoriales. Le chômage structurel s'expliquant de manière multifactorielle, il faut penser la lutte contre le chômage avec différents outils, en évitant les raisonnements binaires et les caricatures. Les expérimentations locales sont effectivement riches d'enseignement, à l'instar du dispositif « Ha-Py actifs » que je suis allé me faire présenter dans les Hautes-Pyrénées.
Notre système d'assurance chômage est très protecteur, toutes les comparaisons européennes le montrent, qu'il s'agisse des conditions d'affiliation, de la durée d'indemnisation ou du taux de remplacement. Comme je l'ai dit, nous ne voulons pas ouvrir le débat du niveau d'indemnisation ; il varie de 57 à 75 %, ce qui est conforme aux moyennes continentales.
Le Gouvernement a répondu présent pendant la crise du covid, versant 1,2 milliard d'euros d'indemnités aux permittents, des centaines de millions d'euros aux intermittents et 2,9 milliards aux 800 000 demandeurs d'emploi arrivant en fin de droits alors qu'il n'y avait pas de possibilité de reprise d'activité économique. En mettant en œuvre ce modèle contracyclique, nous avons démontré notre capacité à agir en période de difficulté.
Lorsque s'ouvrira le débat sur le projet de loi sur le plein emploi, les propositions du Gouvernement seront connues des parlementaires et des partenaires sociaux. Nous devons travailler sur les indicateurs. Contrairement à Mme Panosyan-Bouvet, je ne suis pas convaincu que le taux de chômage soit le meilleur car il peut varier rapidement et ne présume pas du type d'emploi. Je crois davantage – c'est une réflexion et non une piste formelle – au ratio entre le nombre d'emplois disponibles et celui des demandeurs d'emploi, ou encore à la mesure des tensions de recrutement. Le dispositif que proposera ce texte sera transitoire. Il durera le temps d'aller vers France Travail, l'objectif étant de lever les freins périphériques à l'emploi.
Monsieur Marchio, après une hausse considérable pendant la crise sanitaire, le nombre de contrats aidés – contrats initiative emploi (CIE) et parcours emploi compétences (PEC) – atteindra 130 000 en 2022. Nous avons ajouté 5 500 CIE et 10 000 PEC, dont 1 330 fléchés vers la région des Hauts-de-France, soit plus que ne le voudrait son poids démographique, pour tenir compte de ses besoins spécifiques. L'année prochaine, nous continuerons à financer des contrats aidés mais nous reviendrons progressivement au niveau d'avant la crise, c'est-à-dire à celui de 2019, où le dispositif fonctionnait bien. Votre question ouvre aussi un débat plus large concernant l'utilisation des contrats aidés pour financer des postes dans les collectivités locales et dans les associations, avec un transfert de charge de l'usager vers le contribuable au titre de la solidarité nationale. Ce sujet mérite réflexion.
Concernant la VAE, notre objectif est la simplification et l'accélération du dispositif, en particulier en accroissant les capacités à réunir des jurys. Mme Corneloup souhaite des périodes de VAE plus courtes : nous y travaillons avec la « VAE inversée » dans le cadre du processus de transition collective. Il s'agit de mettre des hommes et des femmes qui ont déjà des acquis en situation professionnelle, avec un encadrement et une formation continue leur permettant, en quelques mois, de valider leur expérience et d'obtenir un titre. La simplification de la VAE poursuit un objectif à la fois quantitatif, celui d'augmenter le nombre de parcours professionnels validés, mais aussi qualitatif, car elle doit systématiquement déboucher sur une certification ou un titre.
Concernant la territorialisation, nous n'avons pas arrêté notre position concernant la régionalisation ou la départementalisation de l'assurance chômage. En revanche, toutes les politiques de formation, d'insertion et d'accompagnement vers l'emploi doivent tenir compte des particularités territoriales, de même que l'organisation de France Travail. C'est pourquoi, dans le cadre de la mission de préfiguration confiée à Thibaut Guilluy, nous rencontrerons l'Assemblée des départements de France pour les questions d'insertion et Régions de France sur le sujet de la formation.
S'agissant du travail des seniors, les leviers à utiliser sont nombreux. Il y a la retraite progressive car il n'y en a que 23 000 aujourd'hui. Il y a le cumul emploi-retraite avec la possibilité que cela soit contributif, comme l'avaient proposé Didier Martin et Stéphane Viry. Il y a la prévention, la dernière loi relative à la santé au travail instaurant dans ce but une visite médicale à mi-carrière, autour de 45 ans. Et il y a la mobilisation des entreprises sans lesquelles nous ne pourrons pas réussir le pari du maintien dans l'emploi des seniors.
La valorisation des métiers est un chantier important. Les collégiens et lycéens doivent découvrir différentes entreprises et métiers pendant leur parcours afin de choisir en connaissance de cause. Cela passe par la modernisation de la voie professionnelle, qui vous sera présentée lorsque les concertations auront suffisamment avancé.
La réflexion sur les CDD, les CDI et les abandons de poste doit être menée, même si elle soulève des questions de méthode. Cela renvoie aux assises du travail évoquées un peu plus tôt.
