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Intervention de Valérie Metrich-Hecquet

Réunion du mercredi 14 septembre 2022 à 9h00
Commission des affaires économiques

Valérie Metrich-Hecquet :

Je suis très honorée de m'exprimer devant votre commission pour vous présenter ma candidature au poste de directrice générale de l'Office national des forêts et vous exposer ma vision des priorités stratégiques de l'établissement.

Ingénieure du génie rural, des eaux et des forêts, j'ai exercé au sein du ministère de l'agriculture, puis du ministère de l'écologie, en administration centrale, deux fois en cabinet et dans les services déconcentrés de l'État, dans l'Aisne, où j'ai commencé ma carrière, puis dans les Yvelines. Mon parcours s'est construit autour de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques agricoles, forestières et environnementales, au niveau européen et national, et a toujours comporté une forte composante partenariale. Mes fonctions de secrétaire générale et de directrice m'ont également amenée à assumer la responsabilité des ressources humaines, à pratiquer le dialogue social et à conduire des projets de transformation des organisations.

J'ai eu l'occasion de m'investir dans plusieurs dossiers importants pour la forêt et la filière bois. Parmi les principaux, je citerai les plans d'aide au nettoyage et à la reconstitution des forêts à la suite des terribles tempêtes Lothar et Martin, en 1999, et Klaus, en 2009 ; la loi d'orientation forestière de 2001, votée à l'unanimité par l'Assemblée et par le Sénat, qui a inscrit le principe de multifonctionnalité dans la loi ; le volet forestier du plan France Relance, qui accompagne l'adaptation de la forêt et de la filière bois au changement climatique, notamment grâce à un important soutien au renouvellement forestier ; enfin, les assises de la forêt et du bois, qui ont été l'occasion d'un large débat sur les enjeux de la filière et dont les conclusions ont été rendues en mars 2022.

Si votre commission et celle du Sénat donnent leur accord à ma nomination, je serai heureuse de mettre mon expérience professionnelle au service de l'Office national des forêts. Gestionnaire de plus de 11 millions d'hectares de forêt en métropole et outre-mer, l'ONF incarne pour moi les valeurs d'intérêt général et de long terme qui sont au cœur du développement durable ; un enjeu économique, par sa contribution à la compétitivité d'une filière qui représente 440 000 emplois dans nos territoires ; un enjeu environnemental, celui de l'adaptation de la forêt française au changement climatique afin de préserver le patrimoine forestier, les ressources naturelles et la biodiversité qui y sont associées et de contribuer à l'atténuation de ce changement ; enfin, un enjeu social, d'accueil du public – 700 000 visiteurs viennent chaque année dans les forêts françaises.

Au-delà de ces enjeux, l'ONF est un magnifique établissement, ancré dans les territoires, entretenant des liens forts avec les 11 000 communes propriétaires de 60 % de la forêt publique ; une belle maison, construite – vous l'avez dit, madame la rapporteure – par des générations de forestiers passionnés, aux compétences reconnues dans des domaines et des métiers variés, et profondément engagés au service du bien commun. Cet attachement des personnels au service de la forêt publique, que je partage pleinement, constitue un facteur puissant de motivation, en même temps – j'en ai conscience – qu'il engage et oblige un directeur général.

Nous vivons en cet été 2022 un moment particulier, dramatique par certains aspects, mais qui rend visibles les enjeux propres à l'établissement. Tout d'abord, les terribles incendies qui ont détruit plus de 60 000 hectares de forêt – et cela continue – font prendre conscience à tous de la fragilité de nos forêts et de leurs écosystèmes ainsi que de la nécessité de renforcer la politique de prévention des incendies, mais aussi de préparer la forêt de demain.

Ensuite, le tragique conflit en Ukraine montre le besoin de réduire la dépendance aux énergies fossiles, accroissant l'intérêt du bois comme matériau de construction et comme source d'énergie de substitution.

Enfin, l'accord obtenu en juin dernier par la présidence française de l'Union européenne sur les principaux textes du paquet « climat » marque l'engagement de notre pays en faveur de la lutte contre le changement climatique. Il se traduira en particulier par un objectif de stockage dans les puits de carbone qui rendra nécessaire d'investir pour le renouvellement forestier et le développement de l'utilisation du bois dans la construction.

Mme la Première ministre a indiqué que la forêt serait l'un des trois premiers secteurs de la planification écologique. J'ai la conviction que l'ONF peut jouer un rôle moteur dans cette transition, en œuvrant pour des forêts résilientes, puits de carbone et réservoirs de biodiversité, et dont la gestion durable participera à la décarbonation de notre économie, à notre souveraineté et à la vitalité de nos territoires.

Dès lors, trois grands objectifs stratégiques m'apparaissent.

