Si l'agriculture fait partie intégrante de notre histoire et de notre patrimoine, nos agriculteurs, ces femmes et ces hommes qui travaillent la terre ou pratiquent l'élevage de génération en génération, doivent aujourd'hui faire face à d'importantes mutations climatiques, sociétales, environnementales, économiques et technologiques. C'est en s'adaptant que l'agriculture française et les agriculteurs entretiennent le lien avec la nature tout en assurant une alimentation saine, équilibrée et durable à nos concitoyens.
Dans ce contexte, la France, premier pays producteur agricole d'Europe, doit relever des défis importants. En tant que rapporteur pour avis de la mission "Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales" , je tiens à souligner l'augmentation considérable des ressources dédiées à l'agriculture pour 2024. Le budget du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire enregistre ainsi une hausse historique de 17 %, soit 1,3 milliard d'euros supplémentaires.
L'année 2024 sera marquante pour l'engagement de l'agriculture française dans la transition écologique et pour la protection et le renouvellement de nos forêts : ce sera celle d'un grand débat sur l'orientation de la politique agricole ; les questions de la formation, de la recherche et de l'innovation, ainsi que les conditions de l'installation des agriculteurs et de la transmission des exploitations, seront au cœur des discussions. En tant qu'acte fondateur de la construction d'une trajectoire et d'une ambition politique, le budget du ministère de l'agriculture pour 2024 est à la hauteur de ces différents défis.
Je salue la création de l'action 29, Planification écologique, au sein de la mission "Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales" : dotée de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE), cette action financera notamment le pacte en faveur de la haie, le plan Protéines végétales, la réalisation de diagnostics carbone, la création d'un fonds dédié à la souveraineté alimentaire et aux transitions, ainsi que celle d'un fonds de renouvellement forestier.
Enfin, je tiens à souligner l'importance des 250 millions consacrés à la stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, qui doit permettre à notre agriculture de s'adapter progressivement à la limitation de leur usage.
Ce budget ambitieux traduit notre volonté commune de soutenir l'agriculture et d'accompagner le monde agricole face aux transitions en cours. Je donne un avis favorable sur les crédits de la mission.
J'en viens maintenant à la partie thématique de mon rapport, consacrée à la transmission des exploitations agricoles. Parmi les défis que doit relever l'agriculture française, l'un des plus urgents est celui du renouvellement des générations. En effet, au cours des dix prochaines années, un agriculteur sur deux prendra sa retraite. En outre, 45 % d'entre eux cesseront leur activité d'ici à 2026. Il y a donc urgence, d'autant que, d'après le dernier recensement agricole, un tiers des exploitations ne trouvent pas de repreneurs. Quand c'est le cas, 20 % d'entre elles sont reprises par des repreneurs extérieurs à la famille ou au milieu agricole.
Dans ces conditions, la transmission des exploitations doit être une priorité. Lors de la fête agricole Les terres de Jim au mois de janvier, le Président de la République en a d'ailleurs fait un axe majeur du projet de pacte et de loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOAA), qui devrait être présenté en début d'année prochaine.
La problématique se pose en ces termes : nous devons à la fois accélérer le processus de transmission des cédants et faciliter la reprise des exploitations et l'installation des nouveaux exploitants. Pour y répondre, j'ai formulé plusieurs recommandations à la suite des auditions que j'ai menées dans le cadre de l'élaboration de mon rapport pour avis.
Premièrement, nous devons mieux anticiper la transmission, raison pour laquelle je soutiens la création d'un guichet unique pour l'installation et la transmission, qui permettra d'identifier plus tôt les cédants et de les mettre en lien avec des repreneurs potentiels.
Deuxièmement, nous devons réduire la fiscalité applicable à la transmission du foncier agricole. La pression fiscale qui pèse sur nos agriculteurs est l'une des plus fortes d'Europe, particulièrement la fiscalité sur les droits de mutation. Nous avons ainsi le deuxième taux marginal le plus élevé d'Europe pour les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) et le quatrième pour les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Soulager cette fiscalité reviendrait à consentir un investissement fiscal. Il aiderait les agriculteurs à transformer leurs exploitations et à mieux les adapter aux changements climatiques.
Troisièmement, nous devons faciliter le portage du foncier. De manière chronique, celui-ci grève fortement le coût d'une reprise et freine les repreneurs potentiels à l'installation. Il faut trouver un modèle transitoire ; c'est le sens de ma proposition de loi visant à créer un groupement foncier agricole d'investissement.
Si elles étaient adoptées, ces trois propositions du rapport pour avis, en lien avec la future loi d'orientation et d'avenir agricoles, stimuleraient la dynamique de nos recettes fiscales à court et moyen terme tout en libérant l'agriculture. Vous l'avez compris : il y a urgence à agir si nous voulons pérenniser le modèle agricole et ses exploitations familiales afin de préserver notre souveraineté alimentaire et notre indépendance stratégique.