S'agissant des transports, nous avons réuni la filière, il y a quelques semaines, avec Pap Ndiaye et Clément Beaune. Les responsables des unions de transporteurs et des fédérations travaillent en interne à des revalorisations salariales. De notre côté nous cherchons à faciliter l'obtention des documents nécessaires à l'exercice de la profession – permis de conduire spécifique, tachygraphe et carte professionnelle – car les délais peuvent être longs et préjudiciables aux entreprises qui recrutent. Nous constituons aussi des viviers pour repérer, parmi les demandeurs d'emploi inscrits, ceux qui ont des compétences proches du secteur et qui, grâce à une formation et s'ils sont intéressés, pourraient choisir ces métiers. Nous examinons également la possibilité d'autoriser le cumul d'activités publiques et privées pour les transporteurs scolaires à temps partiel puisque, par définition, les transports scolaires ne fonctionnent que matin et soir. Cela devrait faciliter le recrutement des collectivités territoriales. C'est un chantier d'ampleur et nous avons arrêté un plan comportant une trentaine d'actions, qui fédère les différents acteurs.
Madame Thevenot, la question des inégalités salariales et de retraite entre femmes et hommes est une priorité absolue. Il faut la prendre du côté des freins périphériques et du côté des inégalités salariales. La mise en œuvre de l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que de l'ensemble des dispositifs de lutte contre les inégalités me tient particulièrement à cœur.
Mme Berete a évoqué la question d'une formation spécifique des demandeurs d'emploi en fonction de leur niveau de qualification. Le taux de chômage recouvre en effet des réalités différentes : il est de 5,3 % pour les bac+2, de 8,5 % pour les bacheliers ou les diplômés de l'enseignement secondaire et de 14 % pour les non diplômés. Cela démontre l'importance de la formation tout au long de la vie. Depuis octobre 2021, nous y avons consacré 1,4 milliard d'euros, permettant d'accompagner vers l'emploi 250 000 chômeurs de longue durée tout en apportant des solutions à des secteurs en tension.
Concernant l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, même si nous ne disposons pas encore d'une évaluation complète, le dispositif fonctionne bien et il continue de se développer, une dizaine de nouveaux territoires l'ayant adopté depuis la fin mai. Nous veillons à ce que les moyens budgétaires alloués progressent en conséquence.
Mme Parmentier-Lecocq a évoqué l'attractivité de la reprise d'activité. Le service public de l'emploi a élaboré Estime, un simulateur qui permet de savoir le montant des aides qu'on percevra en cas de reprise d'activité. Aujourd'hui, toute reprise d'emploi permet de gagner plus que lorsque l'on est bénéficiaire de minima sociaux ou d'allocations. Il y a toutefois une difficulté : il arrive qu'il y ait une perte dans les deux ou trois premiers mois d'activité, avant que les gains ne deviennent significatifs. Nous devons y travailler.
Les questions de santé mentale, évoquées par M. Bentz, sont une priorité. Longtemps elles n'ont pas été traitées, parce qu'invisibles. Mais le recours au télétravail, massif pendant le confinement et qui reste à un niveau élevé, oblige à en tenir compte.
L'attractivité des postes de médecin du travail est un sujet sur lequel je ne vois pas de réponse à court terme. C'est un enjeu pour nous. La question renvoie à l'organisation des systèmes de santé au travail et à des mutualisations. La loi « santé au travail », toute récente puisque promulguée en 2021, traite le sujet. Je veille de manière rigoureuse à ce que les décrets d'application soient publiés en temps et en heure. Par ailleurs, de leur propre initiative, les partenaires sociaux travaillent à l'évolution de la filière accidents du travail et maladies professionnelles en prenant en considération la question de la santé mentale, ce qui n'était pas forcément une évidence il y a quelques années.
La revalorisation des retraites, évoquée par Mme Vidal, est intervenue le 9 septembre pour les pensions de retraite de base du régime général à hauteur de 4 %, avec effet rétroactif au 1er juillet. Elle s'appliquera également aux retraites des autres régimes. La revalorisation concerne les retraites liquidées comme celles à venir : les futurs retraités qui n'ont pas encore liquidé leur pension en bénéficieront de facto. Quant aux retraites complémentaires, la revalorisation de la principale d'entre elles, AGIRC-ARRCO, devrait intervenir au mois de novembre ; son taux est à la main des partenaires sociaux.
Pour répondre à M. Le Gac sur les migrants, le programme AGIR vise à les accompagner vers l'emploi et l'autonomie dès lors qu'ils ont le statut de réfugié politique. Nous avons augmenté les crédits de ce programme pour faire face aux besoins des ressortissants ukrainiens, qui n'ont pas le statut de réfugié mais celui de protégé temporaire. Il permet de favoriser l'insertion professionnelle tout en répondant aux besoins de secteurs en tension. De plus, l'Office français de l'immigration et de l'intégration et Pôle emploi travaillent à la conception d'une application numérique destinée aux primo-arrivants qui, une fois leur titre de séjour obtenu, pourront suivre des formations en adéquation avec leurs compétences et les besoins recensés. Concernant l'immigration économique, la conclusion d'un contrat de travail avec un ressortissant étranger non communautaire n'est pas soumise à un accord préalable de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités pour les métiers figurant sur la liste des métiers en tension. Cette liste nécessite une révision, à laquelle nous allons nous atteler avec le ministre de l'intérieur.
S'agissant des proches aidants, ils constituent une cible potentielle de 8 millions de personnes qui pourraient être concernées par un parcours de VAE. Cela ne signifie évidemment pas que toutes ces personnes vont s'inscrire dans cette logique. Mais c'est dire l'importance des réponses que nous pouvons apporter.
Monsieur Bazin, concernant les allocations familiales, plutôt que de revenir sur les modulations en fonction du revenu adoptées il y a quelques années, il me semble plus judicieux de consacrer des moyens au développement de la garde d'enfant afin de lever les freins périphériques à l'emploi.
Pour conclure, je rappelle que nous sommes, sur tous ces sujets, à l'écoute de vos propositions d'amélioration.