Premièrement, faire de l'ONF un acteur central de l'adaptation des forêts au changement climatique. Après les épisodes répétés de canicule et de sécheresse, un tiers de la forêt française est fragilisée et, avec elle, tous les services environnementaux associés, ainsi que les potentiels économiques des territoires et les entreprises qui vivent de la forêt. Le puits de carbone et la stabilité, à terme, de l'approvisionnement de la filière sont menacés par la baisse de l'accroissement naturel, la progression de la mortalité et le risque incendie. Gestionnaire de 25 % de la forêt française en métropole, ainsi que de la forêt outre-mer, l'ONF devra jouer un rôle majeur dans la stratégie d'adaptation, afin d'assurer la transmission du patrimoine forestier et écologique aux générations futures.

Cette stratégie doit se traduire dans son activité de recherche et développement, en collaboration avec la recherche française, les partenaires européens et les partenaires de la forêt privée ; dans son activité de surveillance des peuplements, pour élaborer des diagnostics et des solutions à partager avec l'ensemble des acteurs ; enfin, dans sa mission de gestionnaire chargé des aménagements et du renouvellement dans les forêts publiques, pour adapter les plus vulnérables d'entre elles. Son expertise a en effet vocation à être partagée avec l'ensemble des partenaires de la forêt privée, du Centre national de la propriété foncière (CNPF) et des coopératives forestières, au bénéfice de toute la forêt française.

Deuxièmement, accompagner la filière bois dans l'objectif de développer une économie verte et de créer de la valeur dans les territoires. L'ONF, en tant qu'opérateur national, dispose de la capacité de mutualiser les ressources des forêts publiques dans des bassins d'approvisionnement qui dépassent les limites administratives et de garantir des clauses de vente harmonisées et l'équité d'accès à la ressource pour les acheteurs privés. Cela lui confère un rôle structurant et stabilisateur pour la filière, que renforcera encore le développement de la contractualisation inscrit dans le contrat d'objectifs et de performance (COP). Le développement de la valorisation locale de la matière première brute par nos entreprises, défendu par la Fédération nationale du bois et l'interprofession, est un enjeu pour la vitalité de nos territoires ruraux ; je partage pleinement cet objectif.

Troisièmement, conforter le rôle de l'ONF dans la prévention des risques et la gestion des crises. Les incendies de l'été ont montré que l'expertise et l'appui de l'ONF sont reconnus et nécessaires aux partenaires comme aux acteurs de la protection civile. Les événements extrêmes, qu'ils soient climatiques ou sanitaires, sont de plus en plus intenses et fréquents. Dans ce contexte, le maillage territorial de l'ONF et sa capacité à mutualiser les moyens et à mobiliser les renforts sont des atouts qu'il convient de préserver. Ses missions d'intérêt général, dont celles relatives à la défense de la forêt contre les incendies, mais aussi à la restauration des terrains en montagne et à la gestion des dunes, sont prioritaires et seront confortées.

Compte tenu de ces trois objectifs stratégiques, le régime forestier et l'ONF constituent des pièces maîtresses de la gestion durable des forêts. Les événements récents et la rapidité à laquelle nous sommes rattrapés par le changement climatique ont permis de recréer un relatif consensus quant à la pertinence du régime forestier et du statut de l'établissement. C'est aussi parce que je me retrouve dans ce consensus, transcrit par le contrat entre l'État et l'ONF, que je candidate à la direction générale de celui-ci.

Dans ce cadre, j'insisterai sur quatre axes d'action auxquels je crois pour mettre en œuvre ces priorités stratégiques et que je proposerai aux personnels si vous m'accordez votre confiance.

Tout d'abord, resserrer les liens avec les collectivités locales propriétaires des forêts ou souhaitant que les forêts dont elles sont le siège participent à l'aménagement et au développement de leur territoire. Si vous validez ma candidature, je préserverai le maillage territorial de l'ONF et m'emploierai à conforter la confiance des communes forestières (COFOR) par une transparence accrue, l'écoute des attentes des élus, une offre de services adaptée et un accès facilité des élus aux données de leurs forêts. L'instauration de la nouvelle comptabilité analytique de l'ONF et du comité d'audit, dans lequel siègent les communes forestières, vise à donner aux communes des garanties de transparence quant au modèle économique de l'établissement ; je m'engage à ce que le comité d'audit dispose des données nécessaires à l'accomplissement de son travail. Le renforcement des liens avec les communes forestières est consubstantiel à la mission de l'ONF – vous l'avez dit, madame la rapporteure ; je prends l'engagement devant vous d'y œuvrer si je suis nommée, tout comme je m'attacherai à développer les partenariats avec les collectivités régionales.

