Sommes-nous encore aujourd'hui capables de rivaliser et d'assumer de produire ? Essayons de répondre à cette question.
La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales du projet de loi de finances pour l'année 2024 est bien plus qu'une simple formalité budgétaire : elle est un baromètre de notre engagement envers les agriculteurs. Nous ne pouvons nous permettre de sous-estimer son importance. La crise énergétique récente, exacerbée par la guerre en Ukraine, a mis en lumière la vulnérabilité du secteur agroalimentaire, en raison de sa dépendance à l'énergie et des coûts élevés qui en découlent. Néanmoins, les augmentations prévues dans ce budget ne sont qu'un pansement temporaire sur une blessure béante. Ce que nous exigeons, c'est une vision stratégique audacieuse et de long terme, afin de garantir la résilience et la pérennité de l'agriculture française.
Comme en commission, les élus du groupe Les Républicains expriment leur inquiétude face au projet d'augmentation des redevances, qui alourdira de 47 millions d'euros les charges des agriculteurs, dont 37 millions au titre de la redevance pour pollutions diffuses, en hausse de 24 %, contre 15 % pour la redevance pour le prélèvement sur la ressource en eau. Cet effort colossal s'ajoute à ceux déjà fournis par la profession, qui perçoit cette mesure comme une pénalisation incompréhensible, en contradiction avec l'engagement du Gouvernement de ne pas augmenter les impôts cette année.
Dans un contexte d'inflation préjudiciable à la rémunération des éleveurs, le secteur de l'élevage bovin français fait face à des défis structurels importants. Son avenir est sérieusement compromis, les nombreux éleveurs approchant de la retraite peinant à trouver des successeurs. Cette situation précaire, non contente de menacer l'avenir de cette filière vitale, a également des répercussions dramatiques sur notre balance commerciale. Il est regrettable que le projet de loi de finances ne manifeste aucune intention d'instaurer des mesures fiscales spécifiques pour soutenir l'élevage bovin. Une intervention rapide est pourtant nécessaire pour préserver notre souveraineté alimentaire et lutter contre la décapitalisation des cheptels.
Nous nous étonnons aussi de l'absence de mesures fiscales en faveur de la transmission et de l'installation, deux éléments cruciaux qui garantissent le renouvellement des générations. Je sais que la loi d'orientation et d'avenir agricoles – promise pour l'été, puis pour l'automne, puis pour décembre, puis pour un jour, peut-être – abordera cet enjeu, mais ce budget n'est-il pas censé en poser les bases ? Devrons-nous plutôt attendre une loi de finances rectificative, ou même le PLF pour 2025 ? Il est impératif de créer un environnement fiscal favorable à la transmission intergénérationnelle, afin d'encourager les jeunes agriculteurs à reprendre le flambeau : la fiscalité, plutôt qu'une entrave, doit devenir un levier d'action. C'est l'objet de la proposition consistant à rehausser de 250 000 euros à 350 000 euros de chiffre d'affaires le seuil d'exonération d'imposition des plus-values agricoles dans le cadre d'une cession.
Le Gouvernement peut se targuer de l'augmentation des crédits alloués à la mission, mais il doit surtout adopter une vision de long terme pour le secteur agricole, au-delà des seules injections de fonds. Nous avons besoin de réformes structurelles courageuses, qui garantiront la prospérité et la pérennité de notre agriculture. Les producteurs sont confrontés à une concurrence déloyale et à la pression sur le foncier. Ils subissent des charges et des contraintes toujours plus fortes. La réalité est dure : moins d'un agriculteur sur dix se déclare optimiste quant à l'avenir de son exploitation.