Concilier résilience climatique et souveraineté alimentaire, tel est l'objectif affiché pour les crédits 2024 de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" . Nous pourrions l'approuver tant les bouleversements climatiques affectent en profondeur notre filière agricole, mais ce budget est-il réellement à la hauteur d'un tel objectif ? Oui, si l'on prend en considération la hausse de 1 milliard d'euros des crédits de paiement, qui permettra de poursuivre la réforme de l'assurance récolte. Nous saluons également les 800 millions d'euros destinés à la planification écologique – poursuite du déploiement de la stratégie nationale pour le développement des protéines végétales et pacte en faveur de la haie.
Mais ce budget pèche toujours par les signaux contradictoires qu'il envoie, par des mesures hétérogènes et parfois brutales et par l'absence de soutien aux pratiques agricoles les plus vertueuses. Fallait-il y inscrire des mesures coercitives sans accompagnement ni progressivité, qui affecteront le quotidien d'agriculteurs déjà à la peine pour vivre de leur travail ? La hausse des redevances pour prélèvement sur la ressource en eau et pour pollution diffuse, ainsi que la réduction de l'avantage fiscal sur le GNR, mettront encore plus à mal des trésoreries bien abîmées. Et lorsque nous avons proposé d'au moins flécher la fiscalité du GNR vers l'acquisition de matériels vertueux écologiquement, vous l'avez refusé.
Vous mettez en avant le rehaussement des seuils de recettes permettant de bénéficier d'une exonération totale des plus-values professionnelles agricoles de cession, mais la compensation ne concernera que les plus grandes exploitations : les jeunes agriculteurs qui viennent de s'installer y auront encore moins accès. Vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre.
Deux points nous inquiètent particulièrement. Je pense tout d'abord à l'absence de soutien spécifique accordé à la filière bio. Le Gers est le premier département français s'agissant à la fois du nombre d'exploitations et de la surface occupée par l'agriculture bio. Il occupe le premier rang national s'agissant de plusieurs productions comme l'ail, le tournesol, le soja, le lin, le pois chiche, les lentilles et le sarrasin. Il est donc tout particulièrement exposé à la crise que vit le secteur bio depuis deux ans. La baisse de la consommation est causée par une image prix erronée de la part du consommateur, victime d'un pouvoir d'achat en berne ; mais ce qui explique qu'elle perdure, c'est surtout le manque de moyens consacrés à la filière par les pouvoirs publics.
En 2021, la Cour des comptes dénonçait déjà le fait que la politique de soutien à l'agriculture biologique n'était pas à la hauteur, et nous déplorons que le conventionnel touche toujours plus d'aides que le bio. Le fonds Avenir bio, doté de 18 millions d'euros, reste insuffisant, comme l'était déjà l'enveloppe d'urgence de 60 millions d'euros débloquée en mai dernier, bien en deçà des 151 millions d'euros nécessaires rien qu'en 2022, selon l'estimation fournie par la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab). À titre d'exemple, cette aide d'urgence ne concernera que 150 exploitations dans le Gers.
Nous proposons donc un fonds de soutien pérenne de 60 millions d'euros et une aide d'urgence à l'ensemble des restaurants collectifs publics et privés, pour qu'ils puissent continuer à proposer une offre de produits biologiques. Des amendements transpartisans – cosignés par plusieurs d'entre nous – sur l'écorégime bio, les Maec et le soutien à la communication de la filière seront également versés au débat.
Le deuxième sujet d'inquiétude concerne le manque d'appréciation du besoin d'accompagnement, alors que les crises sanitaires et environnementales vont en se multipliant. Peu de territoires sont épargnés par des phénomènes tels que la sécheresse, les épisodes orageux, les catastrophes naturelles, les gelées tardives et les maladies anciennes ou nouvelles. Je pense notamment aux vagues successives de grippe aviaire et de mildiou qui ont largement affecté mon département du Gers. Plus récemment, c'est une préoccupante vague de maladie hémorragique épizootique (MHE) qui touche les élevages du Sud-Ouest : son ampleur et son intensité surprennent. Il est urgent de se doter d'outils pour s'en prémunir, en adoptant l'approche One Health : la protection de la santé de l'homme passe par celle de l'animal et par les interactions avec l'environnement.
Là encore, notre groupe a fait des propositions précises et mesurées, comme la mensualisation des aides. Jusqu'à maintenant, rien n'a trouvé grâce à vos yeux, et tous nos amendements ont été rejetés en commission. Peut-être le « fonds Mildiou » fera-t-il exception ? Nous l'espérons, sachant qu'après le rejet de notre amendement en commission des affaires économiques, il aura fallu attendre l'examen en commission des finances pour que votre majorité se saisisse de la question. Nous souhaitons que la création d'un tel fonds soit confirmée en séance pour envoyer un signe positif aux viticulteurs.
L'accompagnement de nos agriculteurs ne peut pas être une option des politiques publiques : c'est une nécessité, gage de notre souveraineté alimentaire de demain. Ce n'est pas le cas dans le présent texte, qui n'apportera hélas qu'une inflexion minime à la situation de nos agriculteurs.