Le deuxième axe consiste à construire un dialogue transparent avec les partenaires et confiant avec la société civile – un dialogue à mener avec les partenaires historiques que sont les représentants de l'aval et les représentants des chasseurs, acteurs centraux de l'équilibre forêt-gibier, mais aussi à approfondir avec les citoyens, les associations environnementales et les représentants des usagers de la forêt. Multifonctionnelle, la forêt suscite en effet de nombreuses attentes, qui sont diverses et parfois difficiles à concilier. Si l'on veut optimiser la séquestration de carbone dans le sol et dans la biomasse, il faut expliquer les orientations sylvicoles et les partager avec les citoyens, pour dégager des consensus sur la gestion durable de la forêt – en s'adaptant à la spécificité de chaque territoire, car il n'existe pas de solution unique prête à l'emploi. L'urgence climatique et le risque incendie sont paradoxalement des leviers pour faire émerger une vision partagée.

Je suis donc favorable à une association plus étroite des ONG et des citoyens aux choix sylvicoles, sur le fondement d'outils et d'indicateurs rendant compte de cette gestion dans tous les aspects du développement durable, et d'une évaluation indépendante. Je suis également favorable à un renforcement des attributions et de la visibilité du comité scientifique de l'ONF. L'accueil de jeunes publics est un autre moyen de développer le dialogue avec la société, tout comme le service civique en forêt, qui permet d'impliquer nos concitoyens.

Troisième axe : conforter l'établissement en le transformant. Les priorités que j'entends fixer en matière de ressources humaines visent à assurer le renouvellement des générations en maintenant les compétences et en s'adaptant aux besoins nouveaux, à bâtir des parcours professionnels attractifs et à ouvrir des perspectives aux personnels, en particulier ceux dont les missions seront amenées à évoluer. Mais, alors que le changement climatique apporte son lot d'incertitudes, voire d'inquiétudes, ces évolutions ne pourront avoir lieu que grâce à un dialogue social de qualité avec les personnels et leurs représentants syndicaux, dans le respect des instances représentatives et le souci de renforcer la cohésion de la communauté de travail dans sa diversité de métiers, de compétences et de statuts. Il s'agit également de transformation digitale, pour faciliter la vie des personnels comme des partenaires externes et permettre une plus grande responsabilisation au niveau du management intermédiaire.

Enfin, évidence ou défi qui s'impose à tout candidat à la direction générale de l'ONF, il faut consolider son modèle économique. Si les moyens que lui consacre l'État sont en augmentation depuis vingt ans, ils n'ont pas permis d'éviter que ne se creuse l'endettement de l'établissement, confronté à une baisse structurelle du prix du bois et à une hausse des charges. À un moment où l'urgence climatique renforce les attentes vis-à-vis de l'ONF – vous l'avez dit, madame la rapporteure –, la question de l'équilibre de son modèle économique et du niveau d'effectifs nécessaire pour assurer ses missions est cruciale ; j'en ai pleinement conscience.

En ce qui concerne les charges, les marges d'optimisation des processus de production, de commercialisation et de transformation numérique, pour utiles qu'elles soient, ne seront pas à la hauteur du rétablissement financier nécessaire, d'autant que le changement climatique risque de rendre plus complexes les aménagements et d'accroître les besoins en matière de recherche, de surveillance, de prévention des risques et de reconstitution.

Du côté des recettes, le changement climatique et la décarbonation de notre économie devraient se traduire par un rééquilibrage structurel au profit du bois. Les financements carbone sont également une opportunité pour de nouvelles ressources propres. L'établissement pourra aussi bénéficier des financements instaurés pour poursuivre la dynamique du plan de relance, dans le prolongement des assises de la forêt et du bois.

Je n'aurais pas candidaté au poste de directrice générale de l'ONF si je n'étais pas convaincue que les missions de celui-ci sont essentielles, d'intérêt général, et justifient pleinement qu'il dispose des moyens humains et budgétaires nécessaires pour les mener. Je me mobiliserai en ce sens.

C'est donc bien consciente des défis qui attendent l'établissement, de ses difficultés, mais aussi de ses atouts que je me présente devant vous. Ma candidature est le fruit d'un engagement sincère. Si vous donnez votre accord à ma nomination, je serai heureuse de défendre ce beau projet d'intérêt général avec l'ensemble des équipes et, bien sûr, avec son président, Jean-Yves Caullet, dont l'expérience et la présence sont une chance pour l'établissement. Je mènerai mon action avec enthousiasme, détermination et dans le respect des personnes – des équipes de l'ONF comme des partenaires, élus, professionnels, associations. Si je suis nommée, je serai toujours à la disposition du Parlement pour échanger au sujet des enjeux propres à l'établissement et vous rendre compte de mon action en toute transparence.

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